Une fillette de cinq ans a été tuée à Buea

Article : Une fillette de cinq ans a été tuée à Buea
Crédit: infoscameroon.com
18 octobre 2021

Une fillette de cinq ans a été tuée à Buea

Dans la matinée du jeudi 14 octobre, une fillette de cinq ans a été assassinée par le tir d’un gendarme. Une tragédie de plus dans la crise sécessionniste qui ne fait que s’éterniser en zone anglophone.

Joseph Beti Assomo, ministre de la Défense au Cameroun
Joseph Beti Assomo, le ministre de la défense, est très préoccupé par cet énième incident. Source: saimondy.net /CC-BY

Que s’est-il passé ?

Dans la matinée du jeudi 14 octobre, il y a eu un incident à Buea qui a secoué toute la ville. Alors qu’une conductrice emmenait son enfant à l’école, elle a été interpellée à un poste de contrôle vers le quartier Molyko. Refusant d’obtempérer, la dame a été prise en chasse par deux gendarmes qui la trouvaient suspecte. Elle était au volant d’un véhicule banalisé (c’est-à-dire sans plaque d’immatriculation et avec des vitres fumées). S’échappant une nouvelle fois après avoir été rattrapée, elle a poussé l’un des gendarmes à tirer sur le véhicule afin de l’immobiliser, causant ainsi la mort de la fillette qui se trouvait à l’arrière de la voiture, une petite écolière de cinq ans qui s’appelait Caroline Louise Ndiallè…

L’information s’est ensuite propagée au sein de la population de Buea comme une traînée de poudre. La population a retrouvé l’auteur du tir malheureux et lui a instantanément ôté la vie… Un lynchage ! Elle s’est ensuite dirigée vers les services du gouverneur avec le corps de la petite fille, pour manifester sa colère. Une tragédie de plus dans la crise sécessionniste qui ne fait que s’éterniser dans la zone du NoSo (région du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun).

Quelle a été la réaction des autorités ?

Après avoir reçu la foule en colère, le gouverneur de la région du Sud-Ouest, Bernard Okalia Bilai, s’est naturellement dit très consterné. Il a relevé que ce sont deux symboles républicains qui ont été attaqués, que ce soit l’école pour la petite fille, et les forces de l’ordre pour le jeune gendarme qui a été assassiné. Dans la foulée, le ministère de la Défense a précipitamment communiqué dès l’après-midi, en relayant les circonstances de ces faits tragiques. Il a indiqué que le tir de sommation qui a été effectué par le malheureux gendarme-militaire, était à la fois inadapté, disproportionné et inapproprié. Mais parallèlement, le ministère de la Défense condamne également l’attitude de défiance de la conductrice, son incivisme, et regrette les conséquences désastreuses de cette altercation.
Par ailleurs, le Premier ministre, Joseph Dion Ngute, n’a toujours pas dit un mot. Lui qui est pourtant originaire de cette zone de conflict, n’a pourtant pas encore manifesté ni son émoi, ni sa compassion à l’endroit des familles des victimes. Et que dire alors de son supérieur hiérarchique M. Paul Biya, grand chef suprême des Armées et en même temps Grand-Père de la Nation, qui n’envisage même pas de s’exprimer sur le sujet. Nous vivons dans une comédie dramatique. C’est d’autant plus douloureux que même les gens qui sont censés nous réconforter, ne nous manifestent même pas de la commisération.

lynchage de Rigobert Achille Mvogo
La foule de Buea a déversé sa colère en assassinant sauvagement le gendarme qui a tiré sur la fillette. Source: camerounweb.com /CC-BY

Comment expliquer une telle violence ?

