4 octobre 2021

Je vous demande pardon

J’ai perdu mon papa dans la matinée du jeudi 26 août, et volontairement je ne l’ai annoncé à personne ! Mais puisque certains amis ont été choqués par cette attitude, je leur dois des explications et d’ailleurs aujourd’hui je suis revenu pour vous demander pardon…

Le levée de corps de mon père a eu lieu à la morgue de l’hôpital de Bonassama. Photo: Ecclésiaste Deudjui /CC-BY

La mort n’est pas une publicité

La mort n’est pas une campagne publicitaire comme je vois certaines personnes la banaliser. La mort n’est ni un amusement, ni un jeu. Surtout lorsque cela concerne une personne très chère qui vient de disparaître, comme moi je venais de perdre mon papa dans cette triste matinée du jeudi 26 août…
Pour moi, la mort ne doit pas être quelque chose qui se proclame haut et fort. Elle doit plutôt se chuchoter, se susurrer, se murmurer. La mort d’un proche ne doit pas être un événement qu’on annonce en grandes pompes à travers les réseaux sociaux. Elle ne doit pas être une information qu’on diffuse maladroitement à des inconnus. Elle ne doit absolument pas devenir quelque chose de vulgaire. Parce que toi tu vas annoncer naïvement que tu viens de perdre ton père, mais les gens vont te balancer de millions de « RIP » alors qu’ils ne le connaissaient même pas…

Mon papa ne ressuscitera jamais !

J’ai préféré garder le silence parce que mon papa ne ressuscitera jamais ! Quoi que l’on fasse. Quoi que l’on dise. Quoi que l’on annonce. Quoi que l’on organise. Parce que moi je croise encore des gens aujourd’hui qui continuent de me dire que « Tu as perdu ton papa et tu ne m’informes même pas ? »
Comme s’ils allaient pouvoir le ressusciter…
Le décès de mon papa a été un évènement presqu’ordinaire, puisque le monde a toujours continué de tourner. Les bars sont toujours aussi remplis qu’auparavant, et les filles camerounaises continueront encore de tomber enceintes. La mort de mon père n’a rien changé sur le sens de rotation de notre planète. Au contraire les embouteillages sont de plus en plus serrés, et les marchés sont toujours aussi bondés de monde. À quoi ça sert d’annoncer à des gens comme ça que mon géniteur venait de disparaître, alors que ceux-ci ne le considéraient même pas ?

Veillée de Deudjui Célestin à Souza
La veillée de mon père a eu lieu à Souza, le vendredi 10 septembre 2021. Photo: Ecclésiaste Deudjui /CC-BY

J’avais besoin d’introspection et de recueillement

Je ne suis pas fait de la même matière que les anges. Lorsque moi je subis un événement malheureux ou douloureux, j’ai généralement besoin d’introspection personnelle et ensuite de recueillement.
Après le décès de mon papa, j’ai vraiment beaucoup pleuré. Beaucoup. Pas parce qu’il ne devait jamais mourir, mais parce que c’était un moment inattendu et unique, inéluctable et surtout très affligeant. Perdre son père ! Je revoyais nos moments d’enfance, lorsque nous étions tout petits à Edéa ou bien à Nkongsamba, et je revoyais encore ses dernières années de retraite, lorsque nous nous retrouvions chaleureusement avec la maisonnée de Souza
J’avais besoin de rester tout seul ! De digérer sa disparition, et de faire mon deuil à l’intérieur de ma conscience. Car mon père a réellement été quelqu’un de spécial dans ma vie, et je n’avais pas forcément besoin d’en parler à quelqu’un d’autre pour le ressentir. Je n’avais pas besoin de votre pitié, de votre commisération ni de votre compassion. Je ne voulais pas avoir des gens autour de moi qui allaient me promettre des enveloppes, parce que cela n’allait pas me ramener la vie de mon père. Et je voulais surtout éviter les hypocrites, parce qu’il y a des gens qui font souvent semblant de compatir à ta douleur alors qu’en réalité ils s’en fichent éperdument

Vous resterez mes amis

Cela dit, vous resterez mes amis. Ce qui s’est passé avec le décès de mon procréateur, n’entrave en rien la nature authentique de notre relation. Vous n’avez pas à vous sentir blessés, lésés et encore moins sous-estimés, parce que j’ai malheureusement eu à décider de faire ce mauvais choix éditorial.
Le silence que j’ai entrepris n’avait rien à voir avec vous, mais avec moi. C’était une turpitude de mon esprit et une velléité de mon caractère de solitaire, mais ça ne veut absolument pas dire que je ne vous aime pas, ni que je ne vous considère pas. Et particulièrement à mon meilleur ami Pierre La Paix Ndamè, je lui demande pardon. Je ne lui ai pas permis de m’aider, alors qu’il avait tout envisagé pour essayer de m’assister. De même que ces nombreuses Camerounaises qui se sont senties excommuniées et humiliées, parce que je ne les ai pas conviées à la cérémonie funéraire ni ensuite aux obsèques. Tout comme mes ennemis d’aujourd’hui qui ont quand même pris la peine de me téléphoner, et qui m’ont chaleureusement présenté leurs sincères condoléances.
Je vous demande pardon, à vous tous ! Parce que mon attitude mérite probablement des explications, mais en aucun cas des justifications…

procession famille Deudjui
La procession dans la ville de Souza, après la levée de corps de mon père. Photo: Ecclésiaste Deudjui /CC-BY

Sincèrement, je vous demande pardon !

Donc je suis devenu orphelin dans la matinée du jeudi 26 août, et volontairement je ne l’ai annoncé à personne ! Mais puisque certaines connaissances ont été choquées par ce comportement, je leur dois des explications et d’ailleurs c’est pour ça que je suis revenu pour vous demander pardon…

Je vous demande pardon ! Je considère que c’était une grave erreur de ma part, d’autant plus que c’était une bonne occasion pour vous pour me démontrer à quel point vous me considérez.
Je vous demande pardon ! Je ne suis pas fait de la même matière que les Africains, et malheureusement je n’ai ni les mêmes priorités, ni les mêmes considérations que les peuples qui habitent ici sur notre continent.
Je vous demande pardon du fond de mon cœur, à vous mes amis, et pourtant si c’était à refaire, peut-être bien que malheureusement je le referais…

Parce que la mort d’un proche ne doit pas devenir un objet de publicité, et que je ne voulais pas prendre le risque de l’annoncer maladroitement à des inconnus. Parce que le deuil est d’abord et avant tout une aventure individuelle, et que j’avais nécessairement besoin d’une introspection et d’une méditation. Mais puisque mon attitude a dû décevoir beaucoup de personnes, sincèrement je vous supplie une fois de plus de me pardonner.
J’ai perdu mon papa dans la matinée du jeudi 26 août, et il a été enterré le samedi 11 septembre 2021.


Ecclésiaste DEUDJUI, je demande pardon à mon père
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Commentaires

Magne
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Toutes mes sincères condoléances