Ecclésiaste Deudjui

Si Biya veut l’émergence, il doit organiser une grande fiesta

L’autre jour, j’ai assisté à un mariage. Et pendant que les mariés s’échangeaient leurs microbes, moi j’étais tranquillement en train de penser à Paul Biya. Le type-là nous avait dit en 1982 qu’il y aurait la rigueur et la moralisation. En 1990, il nous a plutôt parlé du bout du tunnel. Et puis, à l’orée 2004, il a enchaîné avec les géantes ambitions et les gigantesques réalisations…

Moi je dis hein, c’est très facile de développer le Cameroun. Quand je regarde comment le mariage-là s’est déroulé l’autre jour, je me dis que Paul Biya devrait organiser une fiesta comme ça. Parce que dans les cérémonies camerounaises, il y a tous les ingrédients de l’émergence : concentration, ponctualité, rigueur, générosité, compte rendu, calendrier, travail, objectif communautaire, fierté, bilan, etc.

Voici donc ce que notre président devrait nous dire :

 

paul biya lors d'une manifestaton dans une chefferie camerounaise
Paul Biya lors d’une manifestation dans une chefferie camerounaise

 

1-      Le port en eaux profondes de Kribi, c’est pour faire venir les cadavres !

Mais bien sûr ! On aurait dû y penser plus tôt. Vous êtes là vous dites aux ouvriers que ce port, ça devrait servir à l’économie. Ils font quoi avec l’économie ? Vous leur dites que ça va servir pour les transits internationaux, et que ça va beaucoup délester le port de Douala. Résultat : les travaux avancent lentement ! (ils avancent ?)

Il faut leur dire que ce port, c’est pour faire venir les cadavres ! Et que comme ça, ça ne va plus retarder les deuils de nos gars qui sont morts en Occident. Les Camerounais sont très concentrés sur les histoires de deuil, de morgue et de transfert de macchabées. Si tu leur dis que le port de Kribi va accélérer les procédures et que les corps arriveront en express, mofmidé ! Ils vont te livrer le chantier-là en moins de quelques jours…

2-      Les mines de diamant de l’Est, c’est pour le « bijoutage » de nos filles !

Vous croyez qu’on aurait facilement abandonné nos minéraux comme ça, aux Sud-Coréens, si on nous avait dit que ces minéraux pouvaient servir à maquiller nos filles d’honneur ?

Les Camerounais(es) aiment le bijoutage, c’est-à-dire le parement de bijoux. Tu vois un gars qui n’est pas fiancé, mais il a déjà quatorze bagues sur ses phalanges ! N’en parlons même pas de ses bracelets ni de ses colliers… Et dans « mon » mariage c’est ce que j’ai constaté, tous les officiels et tous les invités étaient ornementés jusqu’ààààààà…

Si Paul Biya veut vraiment qu’on exploite notre sous-sol, il doit nous mentir que c’est pour maquiller les garçons d’honneur lors de nos anniversaires…

3-       L’aménagement des routes, c’est pour la circulation des limousines !

Vrai-vrai hein, je ne blague pas. On n’a pas de routes dans ce pays, mais on a des limousines à chaque mariage. Et elles sont de plus en plus longues, ces limousines qu’on loue et sous-loue à coups de centaines de milliers.

Il faut dire à nos gens des Travaux publics (ministères et autres délégations urbaines) de construire les routes et les axes lourds, parce que ça va faciliter la circulation des limousines ; et que dans ces limousines on pourra ainsi mettre les mariés, et aussi les filles qui reçoivent leur première communion.

Pourquoi pas les cercueils lors de nos enterrements ?…

4-     Le 2e pont sur le Wouri, c’est pour avoir une belle vue sur le Nngondo !

Je vous dis. Depuis que la zone industrielle s’est étendue là-bas à la base Elf, le Ngondo a subi un vrai contrecoup ; parce que les gens qui y viennent ne savent même plus où se tenir. Il faut que Paul Biya nous mente, qu’il nous dise que le nouveau pont sur le Wouri, ce sera un peu comme une mezzanine sur les festivités du Ngondo.

Et alors là tu vas voir les ouvriers s’empresser, tu vas voir comment ils vont tout faire pour que le chantier-là soit livré quatorze mois à l’avance ! C’est-à-dire avant la fin décembre, juste avant la prochaine manifestation culturelle de nos peuples sawas…

 

cérémonie de remise des voeux à la première dame chantal biya
Cérémonie de remise des voeux à la première dame Chantal Biya

 

Il faut que Paul Biya organise une grande fiesta !

Et donc c’est comme ça ici, nous sommes dans le folklore permanent. Nous sommes dans l’esbroufe et dans les futilités. Nous sommes concentrés quand il s’agit d’un mariage, quand il s’agit des funérailles, quand il s’agit d’une remise de médailles, quand il s’agit d’une inauguration, quand il s’agit d’une fête nationale. Nous sommes toujours prêts à travailler les jours fériés…

Nous sommes mobilisés pour réussir le gâteau d’anniversaire, pour aménager le couvert du service traiteur ; et pour ne pas se tromper sur le nombre des invités…

Nous sommes focalisés pour trouver le bon DJ, pour sous-louer la bonne salle, avec les bons artistes, avec les bons humoristes, avec le bon présentateur. Nous sommes tous beaux, nous sommes tous fiers, nous sommes tous déterminés.

Et quand la cérémonie commence, nous nous entraidons. Nous sommes généreux envers les inconnus, on leur offre à boire et à manger. On jette de l’argent sur les longs discoureurs et sur les danseurs. On félicite les concernés et on leur donne des cadeaux, car pour la première fois de notre vie nous ne sommes vraiment pas jaloux.

