J’ai testé les nouvelles mesures de sécurité au Cameroun

Article : J’ai testé les nouvelles mesures de sécurité au Cameroun
Crédit:
17 août 2015

J’ai testé les nouvelles mesures de sécurité au Cameroun

Le week-end dernier j’étais à Makénéné pour notre réunion de famille. Ce qui m’a surpris dans ce pays qui est en guerre, c’est que je n’ai même pas été contrôlé pendant mes multiples voyages.

La seule fois où la police nous a interpellés, c’était au niveau de Nkongsamba. Et pendant que je fouillais ma poche arrière pour voir si je n’avais pas oublié ma carte d’identité, le chauffeur est venu nous dire : « C’est bon ! »

Il venait de mettre 1.500 francs à l’intérieur de son permis de conduire…

 

les voyages en bus se font sans véritable sécurité
Les voyages en bus se font sans véritable sécurité

 

J’AI TESTÉ LES DÉTECTEURS DE MÉTAUX

Vrai hein, les premiers jours j’ai d’abord cru qu’on était dans un film américain. Quand il y a eu attentat-suicide à Maroua la 2e fois, Douala est subitement devenue une zone de couvre-feu ! À la rue de la Joie, j’ai vu comment les gens s’alignaient devant les boîtes de nuit pour qu’on les contrôle. J’ai même vu un vigile envoyer ses grosses mains dans le caleçon d’une fille androïde, les gens qui étaient dans le rang ont seulement dit : « Mon frère ! C’est toujours pour la sécurité comme ça ? »

Quand j’ai changé de milieu pour aller boire le vrai vin dans la zone estudiantine, on nous a fait passer à un détecteur de métaux. Et comme j’avais les clés de ma chambre dans la poche de mon pantalon, le détecteur a fait « pip-pip ». Les gens se sont écartés de moi comme si j’avais attrapé la maladie de la vache folle… Tsuip !

Mais ce qui est surprenant, c’est que le videur m’a laissé entrer sans même vérifier que c’étaient effectivement ce signal était dû aux clefs. Quand j’ai voulu les lui montrer, il m’a hurlé dessus : « Entre là-bas, dis donc ! On t’a dit que j’ai du temps à perdre ? »

J’AI TESTÉ LA FERMETURE DES BARS À 19 HEURES

Quand nous sommes arrivés à Makénéné il était presque 19 heures, les bars étaient en train de s’ouvrir ?

Je suis entré dans un bar et j’ai demandé à la serveuse de m’apporter vite une Mützig avant qu’on ne vienne fermer l’établissement. Elle ne voulait pas être précipitée : « Tu ne vois pas que le commissaire lui-même est en train de boire ses Gold Harp là-bas à côté ? Tu es pressé pour aller où ? »

Non, franchement, aucun bar ne ferme à 19 heures au Cameroun ! Ça doit être un poisson d’avril en retard. Ça doit être une plaisanterie pour détendre un peu l’atmosphère pendant ces moments de tension. Ça doit être un préfet qui ne savait pas comment faire pour passer au journal de la CRTV à 20 heures. Parce que je vais le redire encore ici, aucun bar ne ferme à 19 heures dans le pays.

C’est vrai que parfois la police peut surgir au milieu de la nuit dans un snack-bar et vous demander vos pièces d’identité. Mais comment les policiers vont voir vos papiers avec nos multiples jeux de lumière ?

J’AI TESTÉ LES COMPORTEMENTS SUSPECTS

N’est-ce pas, on vous a dit qu’on avait attrapé 2 gars à l’église de Bépanda parce qu’ils étaient suspects ? Hein ? Pourquoi on ne vient pas aussi vous dire qu’on les a déjà relâchés ?

Franchement, votre suspicion, c’est vous seuls qui savez comment la définir. Mais de grâce, ne venez pas nous faire plonger dans la paranoïa ici au Cameroun !…

Parce que si c’est comme ça, il faudrait d’abord soupçonner toutes les filles qui attachent leur ceinture au niveau de leur ventre… Je suis sérieux ! Qu’est-ce qui nous prouve que les larges ceintures-là ne sont pas des explosifs ?