Cette violence est très facile à expliquer. Déjà, nous sommes dans une zone de guerre. Car même si nos dirigeants essaient toujours de noyer le poisson avec de pseudos Grands Dialogues, la crise anglophone est devenue un bourbier inextricable pour nos gendarmes et pour nos populations civiles. Tous les jours, ce sont des kidnappings, des assassinats, des incendies volontaires, des décapitations, des explosions, etc.
Les habitants de Buea qui vivent dans une telle horreur depuis dorénavant cinq ans, sont survoltés. Ils ont les nerfs à vif. De même que les gendarmes et les militaires qui sont envoyés sur le terrain, et qui sont stressés car parfois leurs primes n’arrivent pas à temps, parfois ils ne sont pas remplacés sur le théâtre des opérations, et parfois aussi ils ne se sentent pas incroyablement soutenus par la population, ni par leur propre élite administrative…

La situation est tendue à Buea. Les véhicules banalisés peuvent souvent transporter des armes et des munitions, ou encore des combattants sécessionnistes. Les militaires risquent leur vie à chaque check-point. Ils ont déjà vu leurs camarades mourir en direct, et cela a immédiatement circulé sur les réseaux sociaux. Ils sont en danger de mort à chaque seconde. Voilà pourquoi un événement ordinaire comme un simple contrôle de routine, peut très rapidement virer au drame dans ce vaste territoire de guérilla.

Hommage au gendarme qui a été lynché…

Et puis, je voulais rendre hommage au gendarme-militaire qui a été lynché par la populace. Il s’appelait Rigobert Achille Mvogo. Car ce que Pierre La Paix Ndamè ne sait pas, c’est que ce soldat-là est presque mort en martyr. Ce jeune garçon d’une vingtaine d’années possédait un lot de munitions à l’intérieur de ses nombreux chargeurs, et il aurait bien pu commettre un carnage ! En voyant arriver la foule, il a été certainement pris de remords, ce qui prouve bien que l’assassinat de la petite fillette n’avait jamais été intentionnel. Il aurait bien pu, dans un dernier sursaut de légitime défense, faire feu sur la foule et augmenter ainsi le bilan à plusieurs dizaines de morts… Mais il ne l’a pas fait.
Ce soldat qui est mort pendant son service mérite toute notre considération, et particulièrement pour son sacrifice. Il doit être félicité pour son sang-froid et pour sa maîtrise. Il doit être regretté au même titre que la petite fillette qui se rendait simplement à l’école. Il doit même être présenté comme un exemple pour les futures promotions de militaires qui seront confrontées à de pareilles situations.

le soldat Achille Mvogo
Rigobert Achille Mvogo était un soldat rompu à la manipulation des armes. Source: camerounweb.com /CC-BY

Une Camerounaise de cinq ans a été tuée à Buea !

Donc dans la matinée du jeudi 14 octobre 2021, une fillette de cinq ans a été malheureusement assassinée par le tir d’un militaire. Une tragédie de trop dans la crise sécessionniste qui ne fait que s’éterniser ici au Cameroun…

Une fillette de cinq ans a été tuée à Buea ! Il s’agit d’un crime envers l’enfance, et malheureusement cela nous rappelle le carnage des enfants qui avaient été sauvagement assassinés à Kumba.
Un militaire a été tué à Buea ! C’est une immense perte pour nos forces de défense et de sécurité, et c’est une immense tristesse pour notre justice qui continue souvent de se faire de façon populaire…
Une Camerounaise de cinq ans a été assassinée à Buea, mais c’est comme cela que ça se passe là-bas tous les jours depuis le mois de novembre 2016.

Puisque nos dirigeants sont toujours dans la dénégation et dans la banalisation. Puisque ce conflit fratricide est généralement qualifié par eux de « simple petite mésentente ». Puisque la situation en zone anglophone a déjà considérablement dégénéré, et que les drames comme celui-ci ne font que se multiplier de jours en jours, et ensuite d’années en années.
La fillette de cinq ans qui a été tuée à Buea ainsi que le gendarme, ne sont que les victimes collatérales d’une situation qui a malheureusement fini par nous échapper…

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