À la fin, on rentre chez nous tout heureux et tout souriants, en attendant la prochaine soutenance ou bien le prochain anniversaire…

Tsuip ! Si Paul Biya veut vraiment que le Cameroun se développe, il doit dire aux Camerounais que le futur pape se rendra chez nous en 2035. Qu’on ne connaît pas encore la date exacte ni même la ville, mais qu’on sait seulement que ce sera au mois de janvier.

Et vous verrez alors comment tous les Camerounais vont se mettre au travail.

 

Ecclésiaste DEUDJUI

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Ces dix proverbes qui ont assassiné le Cameroun

Je ne vous apprends rien, la société Camerounaise est une société qui a perdu presque toutes ses valeurs. Il y a la sauvagerie qui a gagné nos mentalités, il y a la pornographie qui a investi notre progéniture, il y a les incivismes qui sont ancrés au plus profond de notre personnalité.

J’ai essayé de comprendre pourquoi nous avons autant de facilité à vivre avec l’invivable. Et j’ai compris que dès le plus jeune âge, nous absorbons des proverbes qui nous ont conduits (à coup sûr) vers la dégénérescence actuelle.

En voici quelques-uns…

j'aime mon pays

1-       LA CHÈVRE BROUTE LÀ OÙ ELLE EST ATTACHÉE

Je dis hein, est-ce que vous vous rendez même compte de ce que ce proverbe signifie ? Hein ? Ça veut dire que quand tu es aux affaires, ta famille et tes amis et toi vous devez vous en mettre plein la bouche et plein les poches. Ça veut dire que vous devez satisfaire votre ventre administratif et votre bas-ventre. Vous devez « brouter là où vous êtes attachés » sinon vous êtes des idiots, sinon vous êtes des bons à rien, sinon les sorciers du village ils vous jettent beaucoup de mauvais sort.

C’est l’un des proverbes les plus nocifs de la société camerounaise, en ceci qu’il justifie le vol des deniers publics, et que nos plus jeunes enfants le connaissent dès la maternelle. Et avec ça vous croyez qu’on sera émergent en deux mille trente quelque chose ?

2-       UN VIEILLARD QUI MEURT EST UNE BIBLIOTHÈQUE QUI BRÛLE

Mais je dis hein, qui vous a raconté ces conneries ? Un vieillard qui meurt est un vieillard qui meurt, point barre ! C’est à cause de ce genre de clichés stéréotypés que les Africains n’écrivent rien. Ils sont toujours en train de dire que la sagesse et la connaissance sont dans le cerveau d’un bon buveur de bili-bili. Ça ne veut rien dire ! Et puis quand Sarkozy va dire que vous n’êtes pas assez représentés dans l’Histoire, vous allez partir vous plaindre. Il faut qu’on arrête de penser que les vieux sont plus intelligents que les jeunes. Ils ont plus d’expérience, mais c’est tout !

Et puis vous vous étonnez de la « longévicratie » dans nos institutions. Il faut qu’on apprenne qu’il faut apprendre par soi-même, et qu’il faut réfléchir, mais surtout qu’il faut écrire. La seule bibliothèque qui avait brûlé, c’était la bibliothèque de Toutankhamon en Egypte…

3-       QUAND YAOUNDÉ RESPIRE, LE CAMEROUN VIT

Elle est bien bonne celle-là ! Sauf que celui qui l’a inventée habitait (et même encore) à Yaoundé. Le développement du Cameroun, ça ne doit pas passer par une ville ou bien par deux. C’est à cause de cet aphorisme bidon qu’en plein 21ème siècle, on soit obligé de quitter de Maroua à Yaoundé pour faire signer un simple papier. Conneries ! À quoi nous sert l’internet alors ? Et les budgets de l’informatique ? Et puis, est-ce que nous avons les routes, pour déranger les gens de cette façon ? Comment expliquer que pour retirer ton baccalauréat que tu as passé à Ngog-Mapoubi, tu doives traverser tout le territoire Camerounais ?

J’ai vraiment mal quand je regarde notre pays-ci. Regardez une simple ville comme Douala (« Douala c’est le poumon économique du Cameroun »). Regardez combien il y a des bendskineurs et de call-boxeuses. Regardez combien de gens habitent dans les zones industrielles. Regardez combien de gens sont entourloupés par les agences immobilières. Tout ça parce qu’on a dit à notre peuple que pour exister dans ce pays-ci, il faut habiter à Douala ou bien à Yaoundé… Mais ce qui m’étonne, c’est que ces grands manitous ont quand même réussi à créer un ministère de la Décentralisation !

4-       LE CAMEROUN EST UNE AFRIQUE EN MINIATURE

Ça sonne bien, non ? Et puis ça nous flatte. Mais dites-moi : qu’est-ce qu’on a en commun avec la Mauritanie ? Ou bien le Maroc ? Ou bien l’Afrique du Sud ? Cette fichue assertion nous a fait croire pendant des décennies que nous étions le meilleur pays d’Afrique. Que nenni ! Le Cameroun est un Cameroun en miniature et puis c’est tout !

Au lieu de travailler, nous sommes là à nous contenter de nos climats divers, de notre position équatoriale, de notre bilinguisme… C’est ça qu’on mange ? Voilà la Guinée Equatoriale qui n’a rien de tout ça, mais est-ce qu’on peut alors lui parler fort ?…

5-       LES MORTS NE SONT PAS MORTS

Hum ! Je n’ai rien contre Birago Diop hein, mais je dois lui révéler que les morts sont bel et bien morts ! Tous. Même Mandela qui était grand-grand-grand là, eh bien il est vraiment mort !

