Ecclésiaste Deudjui

L’amour dure trois ans

Au commencement était le verbage, c’est-à-dire la drague. C’est-à-dire que tu rencontres une demoiselle, tu lui racontes comment elle te plaît, et elle te dit qu’elle accepte de te revoir. Ensuite, le temps aidant, vous tombez amoureux l’un de l’autre. Vous vivez une passion qui vous paraît, à ce moment-là, éternelle. Vous faites l’amour chaque fois que vous le pouvez. N’importe où. Vous vous dites des « Je t’aime, moi non plus » à longueur de journée, comme dans les films. Tout ça parce que vous ne savez pas encore une chose, c’est que l’amour ne dure que trois ans…

 

Je le redis et je l’assume, L’AMOUR DURE TROIS ANS. Il y a d’abord une année de Passion, ensuite une année de Tendresse, et enfin une année d’Ennui. Parce que dans une histoire d’amour, il y en a toujours un qui s’ennuie et un autre qui est triste.

La première année vous voulez acheter des meubles ensemble (« si tu me quittes, je me suicide »). La deuxième année vous voulez déménager avec ces meubles (« si tu me quittes, je souffrirais mais je m’en remettrais »). La troisième année vous voulez vous partager ces meubles devant un juge (« si tu me quittes, eh bien bon débarras ! »).

 

L’amour dure trois ans. Parfois un peu moins, mais jamais beaucoup plus. Je sais que les femmes n’aiment pas (trop) entendre ça, mais les humains sont génétiquement programmés pour se lasser de leur partenaire.

L’amour est une poussée de noradrénaline, de prolactine et de lulibérine. Le coup de foudre, par exemple, c’est une saturation des neurones du système limbique. Le bien-être qu’on ressent quand on est en couple, c’est tout simplement dû aux endorphines… Sans oublier la dopamine, l’hormone du plaisir, l’ocytocine, l’hormone de l’attirance physique et sexuelle, et puis la phényléthylamine, l’hormone qui déclenche les sensations d’allégresse et d’exaltation.

Et toutes ces hormones cessent d’agir au bout de trois années…

 

L’AMOUR C’EST DE LA PARFUMERIE ! En général quand on aime une personne, c’est d’abord parce qu’on apprécie son odeur. Corporelle. L’amour est une question de phéromones, comme chez les animaux. C’est pourquoi nous avons inventé les parfums : POUR NOUS RENDRE PLUS ATTIRANTS !

 

L’amour dure trois ans même dans les couples qui ont déjà cinquante ans. Demandez à vos papys et mamys comment est-ce qu’ils font, pour tenir depuis tout ce temps. Les compromissions, les désaveux, les mensonges tacites, les infidélités, les faux-semblants. Demandez-leur pourquoi ils se sont fait une raison, d’accepter de se réveiller chaque matin à côté d’une personne qu’ils n’aiment plus, en tous cas plus comme avant ?

Demandez-leur si c’est à cause des enfants, ou alors si c’est à cause de la société qui voit mal les personnes qui se séparent… Hein, papy et mamy ?

 

On aime une femme un jour, on dit qu’on l’aimera toujours, et puis un jour on ne l’aime plus. Tout simplement. L’amour dure trois ans. L’amour est le problème des gens qui n’ont pas de problème. Au début vous riez à toutes vos blagues. On appelle cette période la cristallisation. Vous êtes fidèles naturellement, on n’a pas besoin de vous forcer. Vous n’en revenez pas d’avoir un partenaire aussi extraordinaire. Vous avez beaucoup de chance, vous vous dites, vous avez extrêmement de la chance !

 

Et puis un jour vous faites deux semaines sans vous voir, puis trois, puis quatre. Et puis un jour vous ne vous appelez pas. Puis deux jours, puis trois jours. Et puis un jour vous n’avez plus envie de faire l’amour avec la (même) personne, vous lui dites que vous êtes fatigué. Et puis un jour vous vous engueulez pour de vrai. Pour rien comme ça. Vous comparez déjà « l’autre » aux autres… Vous le menacez déjà de le quitter… Et puis un jour vous vous séparez pour de bon, parce que vous aimez déjà quelqu’un d’autre…

 

Après l’amour, c’est la résignation. C’est la déception intrinsèque. On se sent trahi et délaissé. Comment est-ce que quelqu’un qui vous aimait si fort, si éternellement, si sincèrement, ne vous aime plus ? Comment est-ce que quelqu’un qui jurait de ne jamais vous abandonner, finit-il par vous abandonner en fin de compte ? Hein ? Et que faire de tous ces pactes qu’on s’était faits, de toutes ces promesses qu’on s’était dites ? Quel regard porter désormais sur la sincérité ? Sur la confiance en autrui ? Sur la notion de temps ? Sur l’amour lui-même ?…

 

Je vous le dis en vérité, l’amour dure trois ans. C’est pourquoi la majorité des divorces ont lieu au bout de la quatrième année, c’est-à-dire après un an de procédure…

L’amour est un mensonge de la société. Les séries télévisées ont dit aux jeunes filles qu’il faut se marier, mais on leur a caché qu’il faut continuer d’aimer son mari même quand on ne l’aimera plus trois ans plus tard.

