[EXTRAITS] Mélanie…
J’ai une ancienne amante qui s’appelle Mélanie et qui est aujourd’hui exilée à l’étranger. Je lui ai réservé tout un paragraphe dans mon manuscrit consacré à la psychosociologie camerounaise.
Extraits.
« AVEC MÉLANIE C’ÉTAIT UNE TOUT AUTRE HISTOIRE, parce qu’à vrai dire ce n’est pas vraiment d’elle que j’ai envie de parler, ni de son personnage ni de son physique, mais plutôt de ce qu’elle m’a fait découvrir, et en particulier de son amour, mais surtout de son milieu, et en priorité de sa vie, de sa famille, de son village, de son intimité, et donc j’avais rencontré Mélanie à Douala un soir de pluie, au carrefour Bonabassem, elle ne m’avait pas parue très jolie mais j’avais remarqué la cordelette qui lui ceignait le tour de taille, et puis elle avait quand même un joli sourire, et donc nous échangeâmes nos numéros, et puis elle disparut dans la pluie avec sa sœur et son beau-frère, me laissant choir en étant tout trempé, enfin zut, disons qu’ensuite je l’avais entretenue pendant environ quatre semaines au téléphone, et que nous étions presque devenus des amis invisibles, des amants invisibles, je ne savais même plus à quoi elle ressemblait, elle non plus pour moi je suppose, mais par textos interposés nous nous disions de gros mots, nous nous disions que nous nous aimions, que nous nous manquions, et pour moi c’était un jeu, c’était un divertissement, c’était une distraction, c’était un plaisir éphémère, c’était un passe-temps, c’était un pis-aller, jusqu’au jour où mon oncle me demanda de monter sur Yaoundé pour lui remettre un colis, trois mois après la rencontre avec Mélanie, et alors la fille me supplia de prolonger de soixante kilomètres pour atteindre son village, elle me supplia vraiment, et donc je ne pus qu’y céder, je me lançai vers une destination improbable, dans une aventure inédite, je m’offris même le risque d’entamer ce périple à la tombée de la nuit, et donc j’arrivai dans la petite ville qu’elle m’avait indiquée vers vingt heures, nous nous y vîmes, nous nous y embrassâmes, elle se mit à se sourire comme si elle avait honte de ne pas me reconnaître, et puis, comme si ça ne suffisait pas mes pérégrinations, elle me demanda de chevaucher une moto-taxi, elle donna une destination que jusqu’aujourd’hui je ne me rappelle pas, et puis quelques minutes plus tard nous nous retrouvâmes en pleine jungle, au milieu des arbres et des feuillages, au milieu des plantes vertes et des vagissements des animaux, nous nous retrouvâmes en train de serpenter des sentiers tortueux, n’ayant pour seule lumière que les clignotements de notre motard, n’ayant pour seule compagnie que des insectes sauvages, et puis, enfin, après trente minutes d’un parcours cabossé et interminable, nous arrivâmes au village tant espéré, au milieu d’un silence qui ne me rappelait que la parole des morts, et puis nous payâmes le chauffeur, et puis la fille ajouta des mots en patois à notre conducteur, et puis quatre enfants tout enthousiasmés vinrent nous embrasser de toute leur étreinte, je dis quatre mais en réalité ils étaient trois, le quatrième étant dans les bras de la grand-mère, celle-ci me tendait une poignée de main forte et solide, et puis nous entrâmes dans la grande case qui servait de cuisine, nous déblatérâmes à la lumière d’une lampe-tempête des temps anciens, et puis la fille m’offrit à manger, et puis elle me présenta ses deux enfants, elle en avait déjà deux, à dix-neuf ans, enfin bref, elle me présenta également ses deux nièces, elle me présenta à sa grand-mère comme son fiancé, comme son futur mari, et moi je dus acquiescer parce qu’on ne m’avait même pas consulté, mais quand même tout le monde était sympa, dans ce coin perdu que même le gouverneur de la région ignorait certainement, dans ce village très reculé où il n’y avait même pas d’électricité, pas d’eau courante, pas de réseau téléphonique, pas de bruit, pas de voisinage, pas de boutique, mais juste des champs et des ruisseaux et des maisonnettes en terre cuite rouge, c’est donc là que la fille avait voulu que je sois, elle me raconta quand nous nous couchâmes qu’elle voulait que je la découvre d’emblée, que je vois sa grand-mère, que je me fasse une idée de son village, que