Ce dicton a été récité par nous dès l’école primaire, et depuis lors on ne le lâche plus. On l’a même transformé en « Un lion ne meurt jamais, il dort ! ». Allez alors réveiller Marc-Vivien Foé et Charles Ateba Eyéné. N’est-ce pas vous dites qu’ils dorment seulement ?

Le jour où les Camerounais comprendront que les vivants sont plus importants que les morts, le jour-là, on pourra alors entamer la lente marche vers l’émergence. Et puis quand quelqu’un sera malade, on s’occupera de lui du mieux qu’on peut. Au lieu de le laisser mourir, et puis de repeindre sa maison ensuite, et puis de lui offrir un cercueil chryséléphantin, et puis de lui organiser des obsèques à coups de centaines de millions de francs CFA… alors que tout ce gaspillage aurait pu le sauver de son vivant, ou alors aider ceux qui sont encore en train de croupir dans nos hôpitaux qui sont déjà des cimetières…

maya angelou exceptionnel

6-       QUI NE TENTE RIEN N’A RIEN

Dites-moi : est-ce que dans un pays sérieux, on doit tenter quelque chose pour avoir ce qu’on mérite ? Est-ce qu’on doit se (com)battre pour avoir la chance d’aider son pays à avancer ? Est-ce que votre enfant doit tenter quelque chose pour que vous lui donniez l’argent de beignets ? C’est quoi ce système où on éprouve les gens et on les suce, avant de leur donner ce qui leur revient ? C’est quoi cette manière que la compétence soit transformée en subsistance ?

Moi je dis non, non, non ! Qui ne tente rien a tout ! Si un Camerounais mérite quelque chose, il n’a pas besoin de venir toquer chez vous à 2h du matin pour l’avoir. Donnez-lui sa chose ! Donnez à ce gars ce qui appartient à ce gars ! Il a déjà « tenté » en se débrouillant pour acquérir sa force, son intelligence, sa technique, son expérience, ou son talent. Vous voulez qu’il tente encore que comment ? En s’humiliant et en se rabaissant pour satisfaire votre instinct sanguinaire ?

7-       ON NE FAIT PAS LES OMELETTES SANS CASSER LES AUTRES

Les œufs, je voulais dire. Ça veut dire que pour un rien comme ça ou pour une route imaginaire, on va venir vous déguerpir et détruire vos maisons ! Wèèèkè ! Cameroun. Pourquoi ne pas reloger ces pauvres hères qu’on délocalise ? Et pourquoi ce sont toujours les mêmes qu’on scelle, qu’on rase, qu’on expulse, et qu’on démolit ? Pourquoi la route ne doit jamais passer sur la maison d’un député, ou d’un ministre, ou d’un ambassadeur ? Est-ce à dire que même l’urbanisation du Cameroun, ça a les yeux ?…

Et puis quand on va tendre un micro peinturluré à nos délégués du gouvernement, ils vont te dire qu’on ne peut pas faire des omelettes sans casser les œufs. Est-ce qu’on leur a dit que nous ont veut manger les omelettes ? Hein ? Il ne pouvaient pas plutôt faire les œufs bouillis à la place ?

8-       LE CHIEN ABOIE, LA CARAVANE PASSE

Quand on me parle de ce proverbe, je vois directement notre élite dirigeante. Elle se fout du peuple, elle se fout de nos revendications, elle s’en balance de nos réclamations. Au Cameroun, même quand le chien n’aboie pas, la caravane passe seulement. Et cette caravane sourde et méprisante continue sa route depuis des décennies, au détriment de sa population qui naît, grandit, vieillit et meurt dans l’indifférence.

Les chiens qui aboient, ce sont nos journalistes. Les chiens, ce sont nos opposants. les chiens, c’est la société civile. Les chiens, ce sont les médias, les artistes, les sportifs, les intellectuels qui se plaignent et qui dénoncent. Mais on ne les écoute jamais parce que dans la caravane, il y a Dieu !

9-       IMPOSSIBLE N’EST PAS CAMEROUNAIS

Dans la série foutage de gueule, on ne peut pas mieux faire que ce proverbe importé de la France. Qui vous a dit que Impossible n’était pas camerounais ? Vous l’avez déjà vu ? Est-ce que vous connaissez sa nationalité ? Et c’est à cause de ce paradigme loufoque que nos Lions vont dans des compétitions sans se préparer, parce que « leur échec ne sera pas camerounais ». Triple tsuip ! Au lieu de penser à l’impossible, pensez d’abord au possible et aux possibilités. Il faut travailler et se donner les moyens de réaliser de grandes choses, et non dormir sur des proverbes aussi endormissants. Et après ça tu vas voir nos jeunes dans la rue – et même nos vieux – qui ne savent pas ce qu’ils comptent faire de leur vie. Et qui ne sont même pas inquiets, parce qu’on leur a dit que « Impossible n’est Camerounais »

