J’ai la crise de la bloguantaine
Aujourd’hui j’ai trente-sept ans mais ce n’est pas la quarantaine qui me fait peur. Je suis plutôt inquiet parce que j’ai décidé de ne plus continuer à bloguer.

Je n’ai plus le succès comme auparavant
Auparavant tous mes articles étaient des best-sellers. Les gens me contactaient à travers les réseaux sociaux, et certains blogueurs me considéraient littérairement comme un phénomène !
À l’époque on racontait que j’étais très drôle. De nombreuses lectrices me demandaient si j’étais réellement célibataire. De nombreux lecteurs me comparaient parfois à Guy Bedos, à Edmond Devos ou encore à Jean-Miché Kankan. Les gens qui me lisaient appréciaient les caricatures que j’utilisais pour mes illustrations, et il y en a qui me préféraient plutôt pour mes onomatopées et pour mes exclamations.
Auparavant quand je commençais dans le blogging, mes articles étaient lus à la radio par Cyrille Bojiko sur Balafon, et par Didier Kouamo sur Nostalgie FM. Mes analyses étaient reprises dans les médias internationaux et dans des thèses universitaires. Et pour la première fois que je suis passé sur une télévision camerounaise (c’était sur Canal 2), j’avais été reçu par Soflane Kengne qui ne cessait de me répéter que « Monsieur Ecclésiaste Deudjui, je suis vraiment impressionnée par ce que vous faites ! »
On me demande de me réinventer
Pourquoi est-ce que je devrais me réinventer ? Hein ? C’est parce que je suis devenu politiquement engagé alors que je ne l’étais pas auparavant ? C’est parce que mes articles sont devenus légèrement plus longs et pourtant je sais parfaitement que les Camerounais n’aiment pas pratiquer la lecture ? Hein ? C’est parce que mes plaisanteries sur Facebook sont vraiment très hilarantes, alors que sur mon blog je n’accumule que des observations psychosociologiques qui vous paraissent vraisemblablement un peu trop intellectualistes ?
On me demande de me réinventer ! Et pourtant quand j’avais créé mon blog, j’avais pour leitmotiv de l’identifier à un style particulier d’écriture. J’avais décidé de parler des « Camerounaiseries » et de m’en approprier le terme. J’avais voulu ressembler à Nasr Eddin Hodja et à Till l’Espiègle (merci Claude Derhan) parce que ce sont des auteurs qui avaient produit des dizaines et des dizaines de récits, et pourtant tous leurs récits portaient invariablement la même architecture. Et c’est pour cette raison que tous mes articles ont strictement la même structure, mais voilà qu’on me demande déjà de la réinventer. On veut me faire croire que je suis devenu complètement prévisible, que mes figures de style ne sont plus inénarrables et que les titres que j’utilise ne sont plus aussi communicatifs comme ils pouvaient l’être auparavant…

Je n’ai pas envie de devenir un blogueur-sandwich
Je n’ai pas envie de devenir un « influenceur » qui va aussi créer son www.ecclesiastedeudjui.com. Je n’ai pas envie de raconter d’étaler ma vie privée et de partager mes moindres émotions sur votre fil d’actualités. Je n’ai pas envie que la qualité de mes selfies soit plus intéressante que la qualité de mes publications. Je n’ai pas envie d’être obligé de participer à des concours, de m’auto-promouvoir et de me « vendre » comme c’est à la mode actuellement, afin que les gens qui me suivent puissent définitivement me considérer comme un excellentissime blogueur.
Non. Je n’ai pas vraiment une nature exhibitionniste. Je ne suis pas venu sur internet pour que vous me considériez comme une personnalité narcissique. Je ne suis pas entré dans le blogging pour chercher l’argent et encore moins les femmes. Je ne suis pas devenu un mondoblogueur pour rédiger des articles sponsorisés alors que je ne vais jamais monétiser mes opinions. Je ne vends même pas d’espace publicitaire sur mon blog et pourtant je suis sollicité par de nombreuses entreprises. Je ne rédige pas non plus des autoportraits sur commande. Et ne comptez jamais sur moi si vous escomptez un jour que je vais m’asseoir pour vous confectionner une hagiographie.
Je n’ai plus envie de devenir un martyr
Quand je débutais dans le blogging, je m’attaquais personnellement à tous les personnages qui commettaient une mauvaise action ici dans notre Cameroun. Jusqu’à je tutoyais même souvent Paul Biya, je condamnais Richard Bona au sujet du visa camerounais, je fustigeais Maahlox pour ses obscénités et j’ai même vilipendé Patrice Nganang alors que je suis certainement l’un de ses lecteurs les plus admiratifs…
Mais j’ai constaté que les Camerounais sont en réalité des lâches. Ils sont avec toi aujourd’hui, mais demain matin ils vont te lâcher ! Il y en a même qui m’ont bloqué sur Facebook dès qu’ils ont appris que j’étais surveillé par les renseignements généraux. Il y en a qui m’ont proféré des menaces de mort ! Il y en a qui m’ont renié publiquement alors qu’ils étaient pourtant mes followers assidus, mais c’est parce que j’avais refusé de partager leurs opinions bellicistes à propos de la crise sécessionniste.
Je n’ai plus envie de devenir un leur martyr. Auparavant j’écrivais pour réveiller mes compatriotes, mais dorénavant je vais écrire pour moi-même. J’ai l’impression que les Camerounais et les Camerounaises ne me comprennent pas. J’ai l’impression qu’ils n’ont jamais compris le réel sens de ma démarche. J’ai le sentiment que les gens d’ici ne s’intéressent qu’à des futilités. J’ai la sourde intuition que malgré tous les conseils que j’ai déjà prodigués à travers mes centaines d’articles, il y a encore des individus ici qui vont me balancer à la figure que je n’avais jamais rien réalisé pour notre République !

J’ai la crise de la bloguantaine
Donc aujourd’hui j’ai trente-sept ans hein, mais ce n’est plus la quarantaine qui me fait peur. Je suis surtout inquiet parce que j’ai finalement décidé de ne plus continuer à bloguer.
J’ai la crise de la bloguantaine. Car auparavant je déjeunais avec des ambassadeurs. Je voyageais beaucoup pour l’étranger. Je collaborais avec des artistes et c’est comme ça que j’ai rencontré mon ami Pierre La Paix Ndamè.
J’ai le syndrome de la page blanche. C’était déjà arrivé à des blogueurs comme Éric Leeuwerck et Aphtal Cissé. Mais moi c’est parce que j’ai réellement peur qu’on ne me reconnaîtra qu’à titre posthume.
J’ai également la crise de la quarantaine, évidemment, parce que mine de rien je suis né le 27 mai 1982.
Mais lorsque je suis devenu blogueur le lundi 22 septembre 2014 à quatorze heures, j’étais vraiment très motivé et surtout très déterminé. J’avais sincèrement envie de changer le Cameroun, et je voulais vraiment devenir un éducateur des consciences. Je voulais devenir un écrivain qui allait profiter de son blog pour corriger les mœurs camerounaises en s’amusant, mais je ne savais pas que ça allait m’attirer autant d’incompréhension et aussi autant de critiques.
Et que j’allais finalement tout abandonner le jour de mon anniversaire…
Ecclésiaste DEUDJUI, j’ai la trente-septaine !
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