L’amour est une hypocrisie : le seul moyen d’aimer vraiment sa partenaire, c’est de la tromper. Parce que les qualités qu’on recherche chez un amoureux, c’est tellement nombreux et tellement versatile qu’on ne peut pas les retrouver dans une seule personne.

L’amour est une compensation : parce que dans la vie on n’a qu’un seul Grand Amour. Tous ceux qui viennent avant sont des amours de rodage, et tous ceux qui viennent après sont des amours de rattrapage…

L’amour est une escroquerie administrative : les gouvernements font tout pour que les peuples se mettent en couple, parce qu’un individu marié est un individu rangé. Il est moins délinquant, et il sera moins contestataire…

L’amour est un conformisme : à défaut d’être au-dessus des autres, on se marie pour être comme les autres, par peur d’être en-dessous des autres…

 

Je pourrais tellement épiloguer sur ces métaphores, mais c’est parce que j’ai aimé aussi. Vraiment. J’avais d’abord commencé par dire à une fille que je l’aime, puis à une autre fille, puis à une autre encore. Et puis à chaque fois, on avait fini par se quitter d’un commun désaccord.

 

L’amour est un cadeau, ça je n’en doute pas une seule seconde. Mais il est d’abord beau parce qu’il fait souffrir, et parce qu’il est éphémère. Et il fait souffrir parce qu’on est possessif et jaloux.

Pourquoi est-ce que la société nous permet d’avoir dix mille amis, mais qu’elle nous interdit d’avoir (seulement) deux amoureux ?

Pourquoi est-ce que quand notre partenaire parle à quelqu’un d’autre, on est prêt à s’arracher les cheveux ? Pourquoi est-ce qu’on part fouiller dans son passé, dans ses e-mails, dans son téléphone ? Pourquoi est-ce qu’on lui demande pourquoi est-ce qu’elle est rentrée si tard ? Ou si tôt ?…

 

Il faudrait qu’on soit capable d’aimer une femme, et de ne pas la désirer.

Il faudrait qu’on soit capable de souhaiter le bonheur de notre compagne, même si ce bonheur se trouve avec quelqu’un d’autre.

Il faudrait qu’on sache que quand on aime une femme, on doit aussi aimer les gens qu’elle aime.

Et surtout, surtout, il faudrait qu’avant qu’on détruise le cœur d’une femme, on vérifie bien qu’on n’est pas à l’intérieur…

 

L’amour dure trois ans. Les seules amours qui sont vraiment éternelles, ce sont les amours interdites, les amours inavouées, et les amours à plusieurs.

L’amour dure 1095 jours. Les seules amours qui sont presque parfaites, ce sont les amitiés.

L’amour dure 156 semaines : il n’y a qu’un homme très amoureux qui peut se permettre de ne pas croire en l’amour.

L’amour dure presque 36 mois : la plupart des gens ne tomberaient pas amoureux, s’ils n’avaient jamais entendu parler de l’amour.

 

Et puis tsuip, au fond. Peut-être bien que je dis du mal de l’amour pour me venger de n’en rien savoir !

 

Ecclésiaste DEUDJUI, inspiré par Frédéric Beigbeder


Mon histoire d’amour avec David Beckham

Lorsque David Beckham avait annoncé sa retraite sportive, à l’âge de 38 ans, il tournait ainsi la page d’une des plus brillantes carrières du football international…

 

Ça y est, ça fait longtemps, mais David Beckham a mis un terme à sa carrière internationale. J’avais suivi le déferlement médiatique qu’il y avait eu autour : éditions spéciales sur les chaînes d’infos, préparations des Unes de magazines pour les parutions quotidiennes, interviews en boucle à la radio… J’avais eu envie de penser que j’en avais marre de cette déferlante, qu’on en faisait quand même un peu trop, mais je me suis gardé de le dire car sinon ça aurait fait sacrilège voire iconoclasme…

Et puis, David Beckham en ce moment c’était le chouchou du Parc des Princes et de la Ligue 1 depuis son arrivée en France. C’était aussi le chouchou des midinettes, car depuis qu’il était au PSG, beaucoup de filles avaient subitement décidé de commencer à voir les matches de football. En live.