je m’approprie ses enfants, et donc nous passâmes cette nuit-là à bavarder, je te jure, à parler et à parler et à parler encore, moi j’étais à l’aise, étrangement, j’étais heureux, j’étais content d’être si éloigné de ce que les autres ont appelé la civilisation, j’étais joyeux d’être avec quelqu’un de vrai, pour une fois, d’être avec quelqu’un de naturel, de nature, de mature, d’être avec une fille qui ne se masquait pas, qui ne se fardait pas, qui ne se déguisait pas, qui ne se cachait pas, qui ne me mentait pas, d’être avec une fille qui me faisait confiance, qui ne biaisait pas, qui me faisait découvrir qu’en réalité j’étais beaucoup plus villageois qu’elle, et donc le lendemain nous allâmes dans les champs cueillir les ananas et les papayes, nous allâmes à la source du marigot pour puiser de l’eau, nous allâmes nous balader en pleine forêt pour rechercher du bois, et c’est ainsi qu’elle se mit à la cuisine, qu’elle me prépara un poulet tout entier pour moi tout seul, mais je lui dis non, je lui dis que j’allais le manger avec les enfants et elle-même, avec ses enfants, avec nos enfants, c’est ainsi que la grand-mère me demanda de rallonger mon séjour d’une nuitée, pour lui permettre d’aller au champs le lendemain matin et de me ramener des tiges de manioc et de macabo, ainsi que quelques épis de maïs, mais je dis non, je refusai poliment, j’en avais marre d’être le roi, d’être le centre du monde, d’être l’étoile polaire, je lui dis gentiment non, en ayant presque honte, et pourtant c’était sur elle que je jetais l’opprobre en lui disant non, c’était une sorte d’affront que je lui faisais, parce que les gens du village ils aiment donner et donner et donner encore, ils ne sont pas comme nous, ils ne sont pas calculateurs, ils ne sont pas égoïstes, ils ne sont pas faux, ils ne sont pas méchants, ils ne sont pas chichards, ils ne sont presque pas Camerounais, je suis tenté de dire, parce que quand ils aiment ils aiment vraiment, ils aiment tout court, ils aiment sans arrière-pensée, et c’est comme ça qu’ils adorent les choses simples, c’est comme ça qu’ils adorent les simples phrases, les simples regards, les simples touchers, les simples mots, c’est comme ça qu’ils adorent les simples choses et les simples personnes, c’est comme ça qu’ils sont naturels, vrais, authentiques, et c’est comme ça qu’en prenant le route pour le retour avec ma dulcinée, elle pleurait sur la moto, je te dis, elle pleurait à chaudes larmes, elle voulait que je reste dans son village pour de bon, elle ne voulait plus que j’en reparte, et pourtant il le fallait, et pourtant je fis tout pour la réconforter, et pourtant nous allâmes ensuite prendre une dernière bière avant de se dire adieu, et pourtant je lui promis que je reviendrais dès que je pourrais, et pourtant je lui accordai qu’elle pouvait me trouver à Douala quand bon lui chanterait, que ma porte lui était grande ouverte, mais nenni, elle ne s’en accommoda pas, en tous cas voilà, lecteur, je voulais à tout prix te parler de Mélanie parce que je l’aime, je l’aimerai toute ma vie, parce que c’est pas facile de rencontrer quelqu’un qui t’ouvre le portail de sa vie intime comme ça, qui te présente à sa mère, à ses enfants, à ses voisins, à sa grand-mère, à ses oncles, à ses tantes, tout ça le même jour, tout ça le premier jour, c’est pas facile de rencontrer quelqu’un qui t’aime naturellement, vraiment, sincèrement, authentiquement, qui ne te demande rien en retour, qui veut simplement que tu sois là, à côté de lui, qui veut simplement que tu penses à lui de temps à temps, qui veut simplement que tu l’aimes, c’est tout, c’est pas facile de rencontrer quelqu’un comme ça, et donc je voulais aussi te dire qu’il y a encore des Camerounais qui sont récupérables, même comme la plupart se trouve dans les villages, mais il me fallait à tout prix te parler de Mélanie parce que c’est la première et la dernière fois que j’avais rencontré quelqu’un d’aussi sincère et d’aussi authentique, je te dis vrai, je ne mens pas, c’est la première fois que j’avais rencontré quelqu’un qui ne rêvait pas jour et nuit de devenir multimilliardaire… »
Ecclésiaste DEUDJUI, j’aimais Mélanie
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