10-   LE CAMEROUN C’EST LE CAMEROUN

Voici alors le grand-frère des proverbes qui nous tuent le Cameroun, et qui nous empoisonnent les mentalités. Le Cameroun c’est le Cameroun ! Une lapalissade qui ne veut rien dire, mais qui nous a fait tolérer l’intolérable. Un ministre détourne de l’argent, le Cameroun c’est le Cameroun ! Nos administrateurs tentent de s’éterniser au pouvoir, le Cameroun c’est le Cameroun ! On nous prive d’électricité pendant plus de quatorze jours, le Cameroun c’est le Cameroun. On te demande de l’argent pour soudoyer les directeurs de nos grandes écoles, ou de nos guichets, ou de nos organisations sportives, ou de nos institutions étatiques, c’est normal, parce que le Cameroun c’est toujours le Cameroun…

les grandes choses ne sont pas réalisées par la force, mais par ma persévérance

Et donc je dis non, il faut qu’on sorte de ces proverbes avilissants. Il faut qu’on remette l’éthique au centre de notre développement. Il faut qu’on redonne de la valeur à nos mœurs, et à notre éducation civique. Il faut qu’on ne supporte plus ce qui n’est pas supportable, et qu’on cesse d’accepter ce qui n’est pas acceptable. Non, le Cameroun n’est pas le Cameroun, oui, impossible peut être camerounais, oui, le chien aboie et la caravane s’arrête, oui, on peut faire les omelettes sans casser les autres, oui, qui ne tente rien peut tout avoir, oui, les morts sont vraiment morts, non, le Cameroun n’est pas une Afrique en miniature, oui, quand Yaoundé ne respire pas, le Cameroun peut vivre, non, un vieillard qui meurt n’a rien à voir avec une bibliothèque, et puis non, non, non, bon sang de non, la chèvre n’est pas obligée de brouter là où elle est attachée…

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Ecclésiaste DEUDJUI

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Faits divers: tous les Camerounais sont des sanguinaires !

On rit comme ça hein, mais les Camerounais sont des vampires !

Je suis parfois frappé que nos journaux télévisés commencent par des accidents de circulation. Je suis souvent interloqué quand dans la presse nationale, ce sont les histoires de sorcellerie qui occupent la page de couverture. Je suis toujours très déconcerté quand dans nos films, sur les réseaux sociaux et dans nos radios, ce sont les affaires de meurtres, de mœurs, de trafics d’organes et de mysticisme, qui ont la cote ici dehors…

 

La société camerounaise est pervertie ; pas à cause de la pornographie, mais à cause de la sauvagerie.

Il n’y a qu’à voir dans nos vidéos-clubs (il n’y a plus de salles de cinéma) : nos adolescents adorent les scènes d’éventration, ils adorent les scènes d’édentation. Ils sont même capables de manger leur pain chargé pendant un film d’horreur…

 

Nous sommes tous des sanguinaires, et c’est déplorable. C’est pourquoi les histoires comme celles de Vanessa Tchatchoua ont eu un succès médiatique. Qui avait volé son bébé ? Hein ? Nous aimons les histoires morbides, et c’est pourquoi nous regardons les émissions comme Regard Social qui nous exhibent les sujets tabous, les faits divers, et qui nous exposent des malformations physiques de certains Camerounais.

Nous aimons entendre qu’il y a des crimes rituels à Mimboman, que là-bas on enlève les parties des filles et qu’on part les revendre à l’étranger. Nous aimons les choses mystiques, nous aimons le monde irrationnel. C’est pour cela que le livre de Charles Ateba Eyéné (La dictature des loges…) a été un best-seller.

 

Comme Petit-Pays avait dit, c’est dans le sang. Et donc, chaque fois que je suis dans un bus camerounais, je regarde vers le sol et je me secoue la tête. Qu’est-ce que nous cherchons même au juste ? Il suffit que le chauffeur ralentisse un peu, pour que tous les passagers se lèvent de leur siège, en espérant qu’il y a eu un accident au-dehors. Et puis c’est des mains sur la tête, c’est des « j’avais bien dit que la voiture-là roulait à vive allure », c’est des bavardages à n’en plus finir, sans aucune compassion, mais avec une espèce d’assouvissement, de soif étanchée, de ce sentiment bizarre que Florian Zeller a appelé La fascination du pire…

 

Des Camerounais se réjouissant d'un accident de camion brassicole
Des Camerounais se réjouissant d’un accident de camion brassicole

 

Je ne veux pas être de ce monde-là, je suis une âme sensible. Je suis encore de ceux qui refusent de participer aux justices populaires. Tu sais, la justice où on déchiquette un être humain en pleine rue, et où tout le monde lui lance des pierres à la figure. Moi je refuse ça, je suis contre. Je ne suis pas un sanguinaire. Je suis de ceux qui ne fantasment pas sur les conteneurs qui ont écrasé les bendskineurs, ou sur les cargos qui ont jeté leurs passagers dans une rivière à PK8.

Je suis de ceux qui pensent que le camion qui avait éradiqué les usagers à Ndokoti, eh bien ce n’était pas du tout un truc à voir !

 

Mais nous sommes rares, malheureusement, dans ce pays qui a le goût du sang. Nous sommes rares à revendiquer une éthique plus juste, et à réclamer que nos enfants soient épargnés par de telles images. Nous sommes une minorité à demander que les journaux télévisés commencent par un vrai journal, et que les histoires macabres soient diffusées dans une tribune qui s’appellerait alors « Faits Divers ». Je parle des maisons qui s’effondrent, des élèves qui entrent en transe, des fillettes qui avortent, des villageois qui étêtent leur propre frère, des trains qui déraillent, des inondations, des éboulements… et des pères qui (ac)couchent avec leurs propres filles…

 

Tous les Camerounais sont des sanguinaires, je t’ai dit ! Tous les Camerounais peuvent regarder un accidenté grave en buvant tranquillement leur bière. Tous les Camerounais vont te dire en rigolant que leur voisine est décédée, en accouchant. Tous les Camerounais vont te dire que les morguiers de nos hôpitaux couchent avec tous leurs cadavres. Tous les Camerounais vont t’avouer que tel ministre, tel député, tel président de la république, avant d’être là où il est là, a d’abord versé le sang de trois de ses cousines.

