Handicapés camerounais, levez-vous et marchez !
J’ai été handicapé pendant environ deux semaines ! Je suis sérieux hein, je ne plaisante pas. J’ai eu une infection au-dessus de ma cheville gauche, et on avait même failli m’amputer l’intégralité de ma jambe…
Donc je suis bien placé pour vous parler des problèmes que les handicapés rencontrent ici au Cameroun.
Le regard
Ce qui m’a surpris le jour où on m’a remis mes deux béquilles, c’est que les gens ne me regardaient plus du tout de la même manière. Jusqu’à ce qu’une fille dans mon quartier, qui s’appelait Alice et que je baratinais souvent par intermittence, me voyant en train de boitiller, soit directement venue me dire : « Ecclésiaste, c’est terminé entre nous deux ! ».
Mince alors ! Et même le matin quand je stoppais mes taxis ou mes bendskins pour aller effectuer mes différents pansements, certaines camerounaises me regardaient comme si elles avaient pitié de moi et comme si j’étais déjà en train de devenir un intouchable…
Les infrastructures
J’ai commencé à penser aux problèmes d’infrastructures avant même de devenir un véritable handicapé. Parce que quand je fréquentais Siantou en 2005, on avait une camarade qui avait la poliomyélitique et que nous devions transporter tous les matins jusqu’au sixième étage ! Et sans aucun ascenseur s’il vous plaît…
C’est pour ça que j’aime souvent dire que dans notre pays, les personnes handicapées sont souvent (mal)traitées comme si elles nous provenaient de la planète Neptune ! Je suis sérieux, je ne plaisante pas du tout. Parce que quand tu arrives dans n’importe quel service public, tu ne vas jamais y trouver que de longs escaliers ou bien de larges escalators. Quand tu arrives dans un soi-disant grand bâtiment qui est pourtant censé être normalisé et équipé, tu seras toujours déçu parce qu’il n’y a pas d’issue de secours pour les personnes ayant une motricité réduite (c’est comme cela qu’on m’appelait).
Quand tu arrives dans l’un de nos stades, dans nos hôtels, dans une piscine ou même dans un territoire aussi vaste que la République du Cameroun, tu vas t’imaginer que tous les Camerounais sont des valides : parce que rien n’est prévu pour accueillir un paraplégique et encore moins un tétraplégique dans un milieu public…
L’insertion sociale
Mais c’est la suite logique non ? Puisque si on ne te permet pas de vivre normalement comme ma camarade de Yaoundé que nous transportions sur nos épaules jusqu’au sixième étage, comment est-ce que tu vas faire pour réussir à obtenir tous tes diplômes ? Hein ?
Si on n’aménage pas ton espace de travail, comment est-ce que tu vas procéder pour « réussir » à arriver à ton bureau à l’heure ? Hein ? Et ensuite à effectuer un bon rendement tout simplement…
Si les routes du Cameroun n’ont pas de pistes pour les handicapés ni de parkings, les médias pas de dispositifs pour les malvoyants ou bien pour les malentendants, comment vas-tu te fondre dans la société camerounaise ? Hein ? S’il y a encore la discrimination à l’embauche, et que tu ne sers que de faire-valoir ou bien de bouche-trou lorsqu’on te recrute veut te recruter quelque part, comment est-ce que vous voulez que les manchots ou bien les mongoliens puissent aussi se considérer comme s’ils étaient des camerounais ordinaires ?
La riposte
Et donc il se produit souvent un truc que les gens qui marchent debout comme Rahan n’arrivent pas généralement à comprendre, c’est que les paralytiques deviennent parfois très mal élevés et agressifs. Mais il ne faut pas leur en vouloir, ce n’est pas vraiment de leur faute. Et c’est surtout parce que comme la vie est difficile, et que ce qui est doublement difficile c’est que vous ne vous rendiez même pas compte que leur vie à eux est vraiment, vraiment très, très difficile, alors parfois ils se braquent et ils se révoltent protègent.
Moi-même, qui vous parle, il m’arrivait régulièrement de dire à Pierre La Paix que « Ne me touche pas ! » Mais c’était parce que je ne voulais pas qu’il me considère déjà comme si j’étais devenu un être inférieur.
Handicapés camerounais, levez-vous et allez marcher…
Donc sans blague hein, on avait failli me couper la jambe en 2011 ! Et c’est pour ça que j’ai voulu vous parler des problèmes que les invalides rencontrent ici au Cameroun…
Levez-vous et marchez ! Ne tombez pas dans le piège de penser que les handicapés sont des personnes ayant des capacités inférieures.
Levez-vous et revendiquez ! Parce que si vous ne réclamez rien, le Cameroun ne vous donnera jamais rien !
Levez-vous et battez-vous pour faire bouger les choses dans notre société, notamment en travaillant courageusement et en nous montrant le bon exemple.
Puisque quand je regarde Talla André-Marie malgré sa cécité, je suis toujours incroyablement admiratif. Quand j’écoute encore Kotto Bass ou bien le baobab Eboa Lottin, ça me donne beaucoup d’humilité et aussi beaucoup de force. Quand je cause avec Tchakounté Kemayou qui est devenu l’un des meilleurs blogueurs de tout notre continent africain (y compris Madagascar hein), ça me donne quelques fois la chair de poule !
Et c’est avec des gens comme ça que nous allons réussir à transformer le Cameroun.
Ecclésiaste DEUDJUI, je suis un handicapé
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