C’était également une égérie pour les grandes marques et les grands émirats ; d’ailleurs il l’est toujours. Il est l’ambassadeur du Qatar, d’Adidas, des slips H&M, et même de Pepsi Cola. Y a vraiment pas moyen de s’attaquer à un mec comme ça que la planète entière adore, avec sa belle gueule et avec son comportement exemplaire. Et pourtant !

En réalité, j’ai cessé d’aduler David Beckham le jour où la planète entière s’en est emparé, c’est-à-dire en 2003 lorsqu’il signait pour le Real Madrid. C’est à cette époque qu’on a arrêté de le considérer comme un véritable footballeur, pour ne le regarder désormais que comme une image. Et c’était logique, Florentino Perez (le président madrilène) avait décidé d’en faire la quatrième étoile de son armada de Galactiques. Et puis il y avait son épouse, Victoria, qui commençait déjà à achever la métamorphose de son bonhomme, à réviser son look, à revisiter ses manières, ses interventions publiques, ses choix sportifs, sa fashionmania, son carnet d’adresses people…

On oublie trop souvent de dire que David Beckham, ça a d’abord et avant tout été un superbe footballeur, capitaine de sa sélection à plusieurs reprises, et portant le maillot national à 115 occasions. On omet de dire que c’est le seul Britannique à avoir remporté le championnat national dans quatre pays différents (Angleterre, Espagne, Etas-Unis, France). On a la mémoire courte, parce qu’on ignore qu’il s’est inscrit dans la lignée des N°7 mythiques de Manchester United, juste après Cantona et juste avant Ronaldo. Et que, pendant cette période mancunienne, il cumulait des saisons à plus de 414 centres réussis, il marquait des buts à la ligne médiane, il délivrait des passes décisives à qui mieux-mieux, il inscrivait des coup-francs avec une précision de chirurgien-réparateur…

J’ai vraiment beaucoup aimé ce David Beckham-là. Je l’ai même adulé et adoré, à vrai dire. Depuis 1999 et la campagne rocambolesque de Ligue des Champions, je suis devenu fou de David Robert Joseph Beckham. D’accord, ce n’était pas le joueur le plus brillant de sa génération, ce n’était pas un joueur spécialement doué dans les un-contre-un, ce n’était pas un féru du jeu de tête ni du repositionnement défensif, mais qu’est-ce qu’il était décisif ! C’était un joueur capable de trouver toutes les zones du terrain grâce à sa capacité de passe courte ou longue, de centre ou de tir. Et surtout, il aimait le jeu. Il aimait le football de tout son coeur, il ne faisait pas semblant. Lui.

Je me revois encore pendant ces années d’adolescence-là quand j’écrivais son nom et son dossard sur chaque coin de mur, sur chaque vitre, sur chaque tableau, sur chaque feuille. Je me rappelle quand ma mère m’avait offert un maillot floqué du numéro 7, avec au dessus : David Beckham ! J’étais ivre de bonheur ! J’étais l’homme le plus heureux du monde ! Et puis, quand je suis allé à l’université, c’était sa photo qu’il y avait sur mes classeurs. Et quand j’allais chez le coiffeur, je faisais toujours la même raie que lui, qui commençait sur le front et qui finissait loin derrière la nuque…

Oui, David Beckham était un monsieur. Professionnel dans tous les clubs où il est passé. Et je suis persuadé qu’au fond de lui il n’est pas ce que les gens pensent, c’est-à-dire une pop-star. C’est un garçon qui a grandi dans une banlieue pauvre du sud-est de Londres, donc les paillettes et les strass, ce n’est pas ce qui le motive.

Enfin bref, ce que j’aimerais qu’on retienne, c’est que c’était d’abord et avant tout un extraordinaire footballeur.

 

Ecclésiaste DEUDJUI


Steve Jobs : un visionnaire

Steven Jobs nous a quittés le 06 octobre 2011 de suite du cancer qui le rongeait depuis plus de dix ans. Et si tous reconnaissent en lui un artiste, un révolutionnaire et un homme d’affaires brillants, il faudrait d’abord saluer l’extraordinaire visionnaire qui a changé les usages de millions de personnes à travers le monde. N’est-ce pas nous sommes déjà à l’i-Phone 6 ?

