25 mai 2020

Dorénavant je n’entrerai plus en conflit avec mon père

La mort de mon frère aîné le 10 novembre dernier m’avait ouvert les yeux, et j’ai compris qu’il ne servait à rien de se disputailler avec les personnes qui nous sont chères. Surtout que mercredi c’est mon anniversaire et que dorénavant je n’entrerai plus en conflit avec mon père…

Deudjui Célestin en tenue traditionnelle
Mon père fait partie de la chefferie traditionnelle à Badounka par Bafang. Photo: Ecclésiaste Deudjui, 2012 (c)

Mon père ne voulait pas que je joue au football

Mon père est probablement le véritable responsable de ma non-carrière footballistique. Pas le coupable hein, mais le responsable !
Parce que dès mon enfance, je suivais déjà les traces de Maradona mais mon paternel ne se fatiguait jamais de me décourager. Et pourtant j’étais vraisemblablement un bon joueur, puisque tous mes coéquipiers m’avaient carrément surnommé « Careca » ! Et plus tard j’ai intégré des équipes prestigieuses comme le Racing de Bafoussam en 1999, ou encore le Canon de Yaoundé en l’an 2003…
J’étais modestement un bon footballeur. J’ai détruit énormément de chaussures de mon géniteur lorsque j’étais plus jeune nous avions encore la même pointure. Mais malheureusement il s’y est toujours opposé, car il privilégiait mon éducation scolaire. Et je pense qu’il espérait que je deviendrais un technicien d’électricité comme lui, ou à défaut que je me reconvertisse au moins dans la Fonction publique.


Mon père s’était séparé d’avec ma mère

Pour tout enfant ordinaire, la séparation de ses parents représente forcément un traumatisme. Voir son papa se dissocier de sa maman… Quel gâchis !
J’avais vingt ans à l’époque, car c’était en 2002. Ma maman avait jugé que ses quatre enfants étaient déjà en âge de supporter courageusement la situation (ma petite sœur venait d’avoir treize ans), puis elle avait décidé de partir !
Aujourd’hui je peux la comprendre. Même si je la comprenais déjà parfaitement à l’époque. Car ma maman était un esprit ouvert, et elle préférait mille fois s’épanouir dans la solitude plutôt que de supporter les nombreux inconvénients de son tumultueux mariage
Je n’entrerai plus en conflit avec mon père pour cette histoire ! D’ailleurs, je pense que j’ai les mêmes défauts que lui. Je ne suis pas assez attentif envers les femmes, je ne suis pas vraiment un amant charitable, et surtout je suis très-très-très rancunier. Mais moi je n’aurai jamais levé la main sur une femme comme mon père l’avait fait quelques fois avec le visage de ma mère. Jamais ! Et je ne l’aurai jamais ridiculisée devant les enfants. Et je n’aurai jamais négligé ma belle-famille comme il l’avait fait tellement de fois avec ma grand-mère…

La famille Deudjui à Edéa
Mon père, ma mère, mes frères et moi-même (accroupi à droite) à Edéa en 1992

Mon père a été mon patron

Après mes études supérieures, j’avais longuement travaillé pour le compte de mon père, notamment à Souza. Et nos relations étaient par moments si électriques…
Mon père me considérait toujours comme un employé lambda, et je ne bénéficiais d’aucun avantage ! C’est ainsi que nous avons collaboré dans son bar (barman), dans son snack-bar (disc-jockey), dans sa boîte de nuit (portier), mais aussi dans son restaurant puisque je ne sais pas faire la cuisine mais il m’avait quand même recruté pour la comptabilité…
J’ai même travaillé dans les chantiers de construction de mon propre père, en tant que chef-manœuvre. Et il me faisait porter des bacs de sable, il me faisait porter des tas de parpaings qui me provoquaient souvent la hernie, et parfois il me faisait creuser des trous qui étaient aussi profonds que la hauteur du mont Manengouba, je vous assure !
Je ne lui en voulais pas, puisqu’il me rémunérait correctement. Et je crois que j’ai bien apprécié ces belles années où je ne savais pas encore vraiment ce que je voulais faire de ma vie.


