5 mai 2025

Le 1er mai, « fiesta » du travail

Jeudi dernier c’était le 1er mai. Et j’ai pu observer la célébration de la journée internationale du travail ici au Cameroun…


La « fiesta » du travail

Pour commencer, c’était une véritable fiesta ! D’ailleurs j’ai toujours pensé que si monsieur Paul Biya souhaitait réellement l’émergence, il n’avait qu’à organiser une gigantesque festivité ici au Cameroun…

Et donc, c’était la grande fiesta. Je me suis un peu baladé dans les ruelles et dans les artères de notre capitale économique, et j’en ai vu des vertes et des pas mûres. J’ai vu des entreprises de sérigraphie qui se sont rempli les poches durant cette période, même si elles n’ont pas toujours effectué les livraisons des nombreuses commandes dans les délais et dans les temps.

J’ai vu le président de la Fécafoot se gargariser de ce que ses cadres toucheraient « deux à trois millions de francs CFA » de salaire mensuel, tandis que les arbitres réclament des arriérés dérisoires qui s’étalent paradoxalement sur plusieurs années. J’ai vu de grandes multinationales organiser des cérémonies d’entreprises pour leurs employés, avec tout le tintamarre, toute la nourriture et tout le folklore que cela représentait. Et j’ai aussi vu des bars remplis du matin jusqu’au soir, des Camerounais se soûler la gueule et se goinfrer à outrance, sans parler de tous ceux-là qui ont profité de cette « fiesta du travail » pour aller enfin concrétiser ; avec leur collègue libidineuse qu’ils calculaient minutieusement depuis très-très longtemps…


La célébration du chômage

En réalité hein, ce sont les chômeurs qui étaient remplis dans les bars. À l’exception de quelques vrais travailleurs, de quelques entrepreneurs et de quelques commerçants qui restent éternellement enfermés dans la débrouillardise…

Ce sont les chômeurs qui étaient majoritaires dans les grandes rues de Douala. Ils avaient des t-shirts et des casquettes, bien sûr, bien évidemment, mais certains ne connaissaient même pas le rôle de l’entreprise dont ils vulgarisaient les effigies.

Les gens étaient plutôt remplis dans les snack-bars et dans les boulangeries, en train de célébrer la journée internationale de ce qu’ils recherchent. Ils avaient quémandé un polo par-ci, une chemisette réimprimée par-là, un écusson ou un macaron à l’une de leurs connaissances qui est un vrai travailleur, bref, tout le bazar. Notre président de la République s’en vantera très certainement en fin d’année, lorsqu’il sera réélu, comme quoi il aurait créé cinq cent mille nouveaux emplois durant les douze derniers mois écoulés […] Et moi je peux d’ores et déjà vous affirmer que ce chiffre sera fallacieux, quand bien même il intègrerait la masse de bendskineurs errants de notre pays ; ou encore l’armée rouge et noir de chômeurs ambulants qui sont considérés comme des employés de l’entreprise « Bome François ».


boîte de nuit remplie de monde
Beaucoup de gens se soûlent la gueule dans les snack-bars, à l’occasion de la fête du travail. Source: lebledparle.com /CC-BY

Les conditions du travail indécent

Les conditions de travail au Cameroun, elles sont exécrables ! Je ne parle pas des fonctionnaires de haut niveau, qui sont des prévaricateurs illicites de notre fortune publique. Je ne parle pas non plus de nos ONG internationales, qui blanchissent leur argent en prétextant des œuvres humanitaires ou caritatives à l’intérieur de notre Triangle national. Non, non et encore non !
Je parle plutôt du travailleur lambda, du travailleur qui se réveille tous les matins et qui se rendort tous les soirs, exténué, pour un « salaire » qui ne couvre même pas complètement ses charges de déplacement ni de nutrition. Je parle de ces nombreux faux salariés, sans salaires justement, qui accumulent des semestres d’arriérés d’impayés au vu et au su de leur patron d’esclavagiste, qui ne se contente que de s’enrichir personnellement et même de les rabaisser et de les narguer individuellement.

