17 octobre 2016

Mais de quoi parlent-ils au juste, les Camerounais ?

Il y a une femme dans mon quartier qui prépare du bon wata-fufu. Mais quand je vais manger chez elle, j’entends toujours les autres clients qui sont en train de s’engueuler : « Mouff ! Je te dis que le film-là c’est le trucage. Tu crois que quel homme peut accepter qu’on embrasse sa femme comme ça en public ? »

Et ça bavarde ainsi jusqu’à ce que je termine ma nourriture. En fait, c’est toujours comme ça, que ça bavarde et ça re-bavarde ici chez nous au Cameroun…

 

discussion entre trois potes
Les Camerounais aiment rigoler lorsqu’ils discutent

 

LES CAMEROUNAIS AIMENT PARLER DE SPORT

Quand tu pars regarder un match des Lions Indomptables à Yaoundé, je te jure que tu ne vas même pas bien regarder le match-là ! Il y aura toujours des gens qui vont te distraire avec des commentaires sur d’autres commentateurs…

Par exemple, pendant que Ryad Mahrez est en train de malmener Oyongo Bitolo sur son couloir droit, il y a un spectateur qui va vous dire que « Barcelone voulait acheter Nkoulou en 2014, mais ils ont plutôt préféré Alexandre Song. » (Tu étais là ?). Pendant que Hugo Broos va se lever pour vous faire croire qu’il mérite son salaire, les gens seront plutôt en train de te chuchoter sur les anciens salaires de Samuel Eto’o… D’autres vont même te dire que le vrai football camerounais c’était dans les années 1970. Et si tu essaies de leur parler de judo, de cyclisme, de paralympiques ou encore de tennis de table, ils vont rapidement te demander de fermer ta bouche.

Car au Cameroun il n’y a pas de sport mineur mais paradoxalement il existe un sport football majeur.

 

LES CAMEROUNAIS AIMENT PARLER DE LA POLITIQUE

Chaque fois que je prends le bus de la Socatur pour me rendre à Bonabéri ou bien à Village, je me retrouve toujours au milieu d’une bonne cinquantaine de politologues.

Il y a certains passagers qui m’expliquent que pendant le temps de Ahidjo, le pays marchait comme sur des roulettes (donc ça roulait alors ?). Il y a certains étudiants qui ne sont même pas encore au second semestre de leur première année à l’Université, mais qui m’expliquent déjà que le SDF est en collusion profonde avec le RDPC. Il y a certaines femmes qui rentrent du Marché Central avec leurs arachides grillées sur la tête, et qui te disent que « c’est François Mitterrand qui avait favorisé la dévaluation du Franc CFA. Et c’est à cause de Nicolas Sarkozy que les Camerounais souffrent comme ça tous les jours ici dehors… »

 

LES CAMEROUNAISES AIMENT BAVARDER DANS LES SALONS DE COIFFURE

Heureusement que ma femme du wata-fufu ne vend pas dans un salon de coiffure ! Parce que si je mangeais dans un salon d’esthétique, j’entendrais ce qu’on appelle vraiment le vrai kongossa

Dans les salons de coiffure pour femmes, on parle de tout sauf de la coiffure ! On parle des nouveaux voisins qui viennent d’emménager au quartier (« la femme-là est mille fois plus belle que son mari ! »). On parle de la grossesse de la fille qui fait le call-box (« sûr que c’est un bendskineur qui a mis l’enfant-là. »).  On parle des enfants de nos voisins, de leurs parents, de nos patrons, de nos bailleurs et de nos ménagères, et on fait même aussi un peu de kongossa sur les femmes qui ne sont pas présentes aujourd’hui.

En fait, on ne parle pas trop dans les salons de coiffure camerounais : on malparle.