 

Et le pire dans tout ça, c’est que toutes ces histoires lugubres vont faire bien rire les autres…

 

Ecclésiaste DEUDJUI

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4 novembre 1982 : et si Ahidjo n’avait pas démissionné…

Le mois dernier j’ai fait un papier sur les Camerounais de ma génération, c’est-à-dire ceux qui ont presque trente ans (Cf. Le Renouveau des trentenaires). C’était parce que je sentais poindre ce fameux 6 Novembre, qui marque à la fois les 32 ans de gouvernance de l’Homme-Lion, les 29 ans de folklores RDPCistes, mais surtout, surtout, le départ du tout premier président du Cameroun…

 

Je n’étais pas né hein, pardon, on m’a seulement raconté. Mais il paraît que la nouvelle de sa démission avait sonné comme un choc sur les ondes du Poste National, quand le président Ahmadou Ahidjo avait annoncé qu’il se retirait du pouvoir.

Je n’étais pas né hein, attention ! Mais on rapporte que malgré sa dureté, malgré sa sévérité, les gens avaient beaucoup pleuré quand il avait dit à la radio : « Je me retire définitivement de la Présidence de la République, mais soyez rassurés, parce que je vous la laisse entre de bonnes mains… »

 

Moi je n’ai pas connu le président Ahidjo. Tout juste, je peux me prononcer sur son choix d’avoir choisi son premier ministre pour lui succéder. Mais quand même, quand je pense à ce qui se passe au Burkina Faso, quand je me rappelle ce qui s’est passé pendant les révolutions maghrébines, je me dis que nous, ici, nous aurions peut-être connu pire si Ahidjo n’avait pas démissionné…

 

32 ANS DE POUVOIR ALLAIENT ÊTRE 52 ANS DE POUVOIR…

Notre premier président a pris le pouvoir en 1960. S’il n’avait pas démissionné, on serait aujourd’hui en train de fêter ses 52 ans de pouvoir ! Et donc il aurait battu le record de Kadhafi et de Omar Bongo de plus de 10 ans…

 

LE SDF ET LES PARTIS D’OPPOSITION N’ALLAIENT PAS EXISTER !

C’est bien vrai que les pays africains ont senti souffler la démocratie au début des années 1990, mais ce n’était pas forcément du goût de leurs dirigeants. Si Ahidjo était resté au pouvoir, qui sait si l’UNC (le seul parti à la l’époque) n’aurait pas été érigé en parti-Etat ? Avec comme corollaire les interdictions de manifester, la censure dans les médias, et une répression violente des mouvements d’humeur. Rappelons que de son temps, il y a eu les maquis Bamilékés et Bassa’a, qui ont causé beaucoup-beaucoup de morts…

 

LA CAPITALE ALLAIT ÊTRE GAROUA

Dis-donc ! On peut dire tout ce qu’on veut sur notre Régime, il y a quand même les bons côtés. Et quoi de plus sexy que de boire sa bière quand on veut, où on veut ? Mais surtout à Douala et à Yaoundé ? La force de notre Renouveau est qu’il nous permet de vivre comme nous le voulons. Si la capitale était Garoua, qui sait si des mouvements extérieurs n’auraient pas tenté de convertir le Grand-Sud ? de force ? Au lieu de ça on peut se divertir le samedi soir, et même les six autres soirs, on peut avoir un pasteur qui en réalité n’est que le voisin, et on peut rêver aussi de partir découvrir le reste du monde…

 

investiture de Paul Biya le 06 Novembre 1982, après la démission de Ahidjo.
investiture de Paul Biya le 06 Novembre 1982, après la démission de Ahidjo.

 

Oui, en un mot comme en mille, personne ne sait ! Si Ahidjo n’avait pas pris son micro ce 4 novembre 1982, on ne serait pas là en train de fêter le 6 novembre avec le RDPC. On ne serait pas là au carrefour en train de boire nos bières et de bloquer la circulation. Si le 4 novembre la radio n’avait pas annoncé que notre président se retirait, peut-être que nos Lions Indomptables n’auraient jamais été champions d’Afrique. En 1984, en 1988, en 2000, puis en 2002. Si Ahmadou Ahidjo n’avait pas confié son poste à ce jeune fonctionnaire aux dents longues, Paul Biya, peut-être que notre pays aurait basculé dans le chaos, dans la gabegie, et dans une successivité de coups-d’états…

On ne sait pas.

 

Et au lieu de ça nous sommes toujours en train de nous plaindre, de nous plaindre. Pourtant nous avons la paix, pourtant nous avons la nourriture, pourtant nous avons les jolies femmes. Pourtant nous avons la liberté d’orientation religieuse, et même la liberté de penser. Pourtant nous avons la liberté de critiquer…

 

En tous cas je vous ai déjà dit hein, moi je suis dehors en train de boire ma bière !

 

Ecclésiaste DEUDJUI

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Non, le cinéma camerounais n’est pas mort !

On dit comme ça hein, les Camerounais-là bavardent beaucoup. Ils disent qu’il n’y a pas de salle de cinéma dans ce pays, mais ils sont toujours en train d’acheter les billets pour aller voir les films camerounais à Douala Bercy…

L’autre jour c’était Le Blanc d’Eyenga 2 qui devait y passer. Ce qui est sûr, c’est que c’est un film de Noir ! Le réalisateur est en même temps réalisateur, acteur, promoteur, cadreur, metteur en scène. Le réalisateur a promis qu’il va produire (il est aussi producteur) des films au prix d’une bière, mais on a payé plus de 10 bières sans pour autant avoir une seule image…

 

Et là moi je dis stop ! stop ! stop ! Les Camerounais n’ont pas besoin d’aller perdre leur temps (ni leur argent) dans les salles de cinéma (qui n’existent pas), parce que NOUS AVONS DEJÀ LE VRAI CINÉMA TOUS LES JOURS AUTOUR DE NOUS. Je m’explique.