Mon père est tombé gravement malade

Mon géniteur est tombé malade en décembre 2010 ! Un accident vasculaire cérébral. Accompagné d’une hypertension et d’un diabète aigu sévère. Mais miraculeusement il a survécu.
Mieux, sa nouvelle femme a donné naissance à son dernier enfant qui était déjà en gestation, et c’est moi qui ai proposé qu’on lui attribue le doux prénom de « Espérance »…
Mon papa est encore malade jusqu’à aujourd’hui. Il ne supporte plus les querelles ni les disputes. Il évite surtout les bagarres. Il est toujours aussi rancunier puisque je vous ai dit que nous avions les mêmes défauts caractéristiques, mais personne ne veut se risquer à lui aggraver sa tension artérielle.
Alors je vais lui rendre visite de temps en temps, et je lui souhaite toujours une bonne guérison. Je n’oublierai jamais tout ce que ce monsieur-là a fait pour moi, même si nous n’étions pas toujours d’accord. Je suis réellement passionné et impressionné par l’histoire de son parcours. Je suis admiratif de tout ce qu’il a pu réaliser en partant de zéro et en ne comptant que sur lui-même. Je suis aussi reconnaissant des valeurs qu’il a transmises à tous ses enfants, puisque c’est lui qui nous a inculqué la dignité, la simplicité, l’honnêteté, la probité, la sincérité et surtout l’esprit de difficulté.
D’ailleurs il me répétait régulièrement que « Les problèmes, c’est pour les hommes ! »

Deudjui Célestin en 1975
Portrait de mon père au milieu des années 1970.

Je n’entrerai plus jamais en conflit avec mon père !

Donc le décès de mon frère aîné le 10 novembre 2019 m’avait ouvert les yeux, et j’ai compris qu’il ne servirait à rien de se disputailler avec les personnes qui nous sont très importantes. Surtout que le 27 mai c’est mon anniversaire et que dorénavant je n’entrerai plus en conflit avec Pierre La Paix Ndamè

Je n’entrerai plus en conflit avec mon père ! Parce que non seulement je ne l’atteins pas à la cheville, mais c’est aussi grâce à lui que j’ai pu connaître la terre de mes ancêtres dans son village natal à Badounka par Bafang.
Je n’entrerai plus en conflit avec Pablo ! Parce que je me souviens lorsque nous chassions les pique-bœufs devant notre véranda à Nkongsamba. Je me rappelle quand nous écoutions Julio Iglesias dans sa voiture de service à Ndikiniméki. Je n’ai pas oublié quand il m’accompagnait au Lycée bilingue d’Edéa, ni nos parties de tennis de table dans la salle de sport qu’il avait aménagée à Bafoussam.
Dorénavant je n’entrerai plus jamais en conflit avec mon père, même s’il espérait que je devienne un polytechnicien alors que malheureusement je suis devenu un blogueur.

Parce que durant ma tendre enfance, il m’arrivait souvent de ne jamais le comprendre. Alors je le maudissais en secret, je me querellais avec lui pendant ma puberté et je lui demandais de me laisser pratiquer tranquillement mon football. Je ne comprenais pas la relation tempétueuse qu’il entretenait avec ma merveilleuse mère, et je me demandais pourquoi il m’avait presque forcé à reprendre les études après le BAC que je venais d’échouer en l’an 2000, puis après le BTS que j’avais lamentablement raté en 2005.
Et c’est à 38 ans que je comprends finalement que Deudjui Célestin aura été un père irremplaçable…


Ecclésiaste DEUDJUI, je t’aime papa !
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Tous mes articles sur https://achouka.mondoblog.org

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Commentaires

Magne
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Sachez que la rancune est une maladie qui tue à petit feu. Il faudrait éviter de faire souffrir son cœur tout en conservant une personne négativement dans celui ci

Ecclésiaste Deudjui
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Ahahahaha c'est bien compris mater

Corinne Thibault
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C'est une déclaration d'amour très touchante d'un fils à son père.. Il peut être fier ce monsieur, il a, au final, fait du bon boulot...

Ecclésiaste Deudjui
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Merci Corinne. Et je pense que nous devons le reconnaître à nos parents de leur vivant Bises à toi.