7 décembre 2020

Le Goncourt des lycéens 2020 attribué à une Camerounaise

Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de célébrer un écrivain contemporain, surtout dans un pays où il n’y a pas une vraie culture littéraire. Mais je suis heureux de vous annoncer que le Goncourt des lycéens 2020 a été attribué à une Camerounaise !

Djaïli Amadou Amal et son livre Les Impatientes qui a reçu le Prix Goncourt des lycéens 2020
C’est la Camerounaise Djaïli Amadou Amal qui a remporté le Goncourt des lycéens 2020 pour son roman Les Impatientes. Source : mediaculture.info / Image reprise sous autorisation

C’est quoi le prix Goncourt ?

Pour faire une analogie avec le football, c’est un peu comme remporter la Champions League ! Mais uniquement pour les écrivains. Il s’agit d’une récompense littéraire qui a été créée en 1892 par le testament d’Edmond de Goncourt, et dont le premier lauréat a été proclamé le 21 décembre 1903.
Le Prix Goncourt valorise exclusivement les auteurs de langue française. Son attribution a lieu tous les ans vers le mois de novembre. Le récipiendaire de cette année s’appelle Hervé Le Tellier, pour son roman L’Anomalie. Il existe d’autres récompenses décernées par cette même institution, à savoir le Goncourt de la poésie (Pierre La Paix Ndamè le remportera certainement un jour), le Goncourt de la nouvelle, le Goncourt du premier roman, le Goncourt de la biographie ou encore le Goncourt de la jeunesse. C’est d’ailleurs la Camerounaise Djaïli Amadou Amal qui a remporté le Goncourt des lycéens 2020, grâce à son dernier roman intitulé Les Impatientes

Qui est Djaïli Amadou Amal ?

Personnellement, je ne la connaissais pas très bien. Mais force est de constater qu’elle vient d’être finaliste pour le prix Goncourt (c’est la première africaine à accéder à ce stade), et qu’elle devient la deuxième Camerounaise à remporter le Goncourt des lycéens après sa compatriote Léonora Miano en 2006 (pour le roman « Contours du jour qui vient« ).
Djaïli Amadou Amal est née en 1975 à Maroua, dans le département du Diamaré. Elle est issue de l’union entre un père camerounais et une maman égyptienne. Mariée de force à seulement dix-sept ans, elle a réussi à quitter son bourreau après une épreuve forcée de cinq ans de vie commune. Elle se mariera une deuxième fois avec un individu régulièrement violent lui aussi, qu’elle finira par quitter une fois de plus.
Djaïli Amadou Amal réside aujourd’hui dans la ville de Douala. Elle est mariée et maman de plusieurs enfants. Son actuel époux s’appelle Hamadou Baba, il est ingénieur et il publie également des livres sous le pseudonyme de Badiadji Horrétowdo.

Djaïli Amadou Amal, en 2012. Crédit Wikimedia Commons.

Les Impatientes

La carrière littéraire de Djaïli a débuté en 2010, avec la parution de son premier roman intitulé « Waalande, l’art de partager un mari ». Celui-ci obtient immédiatement le Prix du jury de la Fondation Prince de Claus, à Amsterdam. Puis en 2016, elle sort « Mistiriijo, la mangeuse d’âmes ». Mais c’est avec son troisième ouvrage intitulé « Munyal, les larmes de la patience », que Djaïli Amadou Amal s’imposera en 2017 comme une valeur sûre de la littérature négro-africaine contemporaine. Ce dernier roman glanera le Prix de la Presse panafricaine de littérature en 2019, puis le Premier Prix Orange du livre en Afrique lors de la même année.
La maison d’édition Anne Carrière / Emmanuelle Collas flaire le bon coup, et fait entrer la brillantissime écrivaine dans son écurie. C’est ainsi que Le roman Munyal est complètement retravaillé et réécrit, afin qu’il devienne universel et « puisse être lu partout dans le monde ». Il sera réédité en 2020 et prendra alors un nouveau titre : Les Impatientes.