 

LE DÉCOR

Si tu as déjà habité à Doualawood ou à Yaoundéwood, tu dois savoir que nos décors ici sont très changeants. Tu peux sortir le matin avec un parapluie, et puis tu l’oublies dans un bar parce que la tornade a laissé la place à un soleil ardent. Tout ça dans la même journée. Et c’est très pratique pour réaliser n’importe quel type de scène.

 

LES COSTUMES

Ce sont les habillements que tu veux voir ? On trouve tous types de costumes dans nos ruelles. Les filles qui s’habillent sexy, qui mettent des dos-nus, des matelots et des minijupes. Des pseudo-intellectuels, qui portent des lunettes pour se montrer plus intelligents. Et puis, question coiffure, la palme d’or revient à nos magistrats qui sont noirs comme le charbon, mais qui portent des perruques blanches comme la neige…

 

LES ACTEURS

Le vrai cinéma camerounais, il est partout autour de nous. Les acteurs sont les vendeuses de nourriture, les bendskineurs, les call-boxeuses. Tous ces gens-là sont doués comme pas possible, lorsqu’il s’agit de jouer leur rôle. Tu entres dans un taxi et une femme t’insulte pour rien comme ça ! Tu te promènes dans un marché et un commerçant essaye de t’entourlouper. Tu te rends dans une entreprise, ou un service public, et on te fait clairement savoir que tu n’es pas le bienvenu !

 

LE SCÉNARIO

Nos scénarios (les gens aiment dire scénarii pour se rendre plus intéressants) sont imprévisibles. Tu pouvais savoir, toi, qu’on peut se chamailler avec son propre professeur ? Tu pouvais imaginer qu’on puisse tromper sa femme avec sa propre sœur ? Et puis celle-ci avec une autre cousine ?

Quand tu vis au Cameroun, chaque seconde est inattendue. Tu peux subitement devenir ministre sans t’y attendre, tout comme tu peux te retrouver prolétaire ou non grata en moins de 48 heures. Regarde Samuel Eto’o, regarde Marafa Hamidou, regarde nos anciens ministres. Regarde un ancien opposant farouche qui est devenu porte-parole du gouvernement qu’il combattait…

 

LES BRUITAGES

Les fonds sonores de toutes nos scènes, ce sont les bavardages. Le matin, à midi, le soir, la nuit, c’est le kongossa. Que tu dormes ou que tu te réveilles, tu vas entendre les gens chuchoter autour de toi. Les acteurs camerounais sont toujours en train de malparler d’autres acteurs. Et puis quand ils se retrouvent, ils sont incohérents. Les dialogues dégénèrent rapidement en esclandres. « Tu me connais même ? » « Tu es né quand ? » « on t’a dit que c’est ta sale maman qui m’a accouché ? »…

 

NON, LE CINÉMA CAMEROUNAIS N’EST PAS MORT !

Moi je pense que nous n’avons pas besoin de salles de cinéma dans ce pays ! Et je pense que nous avons même le meilleur cinéma du monde, parce que ce que nous vivons ici est exceptionnel !

Le Cameroun est une salle de cinéma géante, où les spectateurs sont eux-mêmes des acteurs. Où le scénario n’est jamais connu à l’avance. Où tu peux voir les actions en 4D. Où il y a des catastrophes permanentes, des accidents de circulation, des homicides « un » volontaire…

Le Cameroun est un film qui tourne presque au ralenti, et qui n’a pas d’acteur principal. Tout le monde rêve paradoxalement d’être le méchant. On veut prendre la place des autres, on veut être les califes à la place des califes qui sont déjà là.

Et ça fait déjà plus de cinquante ans que ça perdure…

 

The End.

 

Ecclésiaste DEUDJUI

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Comment fabrique-t-on les intellectuels au Cameroun ?

L’autre jour j’étais moi tranquillement en train de regarder mes émissions du dimanche. N’est-ce pas ce sont les débats ? Vous ignorez quoi ? Le dimanche si tu captes une chaîne camerounaise, tu vas sauf que voir les gens en costume-cravate. Surtout aux environs de midi. Tu vas tomber sur des gens qui portent des lunettes bien nettoyées, sur des gens qui ont des chemises bien carrelées.

Le dimanche, ce qui me plaît dans nos télévisions, c’est que tous les panélistes sont très intelligents. Ils vont te démontrer qu’ils ont fréquenté jusqu’à-jusqu’à, et qu’ils ont tous les diplômes du monde (Bac+40 en général). Ils peuvent même te prouver par B+A que l’Etat a ajouté le nom « Professeur » dans leur acte de naissance…

 

À L’ECOLE PRIMAIRE

Pour comprendre pourquoi nos intellectuels (j’ai du mal à l’écrire sans guillemets et sans guillotine) sont si incohérents dans leurs raisonnements, il faut remonter à leur prime enfance : c’étaient des bagarreurs dans la cour de récréation, c’étaient des gens qui regardaient par la fenêtre quand le maître expliquait la leçon.

Nos intellectuels, c’étaient des adolescents qui visaient les goyaviers pendant les grandes vacances. Ils avaient un jeu favori qui consistait à lancer les cailloux sur les câbles de la SONEL, et ils pouvaient jouer à ce jeu jusqu’à la tombée de la nuit.