Nos salaires sont souvent bas, risibles, ridicules, et en plus ils ne sont pas régulièrement payés à la fin de chaque mois. Nos employés ne sont pas immatriculés à la CNPS, et la majorité fonctionne sans aucune sécurité sociale, aucune garantie et encore moins aucune assurance ni assistance. Nous avons des employés qui ne sont même pas protégés sur leur propre lieu de travail, et donc qui s’exposent à des accidents de travail qui peuvent être gravissimes et même rédhibitoirement mortels…

Combien de Camerounais travaillent-ils sans un contrat de travail en bonne et due forme ? Hein ? Combien de Camerounais perçoivent-ils une fiche de paie ? Combien de Cameruineuses sont-elles licenciées abusivement, sans aucun avertissement ni aucun préavis, juste pour avoir causé un petit manquant de mille cinq cent francs CFA au cours des quarante-cinq derniers jours ? Combien de ménagères sont-elles limogées, uniquement parce qu’elles sont plus jolies et plus sexy que la femme de leur patron ?

Et je vous parle comme ça des serveuses de bar, des esthéticiennes des salons de coiffure, des hôtesses événementielles mais également de certaines secrétaires de direction. Nous sommes dans un environnement où le travail est excessivement rarissime, et même lorsqu’on l’obtient il est si précaire, que certains employés seraient prêts à presque tout accepter. Y compris se laisser aller à la corruption, aux magouilles en tous genres, aux détournements internes, au vol, etc.


La débrouillardise et l’entrepreneuriat

Parce que les vrais travailleurs de notre pays-ci, ce sont en réalité tous ces débrouillards. Le secteur informel ! Les vrais travailleurs du Cameroun, ce sont ces commerçants auto-entrepreneurs, ces investisseurs d’un nouveau genre, qui prennent des risques incalculables pour s’en sortir dans un système économique qui ne leur propose pourtant pas grand-chose.
Ce sont ceux-là les vrais travailleurs. Ils sont des millions, des petits commerçants ambulants aux vendeuses de banane-plantain dans nos touffus marchés, à travailler tous les jours sous le soleil, et même sous la pluie en saison pluvieuse. Ce sont ces travailleurs-là que vous apercevrez dans leurs boutiques, en train de vous proposer des téléphones portables, des plantes médicinales ou pourquoi pas les derniers pantalons à la mode.

Ils sont remplis dans les grands carrefours de nos plus grandes villes, à Ndokoti ou bien à Mokolo, à se débrouiller à même la rue, à même le sol, à même les murs, pour survivre, pour subsister, pour s’en sortir, pour ne pas gagner illégalement ni illicitement leur pain quotidien, et pour faire montre de résilience dans un environnement incroyablement décourageogène.

Ce sont ces petites gens pauvres, il faut bien le dire, qui vivent au jour le jour, sans aucune épargne et sans aucun compte en banque, qui se sont déversés dans nos coins de plaisir le 1er mai 2025 ; parce qu’il fallait célébrer la fête du travail et pourtant le travail est encore la chose la plus indécente qui existe ici au Cameroun…


1er mai, fête du travail
La fête du travail devrait être une journée de réflexion sur la condition du travailleur. Source: esbimedia.com /CC-BY

Le 1er mai, la « fiesta » du travail

Donc jeudi dernier c’était le 1er mai. Et j’ai pu observer la célébration de la journée internationale du travail ici dans notre République…

Le 1er mai, « fiesta » du travail ! Les Camerounais se sont soûlé la gueule ce jour-là, comme pour exprimer leur ras-le-bol face à des autorités qui ne font absolument rien pour créer de l’emploi décent ici dans notre patelin.

Le 1er mai, la célébration du chômage ! Car en lieu et place des vrais travailleurs, nous avons eu une marée humaine constituée de chômeurs, de diplômés désœuvrés, de retraités indigents, de prostituées occasionnelles, etc.

Le 1er mai c’était la célébration de la journée internationale du travail, mais au fait : de quel travail s’agissait-il exactement ?

Parce que dans un pays où le SMIC n’atteint même pas la barre symbolique de 100 dollars, de quel travail se réjouissait-on effectivement ? Dans un pays sans assurance maladie, sans protection du travailleur et sans congés de maternité ou de paternité pour la plupart, de quel travail parlait-on exactement ? Dans une République où les consommateurs ne sont pas rois, où le fonctionnariat est plus réputé que l’entrepreneuriat pourtant créateur d’emplois réels, comment pouvez-vous espérer sortir de cette auberge puante ?… si ce n’est en fabriquant des dizaines de milliers de bendskineurs et de revendeurs ambulants du fameux Bome François ? Hein, mes frères ?

Parce que c’est bien de cette déshumanisation-là qu’il s’agissait jeudi dernier ici au Cameroun.


Ecclésiaste DEUDJUI, je n’ai pas fait la fiesta
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