 

Le côté noir, c’est que Steven (Steve pour les intimes) Jobs était loin d’être une personnalité exemplaire. Pour le prouver, il n’y a qu’à rappeler son éjection de la firme Apple au milieu des années 80, société qu’il avait pourtant créée avec son compère de toujours, l’électronicien Stephen Wozniack. Et pour cause, les employés et les actionnaires lui reprochaient son comportement désinvolte, presque dilettante. Bien que millionnaire en dollars, il lui arrivait d’entrer au bureau les pieds nus, une culotte jean sur les fesses, un tee-shirt froissé sur les épaules. Il rabaissait ses programmeurs en les faisant se sentir inférieurs, il les asphyxiait de travail. Par ailleurs, il était également connu pour ses humiliations lors des entretiens d’embauche, lorsque des demandeurs d’emploi venaient lui solliciter un poste et qu’il disait à ceux-là qu’ils n’avaient rien à faire dans son entreprise Apple.

Et puis, l’autre côté noir de Steve Jobs, c’est qu’il n’était pas non plus un père exemplaire dans sa jeunesse. Il a mis une dizaine d’années à reconnaître sa première fille, Lisa. Il avait abandonné la mère, la méconnaissant, l’humiliant, ne lui accordant que de maigres pensions alors qu’il était déjà très riche à l’époque…

Mais outre ces maladresses impardonnables, c’est un informaticien de génie, un homme d’affaires de talent, un révolutionnaire avisé, bref, un visionnaire, que le monde entier a perdu en cette soirée du 06 octobre 2011. D’abord parce que, en 1976, alors qu’il est encore étudiant, il persuade son copain Wozniack (surnommé le magicien Woz) de monter une société de vente de cartes d’ordinateurs ; ce sera Apple. Jobs est un artiste et un hippie. Derrière ce dessein mercantiliste qu’incarne Apple, se cache une vision révolutionnaire de la société de consommation et du monde en général. Il veut changer les mentalités, il veut changer les habitudes, il veut changer les humains. Et pour cela, son instrument sera l’outil informatique.

C’est grâce à lui si nous utilisons aujourd’hui la souris de façon usuelle, car à l’époque une telle idée rebutait les constructeurs d’ordinateurs. C’est grâce à lui si nous avons un mode graphique aisé, car Jobs pensait que la simplification de l’informatique allait simplifier le travail des humains. C’est grâce à lui si nous utilisons des écrans tactiles, des iPod, des iPad, des téléphones intelligents, etc…

En 1997, Steve Jobs est de retour dans la société qu’il avait fondée 20 ans plus tôt. Il initie plusieurs projets d’envergure qui rehaussent la marque, revalorisent le Macintosh face au PC de Microsoft, introduisent l’entreprise dans le monde de la téléphonie mobile, de l’internet, des baladeurs…

Mais malheureusement, et tout le monde le sait, il est atteint d’un cancer qui l’oblige à faire plusieurs retraits de la scène publique. Ce qui ne l’empêche pas de présenter les grandes innovations, pour finalement se retirer définitivement en 2010, après une vie mouvementée entièrement consacrée à l’art et à l’avancée des technologies informatiques.

Steve Jobs s’est donc finalement éteint le 06 octobre 2011, de suite de ce cancer qui le rongeait tant, à l’âge de 55 ans. Il sera difficile d’oublier sa personnalité excentrique mais affirmée, personnalité qui créait sans cesse, personnalité qui inspirait, personnalité qui osait. Dans les bureaux de Apple, il y avait des pianos, des sculptures, des tableaux. Les ordinateurs qu’il fabriquait avait tous une identité : le Macintosh, le Lisa, l’Apple I, l’Apple II…

Enfin, on n’oubliera jamais deux phrases clés du génial visionnaire. La première, c’est quand il recruta un ancien directeur commercial de Pepsi en lui demandant s’il voulait continuer à vendre l’eau sucrée toute sa vie, ou alors s’il voulait contribuer à changer le monde…

La deuxième, c’est lorsqu’il reprit l’idée du mode graphique des laboratoires Xerox pour la faire installer sur ses propres machines. A l’époque, il s’était justifié en disant que les grands esprits imitent, et que les génies s’approprient.

Il venait alors de s’approprier le monde…

 

Ecclésiaste DEUDJUI


Avatar : beaucoup de bruit pour rien

A force de les lire, on a fini par les croire ! Les statistiques, bien entendu. Les records. James Cameron a battu James Cameron. Le record d’entrée en salles de Titanic battu en brèche ! On a fini par les croire, et c’est comme ça que tout le monde (enfin, presque) a voulu voir Avatar parce que si tout le monde l’a vu, c’est qu’il est forcément génial. Et pourtant…

 

S’il faut lui attribuer un mérite, le long-métrage de Cameron est avant tout un chef-d’œuvre sur le plan technologique. Et principalement sur la 3D, car avec des lunettes adaptables c’est le premier film qu’on peut visionner en ayant l’impression de faire partie de la mise en scène. C’est également une réussite sur le plan cinématographique. Parce qu’il ne faut pas oublier que le cinéma, c’est d’abord de la cinématographie. Et sur ce coup, chapeau bas à l’équipe du film : couleur parfaite, photographie impeccable, déguisements réussis, effets spéciaux à la hauteur, cadrage, plans et mouvements de caméra irrésistibles… on ne parle pas du jeu des acteurs car aucun d’entre eux n’est à reprocher, même si personne ne se dégage spécialement !