 

AU SECONDAIRE

Au lycée ou au collège, nos intellectuels étaient surtout des grévistes. Au lieu de choisir entre la C ou bien la D, ils ont passé leur adolescence à militer pour la suppression du Probatoire. Ils n’avaient jamais ouvert un livre, sauf si celui-ci était inscrit au programme. Et c’est en Terminale, avec la Philosophie, qu’ils se sont dits un jour en se réveillant : « Je connais Descartes, donc je suis intelligent »

 

À L’UNIVERSITÉ

À la Fac, hormis la bourse dont ils ont bénéficiée, nos manitous d’aujourd’hui étaient surtout des flagorneurs et des répétiteurs. Ils ont validé leurs UV en pensant que leurs professeurs étaient des gourous spirituels. Megde ! En plus, le fait de draguer les filles du collège (donc de l’étage inférieur) leur faisait penser qu’ils étaient vraiment brillantissimes.

Qu’est-ce qu’ils étaient naïfs !

 

CONCLUSION

En fait, tout ça c’est pour dire une seule chose, c’est que nos intellectuels du Cameroun ne sont pas des intellectuels ! Ce sont des « intellect-tueurs », c’est-à-dire des gens qui nous tuent l’intellect. Ce sont des gens qui n’inventent rien, qui ne proposent rien, qui n’imaginent rien. Ce sont des gens qui font de long discours pour ne rien dire de bon.

Ce sont des gens qui sont comme des marchandises, parce qu’ils viennent à la télévision pour montrer combien ils ont de cravates. Ou de séminaires. Ou de séjours en Hexagone.

 

QU’EST-CE QUE C’EST QU’UN INTELLECTUEL ?

Un intellectuel c’est quelqu’un qui réfléchit, qui propose, qui invente. Qui cherche à laisser quelque chose à la postérité. Qui ne critique pas pour critiquer.

Un intellectuel, c’est quelqu’un qui concourt pour être prix Nobel de l’Economie, ou de la Physique, ou de la Mathématique, par ses Travaux.

Un intellectuel, ce n’est pas quelqu’un qui s’agrippe à ses postes de fonctionnaire ou bien de salarié, mais plutôt quelqu’un qui est capable de démissionner si ses idées ne sont pas prises en compte.

Un intellectuel, c’est quelqu’un qui est capable de monter lui-même ses propres projets.

Un intellectuel, ce n’est pas forcément quelqu’un qui est riche ou bien habillé. C’est quelqu’un de modeste, qui vit dans le partage, et qui n’est jamais vraiment satisfait de ses connaissances.

 

Et pourtant tu vas les voir dehors, nos pseudos-penseurs d’ici, créer des partis politiques, alors qu’ils cherchent juste la Mangeoire.

Après tu vas les voir dans les bibliothèques, écrire des livres de 450 pages qui ne disent rien à l’intérieur.

Après tu vas les voir à la FECAFOOT, incapables d’établir un simple calendrier du championnat. Ou bien un simple échéancier des primes de matches.

Après tu vas les voir dans nos ministères, se mettre à genoux dès que les petits Blancs arrivent.

Après tu vas les voir dans les carrefours, essayer d’épater les bendskineurs, avec leur long français de la Sorbonne qu’ils ne comprennent pas bien eux-mêmes.

Après tu vas les retrouver au Brésil pendant 30 jours de Coupe du monde, alors qu’ils sont censés avoir du travail ici au Cameroun.

Après tu vas les voir à l’Assemblée Nationale, voter des lois bidons, puis se rebiffer eux-mêmes en moins de quatorze jours.

Après tu vas les tamponner dans les grandes entreprises, en train de pianoter sur internet à la recherche de sites pornographiques.

Et pourtant ce sont des directeurs, et pourtant ce sont des administrateurs.

 

Tsuip ! Les intellectuels Camerounais sont simplement des diplômés illettrés…

 

Ecclésiaste DEUDJUI


Paul Biya 1982-2014 : le renouveau des trentenaires

Aujourd’hui j’ai trente ans. Enfin, disons un peu plus. En tous cas je suis trentenaire. Bientôt j’aurais l’âge où mon âge me complexe. Je suis de ceux qu’on appelle « les enfants de Paul Biya ».

Nous sommes nés quand le RDPC et la CRTV n’existaient pas encore, mais à vrai dire, qu’est-ce qui existait même vraiment dans ce pays ?

 

On a grandi en entendant le nom « Ahidjo, Ahidjo ». Il paraît qu’à l’époque du 1er président, on n’avait même pas le droit de prononcer son nom en public. Mais le pays était plus développé que la Chine, les Camerounais étaient plus intelligents que les Indiens, et nos footballeurs étaient tous plus forts que Lionel Messi… Foutaises !

 

Nous on a grandi quand le Franc Français valait encore 50 francs CFA. Avant la 1ère puis la 2ème dévaluation…

Nous on a grandi quand toutes les sociétés d’Etat n’étaient pas encore privatisées.

Nous on a grandi quand le Nigeria et le Cameroun se déchiraient pour s’accaparer Bakassi.

Nous on a grandi quand le meilleur footballeur du monde s’appelait Diego Armando Maradona.

Nous on a grandi quand nos parents avaient encore des bourses universitaires dans ce pays !

Nous on a grandi quand les Lions Indomptables savaient encore gagner des compétitions, d’abord entre 1982 et 1990, ensuite entre 1999 et 2003.

