Comment j’ai réussi à obtenir ma carte d’identité au Cameroun
Je vous jure que c’est plus facile de réussir un doctorat en biologie moléculaire que d’obtenir une carte d’identité ici au Cameroun. J’avais entamé mes procédures le 1er février, et ce n’est que le vendredi 21 avril 2017 que j’ai finalement pu rentrer en possession de ce précieux sésame.
J’AI RÉUSSI À COMPOSER MON DOSSIER
Apparemment, ce sont les Français qui sont chargés de la sécurité de notre nouvelle carte d’identité (c’est normal ça ?). Et donc quand j’ai perdu mon ancienne CNI qui était sortie de ma culotte pendant que je testais encore ma nouvelle moto Nanfan, je suis allé dans un commissariat et on m’a dit que « Il te faut l’extrait du casier judiciaire. Il te faut le certificat de nationalité. Il te faut le certificat de perte. Il te faut la confirmation de ta profession. Il te faut une copie certifiée conforme de ton acte de naissance… »
Massa ! J’allais arriver ?
Mais heureusement que quand tu arrives devant la mairie, tu donnes tes 2 500 FCFA et on part légaliser ton acte de naissance sans même se rassurer si c’est vraiment l’authentique ou bien si c’est une fabrication de Kumba. Quand tu arrives devant le tribunal de 1ère instance, tu donnes tes 2 500 FCFA et tu reviens le lendemain pour récupérer ton certificat de nationalité (même si tu n’es pas Camerounais hein). Et enfin, au lieu de 2 800 FCFA comme c’est prévu par l’Etat, tu viens avec tes fap kolo et tu glisses ça dans la poche du policier qui est chargé de vous établir les récépissés…
J’AI RÉUSSI À ME RÉVEILLER À 05H DU MATIN
Au départ je pensais que c’était la blague ! Je suis arrivé devant le commissariat de Bonamoussadi vers les 11h du matin, et une policière m’a demandé que « Tu es en France ? ». Je suis revenu le lendemain matin à 08h30 et elle m’a répondu que « On ne reçoit pas les gens en culotte ici ! »
Et c’est comme ça que je suis parti vers Bépanda pour retenter ma chance. Je suis allé dans un commissariat à Bonanjo et j’ai trouvé un rang qui était plus long que la Grande Muraille de Chine. Je suis revenu du côté de Bonabéri mais il n’y avait pas d’électricité dans tous les commissariats de là-bas. J’ai donc passé plus de quatre semaines à monter et à descendre avec tous mes papiers, jusqu’au jour où j’ai compris que ça ne servait à rien de se réveiller à 04h du matin alors que tu sais que tu vas toujours arriver en retard. Et que c’est plutôt mieux d’apprêter tes fap kolo que tu vas aller glisser dans la poche du policier qui sera chargé de vous établir les récépissés…
J’AI RÉUSSI À SUPPORTER LES POLICIERS
On dit comme ça hein, les policiers camerounais ne sont pas faciles ! Surtout les chefs de postes. Surtout les inspecteurs de Police. Surtout les gardiens de la paix. Surtout les commissaires divisionnaires. Surtout les commandos des unités spéciales. Parce que dans tous les commissariats où je suis passé pour établir ma carte d’identité camerounaise qui est pourtant contrôlée par la France, on nous insultait comme si on était des chiffons : « Mouff ! Tu ne sais pas lire ? », « Mouff ! Tu ne connais plus le nom de ton père ? », « Mouff ! Tu as oublié le nom de ton village ? »
Jusqu’à il y a une policière qui était en train de manger son poisson braisé pendant que les gens l’attendaient dehors pour qu’elle leur remette leurs récépissés. Jusqu’à il y a un autre policier qui était en train d’avaler ses bières, et qui ne faisait que nous gronder que « Quittez à la porte ! ». Et en même temps il disait à sa collègue que son cousin vient de l’inviter pour venir participer à l’enterrement d’une petite Guinness…
J’AI RÉUSSI À SURVIVRE DANS UN COMMISSARIAT
Hormis même les policiers hein, la vie dans un commissariat camerounais c’est quand même quelque chose d’étrange. Parce que non seulement ça ressemble à une vieille maison abandonnée, mais on dirait que les gens qui vont là-bas sortent tous d’un hôpital psychiatrique !
Tu vois une femme qui vient se plaindre que ça fait plus de trois jours que son mari ne lui dit plus bonjour. Et la commissaire lui demande que « Où est le problème ? » Tu vois un gars qui vient se plaindre parce qu’il ne sait pas comment on rédige une plainte. Tu vois comment le commissariat est rempli avec des herbes qui ne sont même pas défrichées, et c’est dans les herbes-là qu’on part garder les voitures et les motos en fourrière. Tu vois comment les gens sont assis-là du matin jusqu’au soir en train de taper leurs commentaires parce qu’ils attendent leur carte d’identité, et en même temps il y a un antigang qui est en train de parler fort sur son talkie-walkie : « Allô Bravo, ici Epervier noir. Alerte rouge au carrefour Ndokoti à cause des bendskineurs. Vous me recevez ? »
J’AI FINALEMENT RÉUSSI LE CONCOURS DE LA CARTE D’IDENTITÉ CAMEROUNAISE
Donc je n’ai pas encore le doctorat comme Pierre La Paix hein, mais si je m’engageais je suis sûr que j’allais l’obtenir avant d’entrer en possession de ma nouvelle carte d’identité…
J’ai enfin réussi le concours de la patience. Parce que quand tu arrives dans un poste de Police, on ne veut même pas savoir si tu es occupé ou bien si tu as profité de ta pause pour venir récupérer ton récépissé.
J’ai enfin réussi le concours de la maîtrise. Parce que quand je voyais comment on insultait les parents des gens là-bas, j’avais vraiment envie de me mettre en colère mais j’ai pensé à ma carte d’identité.
J’ai enfin réussi le concours de la « camerounité » si je peux dire, parce que toutes les personnes que j’ai rencontrées étaient des gens qui voulaient simplement confirmer qu’ils sont des Camerounais.
Puisque malgré toutes ces difficultés, nous étions toujours là. Malgré que ça ne nous donne pas l’argent et que ça nous fait plutôt dépenser au contraire, nous avons quand même accepté de venir nous mettre en rang. Malgré que la carte d’identité soit devenue plus compliquée qu’un concours, j’ai enfin réussi à réaliser que les gens qui habitent ici ont vraiment envie de se comporter comme de bons citoyens camerounais…
Ecclésiaste DEUDJUI, je suis un citoyen camerounais
WhatsApp: (+237) 696.469.637
Tous mes articles sur https://achouka.mondoblog.org