 

Ceci dit, Avatar n’est pas le film spectaculaire que les journaux et les critiques nous ont tant vanté. Outre les mérites techniques attribués ci-haut, ça reste un long-métrage à l’intrigue plate. Ça reste une pâle copie de Matrix. Ça reste une guerre du Viêtnam revisitée. Et s’il fallait qu’il y ait des habitants sur une autre planète, pourquoi fallait-il qu’ils soient humanoïdes ? Pourquoi fallait-il qu’ils soient des êtres primaires ? Comme si ce sont toujours les terriens (pour ne pas dire les Américains) qui doivent apporter la lumière aux autres et jamais l’inverse ?

 

On a vu plein de films plus élaborés « scénaristiquement » que Avatar. On a vu beaucoup de films moyens avec des personnages plus développés, plus complexes, plus épais, plus humains que dans Avatar. On a déjà eu des effets spéciaux plus impressionnants que des tyrannosaures Rex remodelés. Avatar est un « movie » hollywoodien comme on en produit une quinzaine par année. C’est un bon film, mais c’est tout. Sa réussite fulgurante vient du nom de son réalisateur, et surtout du fait qu’il soit le détenteur des précédents records en salles.

Sa réussite vient aussi de sa stratégie commerciale. Et sur ce point le titre du film l’y a bien aidé, car « avatar » se dit « avatar » dans la plupart des langues du monde, y compris en Scandinavie et au Danemark.

 

Enfin, le succès de « avatar » vient aussi de la révolution sociale internet dans laquelle nous vivons, avec les smileys sur Messenger, les avatars dans Second Life, les profils sur Facebook, les miniblogs sur Twitter, les vidéos sur Dailymotion etc… C’est fascinant pour nous de voir nos représentants numériques prendre des risques à notre place, mais si on y réfléchit… on avait déjà vu tout cela dans Matrix !

 

James Cameron aurait mieux fait de rendre son film un peu moins long : 1h45 tout au plus, au lieu de ces 2h30 d’impatience et d’ennui total. Il aurait été malin de ne pas utiliser une musique qui ressemble à celle que l’on retrouve dans Titanic. Il aurait dû épurer les longues scènes inutiles qui peuplent le scénario et qui n’apportent rien à l’épaisseur de son œuvre. Il aurait dû rendre la civilisation Na’vi plus crédible, en l’éloignant au maximum des civilisations humaines. Il aurait dû s’écarter de l’idée de révolution, et faire comme il l’a si bien réussi en 1997 avec Titanic : raconter une histoire simple avec des personnages crédibles !

 

Les histoires de fin de civilisation saupoudrées d’une pinte d’amour et d’héroïsme qui finissent par une ravageante révolution guerrière ? Non merci.

 

Ecclésiaste DEUDJUI


Comment est mort Ben Laden ?

A l’heure où la lutte contre le terrorisme connaît un net regain d’intensité, nous avons bien voulu revenir sur la plus grande traque de l’histoire. Laquelle traque a abouti à l’une des opérations les élaborées de toute l’histoire de l’armée américaine : l’assassinat de Ben Laden en 2011…


ça s’appelle un executive order, lorsque les forces spéciales américaines déploient une opération dans laquelle il leur est demandé de tuer physiquement un individu.Depuis la loi Reagan dans les années 80’, qui interdit aux soldats américains de tuer des ressortissants étrangers lors d’une opération commando, il n’y a que le président américain qui a le droit de donner cet ordre-là. Et c’est ce que Barack Obama a fait sans hésiter, le vendredi 29 avril, lorsque les services secrets l’ont assuré de la présence de Ben Laden dans une villa de la petite ville pakistanaise d’Abbotabad.