 

LES CAMEROUNAIS AIMENT PHILOSOPHER DANS LES BARS

Si tu entres dans n’importe quelle gargote camerounaise pour t’asseoir boire, tu risques de sortir de là en étant un Docteur honoris causa ! Mais le seul problème, c’est que je ne sais pas encore exactement dans quelle discipline…

Dans nos bars et dans nos beignetariats, il y a un genre d’intellectuels que moi j’appelle déjà les sabitous (experts en tout). Parce que pendant que toi tu seras en train de siroter ta Mützig tranquillement, tu vas les entendre te parler de la constitution d’un atome. Certains vont te faire le rapprochement entre l’Angleterre du XIVème siècle et le Cameroun du XXIème siècle. Et si tu ne changes pas de sujet en disant par exemple qu’on t’ajoute les beignets de cinquante avec le haricot dans ton assiette, ces gars-là vont continuer jusqu’à te démontrer que les Américains n’avaient jamais posé leur pied sur la Lune en juillet 1969…

 

discussion lors d'un enterrement
On bavarde beaucoup lors des enterrements. Crédit: Ecclésiaste Deudjui

 

CAMEROUN : MAIS DE QUOI PARLENT CES GENS-LÀ AU JUSTE ?

Donc dans mon quartier, il y a une femme qui prépare du très-très bon wata-fufu. Mais quand je vais manger chez elle, les clients sont toujours en train de se chamailler : « Mouff ! Tu ne vois pas que c’est un film ? »

Parce que quand on embrasse une femme à la télévision, certains pensent que c’est du trucage. Parce que, quel homme peut accepter qu’on caresse sa femme comme ça devant les caméras du monde entier ?

 

Les Camerounais bavardent ! Dans les taxis oooh, sur la moto oooh, dans les églises oooh, dans les restaurants oooh…

Les Camerounais ont toujours une explication à tout : soit tu es un homosexuel, soit c’est la magie, soit c’est de la sorcellerie ou soit c’est la franc-maçonnerie…

Les Camerounais aiment crier au téléphone jusqu’à-jusqu’ààààààà… Jusqu’à, tu peux même croire qu’ils sont en train de s’adresser à tous les vingt-trois millions de gens qu’il y a au Cameroun.

 

Et c’est pour ça qu’il y a le sissia ici, c’est pour cela qu’il y a le kongossa, c’est pour cela qu’il y a les commentaires et les analyses du sous-quartier ici. Parce qu’en fait, nous sommes capables de bavarder sur n’importe quel sujet qu’il y a ici dans le monde : le panafricanisme, la démocratie, la polygamie, l’avortement, la séduction, les séries brésiliennes mais également quelques paris footballistiques.

En fait, on ne sait même plus de quoi les Camerounais parlent au juste lorsqu’ils sont au carrefour en train de massacrer leurs commentaires…

 

Ecclésiaste DEUDJUI, moi je parle de vous

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Commentaires

Fabrice NOUANGA
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T'as oublié le terminator Ecclesiaste Deudjui. Les Camerounais aiment surtout parler de...sexe, cad des petites et des gars. Mais pas moi hein.

Ecclésiaste Deudjui
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ahahahahahaha évidemment que le sexe c'est notre plat de résistance. cela va de soi monsieur Fabrice Nouanga.

Guy Muyembe
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Ecclésiaste DEUDJUI, moi je parle de vous,

Donc tu passes ton temps à faire kongossa sur nous.

Ecclésiaste Deudjui
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Maff !! Je parle des Camerounais. Toi tu es Camerounais ?

Sylvia B
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Excellent article... On est des révolutionnaires - Mais il convient vraiment de définir une discipline quoi -

Ecclésiaste Deudjui
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Vraiment !

GUÉDÉ Boubacar
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Le Cameroun est malgré tout un beau pays, fascinant après tout. Moi je suis nigérien et j'ai pratiquement découvert les camerounais à travers votre blog. Mon seul contact avec des camerounais fut entre 1999 et 2003 à l'université de Cotonou où je me suis fait des amis camerounais: Alain, Agathe, Enonnè... C'était des gars et des gos très sympathiques. Malheureusement avec le temps, nous nous sommes perdus de vue. J'aime beaucoup votre blog.

Ecclésiaste Deudjui
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Merci beaucoup Boubacar, c'est très gentil à toi. J'essaie de faire connaître la mentalité et le contexte camerounais du mieux possible.
Bonne continuation

GUÉDÉ Boubacar
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Merci Ecclésiaste. Je suis encore connecté ce matin et je continue de me régaler. Bonne chance pour la suite.