Quel avenir pour la littérature au Cameroun ?

Je serais malhonnête si je déclarais qu’il n’y en a pas. Car à vrai dire, il y a tellement de bons écrivains ici au Cameroun ! Ce qui nous manque en réalité, ce sont surtout des lecteurs. Ce sont aussi les librairies. Ce sont principalement les maisons d’édition et les vrais éditeurs, parce que les maisons d’édition et les éditeurs camerounais se comportent généralement ici comme de purs commerçants.
La littérature au Cameroun a certainement un bel avenir ! Mais il faudrait qu’on redonne véritablement de la valeur à l’écriture. Il faudrait qu’on valorise les auteurs locaux, au lieu d’attendre qu’ils soient récompensés à l’extérieur avant de leur permettre de pouvoir s’exprimer au Journal de 20h. Il faudrait qu’il y ait une politique littéraire sérieuse au Cameroun, et que le ministre de la culture ne soit plus systématiquement le représentant des musiciens et surtout de leurs droits d’auteurs !
D’ailleurs à ce sujet je tiens à saluer la brave initiative d’un compatriote qui s’appelle Junior Haussin, car il se bat depuis une décennie pour la promotion du livre et de la littérature. Et aussi pour que la lecture retrouve très-très rapidement ici ses lettres de noblesse.

Djaïli Amadou Amal à l'aéroport de Douala
La romancière Djaïli Amadou Amal a été reçue en triomphe dès son retour à l’aéroport de Douala. Source : tropikinfo.com / Image reproduite sous autorisation

Le Goncourt des lycéens 2020 a été décerné à une Camerounaise !

Donc ce n’est pas tous les jours que nous avons l’occasion de célébrer une écrivaine contemporaine, surtout dans un pays comme le nôtre où il n’existe pas réellement une culture littéraire. Mais je suis enchanté de vous annoncer que le Goncourt des lycéens 2020 a été attribué à Djaïli Amadou Amal…

Le Goncourt des lycéens 2020 est une Camerounaise ! Ça ne veut pas dire que notre romancière est encore élève hein, mais que plus de 2 000 lycéens français ont étudié son roman pour finalement décider qu’elle serait la lauréate.
Le Goncourt des lycéens 2020 est une Nordiste ! Parce qu’elle provient du Septentrion qui est surpeuplé et souvent considéré comme sous-alphabétisé, mais c’est une féministe musulmane qui vient pour nous apprendre la langue de Molière !
Le Goncourt des lycéens 2020 a été décerné aux Impatientes, puisqu’il s’agit d’une condition que beaucoup de femmes vivent au Cameroun mais dont très peu osent en parler.

Il s’agit d’un roman sur le mariage forcé. Il s’agit d’un ouvrage sur la polygamie subie. Il s’agit d’une narration sur les violences conjugales faites aux jeunes filles embrigadées dès l’adolescence, et avec la vénéneuse complicité de certains membres de leur entourage.
Patience ! Patience ! Voilà ce qu’on répète à ces femmes-là qui ne demandent pourtant qu’à être libérées…


Ecclésiaste DEUDJUI, félicitations à Djaïli Amadou Amal
WhatsApp: (+237) 696.469.637
Tous mes articles sur https://achouka.mondoblog.org

Partagez

Commentaires

Dr K.
Répondre

Merci pour ce portrait de l'auteure, je n'avais pas eu connaissance de ses oeuvres, avant sa nomination au Goncourt et je ne me figurait pas bien non plus ce qu'était le Goncourt des lycéens. Donc merci d'avoir pris le temps de tout résumé pour nous.

Ecclésiaste Deudjui
Répondre

c'est moi qui vous remercie d'être passé.e.

PdjEQNCfmhXJFOb
Répondre

obcjVBLC