Tout commence en 2003 à la prison de Guantanamo, lorsque des détenus de Al Qaïda dénoncent un des messagers personnels de Ben Laden, et dont ils ne connaissent que le nom de guerre. Après plusieurs années de filature, la CIA finira par retrouver l’identité officielle de ce messager, pour finalement localiser sa résidence en août 2010 dans la ville militaire d’Abbotabad. Très vite, ce qui était au départ un espionnage transitoire s’avère rapidement être une trouvaille bien étrange. D’abord, la résidence du messager occupe une surface huit fois plus grande que les autres résidences du quartier. Ensuite, les barrières font 5 mètres de haut et sont équipées de barbelés. Puis, le ‘fort’ ne possède que deux entrées qui sont ultra-sécurisés. Sans oublier que le bâtiment a trois étages, et que pourtant aucune des fenêtres ne donne sur l’extérieur. Enfin, la résidence ne possède ni téléphone, ni internet, ses habitants sont très discrets, ils brûlent eux-mêmes leurs ordures au lieu de les confier aux éboueurs…

La suite on la connaît, plusieurs mois de traques nocturnes, de survols de drones, de planification de l’attaque, et surtout de silence. Car s’il faut bien avouer une chose, c’est que Barack Obama a rehaussé son image de commandant des armées sur ce coup-là. Lui que les américains jugeaient trop timide, voire timoré, pas assez courageux, a fait montre d’une patience sans borne, et d’une discrétion de tous les instants. Jusqu’au vendredi soir où, avec la certitude la présence de Ben Laden, il a donné l’ordre de mettre sur pied l’assaut. Et de capturer l’ennemi juré des États-Unis Mort ou Vif. Surtout mort !

Justement. S’il n’est pas clairement établi que le Pentagone voulait absolument abattre le leader d’Al-Qaïda, il est également avéré que la mort de ce dernier ne les embarrasse pas plus que ça. Un Ben Laden vivant aurait eu droit à des procès qui auraient perturbé les élections américaines de 2012, suscité des prises d’otages avec revendication de sa libération, provoqué des attentats suicides et des manifestations de foule exigeant qu’il soit rapidement libéré… Sans oublier que Guantanamo est en train d’être fermé, et que les américains n’aiment pas trop incarcérer les terroristes sur leur territoire.

Donc, Barack Obama en sort grandi, et ce 10 ans après les attentas du 11 septembre. Surtout, l’opération tombe à point nommé, à un moment où les mouvements de contestation sont légion dans le monde arabe. De quoi faire passer la pilule plus facilement. Surtout que dans le fond, ce que les populations de ces régions aimaient chez le fondamentaliste Ben Laden, ce n’était ni le terroriste ni l’intégriste, mais l’anti-américain qui osait défier l’arrogance des gouvernements successifs d’Outre-Atlantique.

Enfin, il reste des questions. Il reste à savoir pourquoi la télé pakistanaise s’est amusée à diffuser un photomontage d’un Ben Laden abattu de déflagrations en plein visage, avant de le retirer quelques heures après. Il reste à savoir pourquoi les américains s’amusent à ne montrer aucune photo d’un Ben Laden mort, silence qui risque d’attiser une nouvelle fois les théoriciens du complot, qui pensent déjà que cet assassinat n’est pas réel et qu’il s’agit là encore d’une autre fumisterie yankee.

Il reste à se demander pourquoi les États-Unis annoncent avoir immergé le corps sous mer, expliquant vouloir être en règle avec les rites religieux musulmans, que l’ennemi ce n’est pas l’islam mais le terrorisme, ratiocinant qu’il fallait éviter un mausolée ou un lieu de rassemblement à ce terroriste impardonnable, etc, mais des doutes subsistent quand même. Parce que dans la religion musulmane, on ne jette pas le corps à la mer, mais on le renvoie à la terre nourricière c’est-à dire qu’on l’enterre. Ensuite, parce qu’un ennemi public numéro un de cette envergure, on ne se débarrasse pas de son cadavre comme ça. On peut donc légitimement penser que les soldats américains ramèneront la dépouille mortuaire sur leur territoire, pour le garder dans un endroit quasiment inaccessible.

Et le terrorisme, continuera-t-il ? Bien sûr que oui. Ses organisations seront certainement affaiblies, voire légèrement démobilisées, mais il faut rappeler que Ben Laden avait cessé d’être le financier, le commandant de guerre, et l’idéologue depuis longtemps. La nébuleuse Al-Qaïda est une pieuvre sans queue ni tête, à tel point que ses différentes branches sont totalement indépendantes. En plus, on peut craindre une résurgence du sentiment anti-américain ou anti-occidental, conduisant à des actions criminelles de masse. Pas obligatoirement immédiatement, même dans les mois ou les années à venir…

Il reste des tas d’autres questions, mais on n’aura jamais réponse à tout. C’est à peine si on sait ce qui s’est exactement passé dans cette villa d’Abbotabad, où on nous dit que les tirs ont duré près de 40 minutes. C’est à peine. Et pourtant, 40 minutes ou pas, Ben Laden est finalement mort comme il l’avait toujours souhaité, en martyr. Mais avouons qu’on l’y a un peu forcé quand même !

