Nous sommes Camerounais, nous mangeons sur le goudron
On a failli me lyncher à Logpom l’autre jour ! J’étais moi entré dans une usine de transformation traditionnelle de la farine (un beignetariat), et j’ai demandé à mamy makala de bien rincer mon assiette avant de me servir. « Quoi ça ? Rincer ton assiette ? Tu veux montrer que tu es propre plus que les qui ? »
Et c’est comme ça que tous les autres mangeurs se sont jetés sur moi et m’ont demandé de disparaître, parce que paraît-il, ici au Cameroun on dit que la saleté n’a jamais tué un homme à la peau noire…
NOUS SOMMES CAMEROUNAIS, NOUS MANGEONS DANS LES TOURNE-DOS
Je parle des tourne-dos de nos maguidas. Le genre où tu tournes ton dos à la voie publique, bien sûr, mais ce qui m’étonne là-bas, c’est la façon dont ils bricolent leurs omelettes : on te chauffe la poêle à 2000 degrés, on ne met ni le cube ni les condiments dans ton œuf-spaghetti, et après ça on te sert un truc bien brûlé dans ton assiette en aluminium… Tsuip !
Si j’ai un conseil à vous donner, c’est de ne plus jamais boire le café dans ces endroits-là. Ils utilisent une même eau pour laver les assiettes du matin jusqu’au soir, et c’est comme ça qu’ils ne rincent même pas les tasses. Dès que quelqu’un vient déjeuner là-bas avec sa tuberculose, tant pis pour la prochaine personne qui va commander une tasse de Nescafé…
NOUS SOMMES CAMEROUNAIS, NOUS MANGEONS CHEZ LES VOISINS
Vous n’avez pas encore remarqué que les Camerounais adorent le ndog ? Je vous dis vrai ! Quand quelqu’un veut venir te voir, c’est toujours vers les 12 h 30 qu’il arrive chez toi. J’ai même dit que dorénavant je vais demander à ma petite sœur de préparer vers les 17 h 15, pour esquiver ce genre de charognards. Mais ça va même changer quoi ? Il suffit qu’ils sentent l’odeur de la sauce d’arachide à travers leur fenêtre, et dans les minutes qui suivent tu vas les voir devant ta porte : « Je demande hein, c’est vraiment vrai que le comité d’anormalisation a prolongé Volker Tchounkeu Finke ? » Tsuip !
Vous partez manger chez les voisins alors que vous savez qu’ils ont préparé leur nourriture n’importe comment ?
NOUS SOMMES CAMEROUNAIS, NOUS MANGEONS DANS LES ANNIVERSAIRES
Est-ce que c’est seulement dans les anniversaires qu’on part remplir notre ventre ? Nous mangeons dans les baptêmes, nous mangeons dans les soutenances universitaires, nous tabassons dans les enterrements, nous nous goinfrons dans les tontines et dans les réunions de famille… Dans les mariages, nous entassons la nourriture dans les sacs en plastique pour aller garder ça dans notre congélateur.
Dans les voir-bébé, alors c’est grave ! Personne ne sait même comment le bébé s’appelle, mais chacun charge son plat comme une colline de Yaoundé, alors qu’il ne va même pas manger la moitié de l’assiette. Dis-donc !
Et il y a un mot qu’on aime beaucoup utiliser pour frimer dans nos fêtes camerounaises, c’est le mot « traiteur ». Ou il traite même quoi oooh ? Et après quand tu vas manger sa nourriture sur sa table bien dressée avec des bouquets de fleurs, tu vas plutôt aller consulter un « traitant » pour tes nouveaux problèmes de ventre…
NOUS SOMMES CAMEROUNAIS, NOUS MANGEONS CHEZ LA FEMME QUI VEND LA NOURRITURE AU BORD DE LA ROUTE
Voici alors la preuve que la saleté n’a jamais tué un homme noir ! Les femmes qui vendent la nourriture au bord de la route, on mange leur banane malaxée tous les jours. On ne veut même pas savoir si c’est sa sueur qui tombe dans la sauce pendant qu’elle te sert, ou bien si c’est sa salive, ou bien si elle a préparé la nourriture avec l’eau du marigot qui passe juste derrière les bacs de Hysacam…
Avec 500 francs CFA seulement, tu vas manger jusqu’ààààààà… Tu auras le poisson séché ou bien la viande, tu auras une montagne de kontchap que tu ne vas même pas terminer, tu auras le taro à la sauce jaune jusqu’à tu vas lécher tes dix doigts, et que sais-je encore ! Elle va même ouvrir sa grosse boîte de chocolat, et elle va te sortir un long maquereau avec la sauce à gogo. Tu auras même le complément jusqu’à ça va même te dépasser à finir…
Et c’est comme ça que les mécaniciens s’alignent devant elle, pour passer leur commande. Des bons cogneurs ! Il y a aussi les menuisiers, les bendskineurs, les gérants de bar, les call boxeuses. Il y a aussi les filles qui apprennent les soins esthétiques à côté, avec leur blouse blanche. Il y a également les étudiantes qui habitent loin à Village, et qui n’ont pas le temps de rentrer à la maison avant de revenir. Il y a en plus les jeunes stagiaires qui ont la cravate, mais qui viennent là se serrer à côté de nous (dis donc !). Il y a les commerçants ambulants qui s’asseyent un moment avant de reprendre leurs longues, très longues marches. Et puis il y a enfin les gars qui jouent au Parifoot, parce qu’il ne faut pas oublier que les gars qui jouent au Parifoot font désormais partie de notre paysage…
NOUS SOMMES CAMEROUNAIS, NOUS MANGEONS NOUS TOUS SUR LE GOUDRON !
Je suis donc sorti du beignetariat de Logpom sans même regarder mon derrière, et j’ai directement pris une moto course pour qu’on me laisse vers Rhône-Poulenc à Makèpè.
Ici au Cameroun, tu peux manger la chair humaine dans un restaurant, mais on va te faire croire que c’est de la chèvre.
Dans notre pays-ci, les inspecteurs de l’hygiène sont comme une espèce en voie de disparition. D’ailleurs ils ont même déjà disparu.
Et si vous voulez que ma petite sœur vous dise, dans ma chambre il y a le désordre jusqu’ààààààà… mais ma chambre est 100 fois plus ordonnée que les cuisines qu’il y a dans nos plus grands hôtels !
Alors oui, la saleté ne tue pas l’homme noir. Surtout l’homme camerounais. Nous mangeons le wata-fufu n’importe où, nous mangeons les escargots dans l’obscurité, nous buvons le foleré avec les bouteilles qu’on a récupérées dans les bennes à ordures (yich !). Et si tu essaies de dire aux gens de laver leurs mains avant d’entamer le repas non contrôlé qui est devant eux, ils vont te faire ce qu’on a failli me faire à Logpom.
Ils vont même d’abord te demander de disparaître.
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