Et puis, ce n’est pas parce que quelqu’un a la tête en l’air que vous allez penser que c’est un terroriste ! Prenons mon cas par exemple ! L’autre jour j’avais rendez-vous avec une araignée à Bonamoussadi, et comme la go ne venait pas j’ai commencé à m’impatienter. Après 15 minutes seulement, je transpirais déjà à grosses gouttes. J’ai commencé à regarder les gens de façon bizarre, et j’ai même commandé une Malta Guinness (il n’y a pas plus suspect qu’un homme qui boit la Malta Guinness).

À un moment donné, mes mains sont carrément devenues moites. Et je vous jure que si la fille n’était pas venue dans les secondes qui ont suivi, quelqu’un allait composer le 1500 et se décider à me dénoncer à la gendarmerie…

J’AI TESTÉ L’INTERDICTION DE LA BURQA

Franchement je n’ai pas testé l’autre, là ! Je vais d’abord m’approcher d’une femme qui a la burqa par rapport à quoi ? Hein ? Qu’est-ce qui me prouve même d’abord que c’est une femme qui est à l’intérieur ?

Non, sérieusement, je pense que celui qui a interdit la burqa ne devait pas s’arrêter en si bon chemin. Il devait aussi interdire le jogging et les pull-overs. Il devait interdire les kabas que nos grand-mères portent dans les villages. Il devait aussi interdire les longues robes de mariage. Il devait demander aux femmes qui marchent avec les vibromasseurs-là que « Je demande hein, est-ce que vous êtes même d’abord obligées de maigrir ? »

Le type qui a pris sur lui d’interdire la burqa dans son territoire de commandement, il devait d’abord interdire la gandoura à notre président de l’Assemblée nationale; parce que c’est ce dernier qui avait dit que « les terroristes sont parmi nous ». Comment est-ce qu’il a fait pour savoir ce genre de choses ?

De toute façon là-bas à Makénéné, je n’ai vu personne arborer la burqa ! Les gens buvaient eux leur bière à côté du commissaire qui buvait ses Gold Harp, et personne n’est venu nous turlupiner avec ses histoires de détecteurs de métaux.

Vous voulez venir changer la vie des gens ?

 

la fermeture des bars à 19h n'est qu'une rigolade
La fermeture des bars à 19 h n’est qu’une rigolade

 

CAMEROUN : J’AI TESTÉ LES NOUVELLES MESURES D’INSÉCURITÉ

Donc quand je farfouillais ma poche arrière pour voir si je n’avais pas oublié ma CNI là-bas à Douala, c’est là que le chauffeur est venu nous dire que « C’est bon ! J’ai déjà donné l’argent, donc asseyez-vous on part ! »

Quand j’avais pris le ticket de Douala pour Bagangté, le chef d’agence nous avait dit que « Tous ceux qui n’ont pas leur carte d’identité doivent me donner 1.000 francs CFA. »

Quand je m’étais installé au milieu du gros porteur, aucun passager ne savait même ce qu’il y avait dans mon sac à dos.

Quand on a donc rencontré la police sur le chemin du retour, à Nkongsamba, j’ai entendu un brigadier dire à son collègue : « Chef ! Le chauffeur t’a déjà donné les 1500-là ? »

Et c’est comme ça que nous on fonctionne avec la sécurité ici, dans un laxisme qui n’a même pas d’équivalence. Parce que dans les lieux publics, dans les transports en commun, dans les domiciles et même dans les villages, personne de nous ne fait preuve de vigilance !

Et si tu viens leur dire que le Cameroun est dans une période de crise, ils vont te regarder comme si tu étais un marabout : « Donc on ne doit plus vivre parce qu’il y a Boko Haram ? »

 

 

Ecclésiaste DEUDJUI

WhatsApp: (+237) 696.469.637

Tous mes articles sur https://achouka.mondoblog.org

Partagez

Commentaires