 

Ecclésiaste DEUDJUI


Alain Mabanckou: apologie de son crack

Je ne suis pas Platon et Mabanckou n’est pas Socrate. Mais je voulais quand même vous dire (en deux mots) ce que je pense de ce génie littéraire…

 

L’autre jour j’ai fini de (re)lire Verre Cassé pour la 7ème fois, et, au vu du plaisir que je ressens à chaque fois, je me suis dit qu’il fallait absolument que je partage le talent de son auteur, Alain Mabanckou.

 

Avant de revenir sur le fameux Verre Cassé, je rappelle que Mabanckou est l’auteur de plusieurs autres livres à succès, à savoir « Demain j’aurai vingt ans », « Black Bazar », « African Psycho », « Mémoires de Porc-épic », « Le sanglot de l’homme Noir ». Avec un point commun au travers de toutes ces œuvres, le non-respect du conformisme et des règles grammaticales…

 

Pour donner une idée, Mémoires de porc-épic a remporté le Prix Renaudot en 2006 alors que le texte est écrit uniquement avec la virgule, que les paragraphes sont interminables, et que les premières lettres de chaque phrase sont tout le temps en minuscule…

 

Ce procédé avait déjà fait recette dans Verre Cassé en 2005, best-seller, livre qui relate les mésaventures d’un bar, Le Crédit a Voyagé, au travers du personnage ubuesque de Verre Cassé, soûlard invétéré, irresponsable matrimonial et mauvais enseignant, auprès de qui les clients du bar racontent leurs galères quotidiennes ainsi que leurs caractères lubriques et excentriques.

 

Dans Black Bazar, c’est la négritude parisienne que Mabanckou passe au peigne fin, décrivant au passage la vie artificielle des Africains de l’Hexagone.

 

Tout le contraire de African Psycho et Demain j’aurai vingt ans, deux romans qui se passent en Afrique villageoise et dans lequel le personnage central affiche une fausse naïveté qui fait merveille. Dans le 1er il s’agit dune parodie de American psycho (Bret Easton Ellis) version bantou-isée, et dans le second l’auteur nous offre une plongée au cœur de son enfance intime, sa mère qui l’a élevée toute seule, son père adoptif qui le considérait comme son propre fils…

 

Nul doute que ce Mabanckou-là est un génie. Sinon comment expliquer les centaines de références qu’il évoque à chacun de ses romans, et qui dévoilent sa culture générale intarissable ? Comment expliquer que son personnage principal puisse être un porc-épic, et que malgré tout on y croit quand il nous plonge dans les méandres du totémisme des traditions subsahariennes ? Comment comprendre qu’il écrive tout un livre, Verre Cassé, avec seulement la virgule comme signe de ponctuation ? Et que, dedans ce cafouillis de verbiage, on y retrouve la vie, le désordre, l’Afrique, l’amour, la joie, le bonheur, avec l’intertextualité pour nous saupoudrer tout ça ?

 

Et puis aussi, tous ses livres sont dédicacés à sa propre mère, Pauline Kengué, disparue depuis 1995. Ma maman aussi se prénomme Pauline. Mais ce n’est pas (seulement) pour ça que je trouve cet écrivain vraiment (très) exceptionnel…

 

Ecclésiaste DEUDJUI


Bienvenue sur la planète Cameroun…

La planète Cameroun me fait beaucoup rire hein, mais c’est le chez moi.

Je vais commencer par quoi et laisser quoi ? Dire que c’est le Cameroun dans tout son ensemble qui me fait rire ? Ou alors pleurer ? Dire que je le déteste tout autant que je l’adore ? Que, tous ici, nous rêvons parfois d’y partir dans le seul but de pouvoir s’offrir le luxe de « revenir » ?

 

Bon beh je vais quand même le dire, la planète Cameroun c’est le chez moi. C’est le chez nous. Ce qui se passe dans notre triangle national-ci est in-racontable. C’est à peine si c’est vivable. Voilà, j’ai trouvé, c’est « survivable ».

 

Quand j’étais petit, j’entendais les gens dire que le Cameroun c’est le Cameroun. Et jusqu’aujourd’hui, je me demande toujours pourquoi est-ce que cette lapalissade n’est vraie que pour mon cher pays. Hein ? Pourquoi est-ce que les gens ne disent jamais que le Gabon c’est le Gabon ? Ou les Seychelles les Seychelles ? Ou la France la France ? Ou la Papouasie Nouvelle-Guinée la Papouasie Nouvelle-Guinée ? Je m’interroge.