 

A notre époque, il n’y avait pas encore de Canal+. On n’avait pas le câble. On regardait les films en espagnol sur une chaîne de télé équato-guinéenne, en montant sur la toiture et en traficotant l’antenne extérieure…

On était de vrais lecteurs : on lisait Blek le Roc et San Antonio, et parfois même les romans photos dans le magazine Amina…

La télévision nationale commençait à 18h30, avec une espèce de ballon multicolore qui occupait l’écran, et qui produisait un bruit assourdissant. C’est par ce canal que nous avions appris la chute du mur de Berlin, la catastrophe de Nsam-Efoulan, le décès de Kotto Bass, l’avènement du multipartisme dans les pays africains…

 

Au début des années 1990, il y a eu les villes mortes et la « défaite » du SDF à la présidentielle de 1992. Nous étions encore des adolescents, nous ne comprenions pas (bien) ce qui se passait, mais on ne voulait pas que les « ça gâte, ça gâte » et les « on va voir qui est qui » nous mette ce pays à feu et à sang…

 

La Corruption, nous l’avons découverte lors de l’opération COUP DE CŒUR, lorsque le peuple s’était cotisé pour envoyer nos Lions à la World Cup 1994 aux États-Unis. Jusqu’aujourd’hui, on sait que le fameux pactole se retrouve entre Paris et New-York, mais personne ne peut vraiment nous dire de quel côté de l’Océan.

 

A l’époque, on faisait ce qu’on appelait le plein-temps. C’est-à-dire qu’on allait en classe le matin, on rentrait chez nous à midi, et puis on retournait aux cours vers 14h30. Aujourd’hui ce n’est plus le cas.

 

Moi je suis un enfant de Paul Biya. Un beau jour j’ai obtenu mon baccalauréat à l’âge de 19 ans, et quand j’ai décidé d’arroser ça, je me suis réveillé quand j’avais 30 ans. Mon âge commence désormais par un 3, comme le Renouveau de Paul Biya, et jamais plus il ne recommencera par un 2. Encore moins par un 1…

 

Tous ceux qui ont mon âge ont obtenu leur premier téléphone portable à l’université. Ou bien après. Avant cela, il fallait tourner sur un rotor qui servait de téléphone fixe, et attendre qu’il revienne au point de départ pour le re-tourner sur un autre chiffre.

Tous ceux qui ont mon âge ont découvert l’ordinateur portable en même temps qu’ils découvraient les cybercafés et l’internet.

Tous ceux qui ont mon âge ont joué aux « amis invisibles » au collège. On attendait le facteur comme un messie, et quand on expédiait un courrier on escomptait la réponse au bout de trois ou quatre semaines ! C’était encore l’époque où La Poste n’avait pas été supplantée par les mails, les blogs, les SMS et les avatars.

 

A la télévision, nous aimions les choses simples. Clémentine, Tortues Ninja, Melrose Place, Beverly Hills. Il y avait les films de Jackie Chan et de Kunta Kinté, les matches de basket de Michael Jordan, les combats de boxe de Mike Tyson, les chansons de zombies de Michael Jackson (qui était encore Noir à l’époque)

On aimait beaucoup regarder Ciné-Files à 19h30, parce que, à l’époque, nous avions encore des salles de cinéma dans ce foutu Triangle…

 

Et donc chaque soir on voyait notre président faire du vélocyclisme au journal de 20h, quand il ne s’amusait pas à jouer les Tiger Woods sur un green. On avait droit à des scènes de famille présidentielle à l’américaine, une bise par-ci à la 1ère dame, une blague par-là au 1er ministre. Ceux qui sont nés avant le RDPC (1985) savent bien de quoi je parle […]

 

Aujourd’hui j’ai trente ans. Nous les enfants de Paul Biya, on a connu un président qui n’était pas encore manipulateur ni calculateur. Quand on l’a connu, il ne parlait pas encore des (grandes) Ambitions ni des Réalisations. Il parlait beaucoup de la jeunesse, il parlait beaucoup à la jeunesse. Il nous disait qu’il était le sportif numéro 1, l’agriculteur numéro 1, le soldat numéro 1, le Camerounais numéro 1. Et naturellement nous le croyions !

Il n’y avait pas encore cet oiseau anthropophage qui s’appelait Épervier, ni un autre qui s’appelait Albatros, et qui faisaient peur à tous les administrateurs de notre gouvernement.

 

La première chose que nous avons connue avec Paul Biya, c’est le Renouveau. Un Renouveau qui se renouvelle, un peu comme nous, qui refusons parfois de porter notre âge, et qui attendons toujours que le gouvernement fasse quelque chose pour nous, au lieu de voir ce que nous pouvons faire pour notre gouvernement.

 

Oui, nous les trentenaires du Cameroun, nous sommes le vrai Renouveau de Paul Biya. Nous sommes la clé de voûte de notre développement. Mais je nous trouve très bridés, très faussés, très complexés, très désabusés. Je nous trouve pas assez inventifs, voire même parfois pleurnichards.

Je trouve que nous aimons trop critiquer pour critiquer, et que parfois nous sommes même plus vieux (dans l’esprit) que les vieillards que nous critiquons dans notre administration.

 

Nous voici donc à l’aube du 6 Novembre 2014, après 32 ans du seul pouvoir que nous ayons connu. Qu’en avons-nous fait ? Qu’en allons-nous faire ? Est-ce que nous allons gâcher notre existence à renâcler les vieux conflits de nos prédécesseurs, ou à ressasser les vieilles rancœurs de notre décolonisation, au lieu de travailler de notre côté pour aider notre président à avancer ? Est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux, plutôt, de faire la Différence pour montrer que nous, les trentenaires, nous pouvons améliorer ce pays de l’intérieur ?

 

Voilà le vrai Renouveau que je vous (re)commande…

 

Ecclésiaste DEUDJUI

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