13 septembre 2021

Les paroles de mon père

Évidemment que mon père a prononcé des milliards de phrases tout au long de sa vie. Mais certaines parmi elles ont grandement contribué à me façonner…

« Les problèmes, c’est pour les hommes ! »

Mon père nous le répétait tout le temps, et personnellement j’avais fini par l’intégrer.
« Les problèmes, c’est pour les hommes ! » Cela signifiait que les objets n’avaient pas de problèmes, ni les animaux, ni les végétaux non plus. Cela voulait dire que lorsque j’aurais une difficulté que je rencontrerais dans ma vie, je ne devrais absolument pas me décourager. Je devrais plutôt retrousser mes manches et affronter ces épreuves de la vie, parce que les épreuves de la vie sont faites pour les humains et non pas pour les individus d’une espèce quelconque ! Mon père m’a ainsi appris que je devrais toujours affronter les obstacles de l’existence avec aisance, au lieu de me renfermer dans les complaintes, les jérémiades, les déresponsabilisations, etc.

« Qui parle trop du passé souffre du présent »

Mon père a mené une existence que j’estime glorieuse. Mais il ne me parlait que rarement de son passé, parce que « qui parle trop du passé souffre du présent ».
Cela faisait partie de ses devises. Il considérait que tant qu’on vivait encore, on devrait d’abord et avant tout se projeter sur son avenir. On ne devrait jamais se complaire de nos victoires antérieures, ni se rassasier de nos batailles gagnées et de nos trophées glanés. Mon père était un optimiste, et il n’a jamais souhaité conjuguer la vie qu’il vivait à un autre temps que celui du présent de l’indicatif.

Il rappelait à qui voulait l’entendre que le passé et les souvenirs c’était bien, mais que cela ne vous permettrait jamais de solder vos factures. Que les gens qui se souvenaient régulièrement de leurs prouesses préhistoriques à longueur de journée, c’était parce qu’ils manquaient de références récentes. Et que de s’enfermer dans cette bulle mélancolico-nostalgique avait pour effet de nous ramollir, de nous désarmer et de nous projeter inconsciemment vers la destination du cimetière…

un vieux sage avec des enfants qui écoutent ses paroles
En Afrique, les paroles des vieux sont souvent remplies de sagesse. Source : gnadoemagazine.com / CC-BY

« Peu importe si on est aimé ou pas, chacun est d’abord tout seul sur terre avant d’être avec quelqu’un »

Personne ne comprendra jamais comment vous souffrez, personne ! Personne ne ressentira jamais la même douleur que vous-même, et encore moins les mêmes peines. Personne ne sera jamais autant heureux que vous-même lors de vos réussites, de vos victoires, de vos découvertes, de vos décorations…

Mon père me disait toujours que même lui-même, il partageait souvent mes souffrances et mes chagrins d’amour, moi en tant que son fils, mais qu’il ne parviendrait jamais complètement à les assimiler convenablement. Que, même ma propre mère qui m’a accouché, elle souffrirait atrocement si jamais il m’arrivait un malheur quel qu’il soit, mais qu’elle ne le ressentirait jamais pareillement. Et ensuite, il me répétait que chacun de nous naît tout seul, et que nous en repartirons tous séparément.

Il ajoutait que des âmes terrestres pouvaient peut-être s’associer pour se rassembler en tant que « âmes sœurs » (comme moi avec mon ami Pierre La Paix Ndamè), mais que la chair et le corps resteraient toujours faibles. Parce que même l’amour est incapable de redistribuer les sentiments complexes qui sont répercutés en chacun d’entre nous.

« Le conseiller n’est pas l’acheteur »

Voilà bien un conseil qui lui a valu quelques étiquettes, notamment sur son rapport assez peu conventionnel avec l’argent.
Mon papa ne se laissait pas facilement téléguider par un tiers, surtout lorsque cela concernait les questions financières. Il nous disait tout le temps que celui qui conseille, généralement, ce n’est pas lui qui effectue les dépenses. Et donc que les conseils de ce conseiller n’étaient pas consolidés par la prise d’un risque quelconque, c’est-à-dire qu’ils étaient négligeables. Que les conséquences désastreuses de tels investissements ne retomberaient que sur l’acheteur lui-même, et non pas sur son si « précieux » conseiller.

De plus, mon papa nous suggérait toujours de ne pas être très faciles à la dépense. Lorsqu’il voulait s’acheter un objet de luxe, par exemple, il préférait se donner une bonne dizaine de jours avant de confirmer son achat ; histoire vérifier si le besoin serait toujours là, et ainsi évaluer la nécessité ou bien l’urgence d’une pareille acquisition…

Les merveilleuses paroles de mon père

Donc, évidemment que mon père avait prononcé des milliards de phrases tout au long de sa longue vie. Mais certaines parmi elles ont incontestablement contribué à me façonner…

« L’offenseur oublie, mais l’offensé n’oublie jamais ! » Car les gens qui vous font du mal vont immédiatement passer à autre chose, tandis que ceux qu’on a offensés sont capables de conserver cette rancœur et cette rancune pendant environ quarante ans !
« Les chiens ne font pas les chats » Comme pour dire que certains de ses défauts et de ses qualités, c’était normal qu’on puisse les retrouver sur plusieurs de ses enfants et ses petits-enfants.
« Le chat qui voulait trop voir est devenu myope », ou comment se contenter du peu que l’on possède, sans forcément chercher à toujours convoiter ce qui se trouve à côté de nous…

Et puis il nous balançait ces belles paroles en souriant, et fort heureusement, nous les avons presque toutes assimilées. Elles ont forgé notre caractère et notre tempérament, nous ses enfants, et elles ont considérablement contribué à façonner notre interprétation de l’univers.
Parce que les paroles de mon père, hein, c’était la traduction de plusieurs années d’expérience et de sagesse qu’il avait durement accumulées. Et qui malheureusement viennent de se terminer…


Ecclésiaste DEUDJUI, les conseils de mon père
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