 

En plus c’est clair que nous ici nous nous comprenons sans mot dire, dans cette jungle urbaine, parce que notre vie c’est notre vie, notre parler c’est notre parler ; nos coutumes ce sont nos coutumes, etc… Je n’invente rien, n’importe quelle tautologie dans mon pays devient une formule philosophique très universelle […]

 

D’abord, pour te raconter le chez moi et les « Camerounautes », je vais préciser deux choses : de un, le langage qui est utilisé ici est le meilleur ingrédient pour essayer de capter nos atypiques modes de vie. Chez nous le français il est élastique, chez nous quand tu multiplies un adjectif ou un adverbe dans une phrase, tu lui donnes plus-plus de force ; chez nous on mélange all the languages dans un mismo paragrafo. Chez nous quand tu utilises un verbe, en réalité c’est que tu vas accomplir l’action contraire. « Je ne te dis pas ».

Laisse tomber, chez moi c’est… très-très-très compliqué.

 

De deux (je ne m’égare pas ; tu me connais même ?), le Cameroun est un pays très difficile à comprendre. Les Camerounais alors c’est grave. C’est pourquoi moi je ne passe pas par derrière, je pense que si quelqu’un doit changer cette planète extraordinaire, ça doit d’abord être les Camerounautes eux-mêmes…

 

En tous cas moi je dis hein, chez moi il y a la pauvreté, la famine, le banditisme, la sous-scolarité, le chômage, la corruption, la saleté, l’incivisme… Ouf ! Ça c’est ce que les Blancs ils connaissent. Même les petits Asiatiques, on leur dit en classe que l’Afrique noire c’est le bordel, c’est le foutoir. D’accord.

Mais chez moi c’est aussi la vie, le vivre, la joie de vivre, la joie, le bonheur, l’espérance, la simplicité, la complicité, l’aspiration à l’émergence en 2035 (on sera là ?).

 

Chez moi il y a un président de la république qui est presque comme un dieu. Pardon, c’est Dieu qui est presque comme notre président de la rue publique. Chez moi il y a les Lions Indomptables qui ne savaient même plus miauler, avant que Njié Clinton n’arrive. Chez moi il y a des mouvements révolutionnaires tacites, des sociétés civiles non civiques, parce que les Camerounais aiment trop leur vie pour la risquer sous les coups ou sous les balles. Pourquoi je tremble même pour dire ça : LES CAMEROUNAIS SONT DES LÂCHES !

 

Chez moi il y a parfois la misère et la pauvreté, pendant que d’autres détournent l’argent du contribuable pour s’enrichir et devenir multimilliardaires en euros et en dollars. Tu me parles de quoi ?

 

J’ai vu les gens souffrir ici, j’ai vu des femmes qui cherchent le mariage avec la torche, j’ai vu des pères qui bastonnent leurs fils, et des fils qui étranglent leur propre père… J’ai vu les vendeuses de nourriture souffrir, et souffrir encore. Ce n’est pas une vie la vie qu’elles vivent. Ce n’est pas une vie la vie que les prostituées vivent. Ce n’est pas une vie la vie que les débrouillards vivent, des gens qui sont docteurs en biochimie alimentaire mais qui croupissent sous l’effet du chômage incessant.

 

Ce n’est pas une vie que celle de nos pauvres bendskineurs, ces types qui conduisent des motos taxis et à qui on donne cent francs seulement pour une (très) longue distance. Tu ignores quoi ? Ce n’est pas une vie la vie des call-boxeuses, ces filles qui s’asseyent sous le soleil du matin jusqu’au soir, avec leurs téléphones-là qui sont volumineux comme les parpaings de quatorze, et avec lesquels on passe nos coups de fil(ature). Ce n’est pas une vie, ce n’est pas une vie.

 

Les intellectuels on les emprisonne, les journalistes on les embrigade, les écrivains on les embastille et on les étouffe. Les adversaires politiques on les admoneste. Si je te parle de tout ce qui se passe dans le petit pays-ci hein (pas le chanteur de Makèpè), hum, tu vas sauf que t’étonner. Tu vas te demander comment est-ce que nous faisons pour faire semblant de nous en sortir, pour poster nos photos de bonheur sur Facebook ou sur Twitter, avec tous les sous-problèmes que nous avons ici. Nous sommes 22 millions de personnes, mais on a plus de 22 milliards de problèmes…

 

Et puis si tu veux tu me crois, si tu veux tu ne me crois pas. Je t’ai déjà dit que chez nous ici c’est très compliqué. Mais tu vas voir, si tu t’abonnes sur mon blog (https://achouka.mondoblog.org), tu vas voir comment je vais te « dé-compliquer » tout ça…

 

Ecclésiaste DEUDJUI