22 mai 2023

Les Camerounais adorent leur pays, mais personne ne l’aime !

Au lendemain de la célébration de la fête du 20 mai, je me suis posé quelques interrogations sur le concept d’unité nationale. Et j’ai conclu que les Camerounais adorent leur pays hein, mais que personne ne l’aime en réalité…


Les Camerounais adorent leur village

S’il y a une chose dont je suis certain, c’est que les Camerounais adorent leur village ! D’ailleurs j’ai rebaptisé ce type de nationalisme-là le « villagisme », car à mon avis il se répercute sur presque tous les pans de notre société.
Ici au Cameroun, on préfère d’abord les « frères du village ». Ce sont eux qu’on recrute majoritairement et surtout prioritairement, lorsque nous nous retrouvons parachuté à la tête d’une administration pourtant nationale. Et même dans les petites entreprises c’est pareil ; car si le DG est d’une tribu, alors c’est 90 % du personnel de cette entreprise qui sera de cette tribu-là…
On a même inventé ici ce qu’on appelle « l’équilibre régional ». C’est-à-dire que pour le casting de nos administrateurs civils et de nos militaires, ainsi que de nos Directeurs généraux des entreprises étatiques et parapubliques, le président de la République s’appuie principalement sur les origines ethniques de tous ces individus. D’ailleurs c’est bien connu que si tu deviens une haute personnalité et donc une élite de ta communauté comme mon ami Pierre La Paix Ndamè, tu vas d’abord te battre pour que l’énergie électrique, l’eau courante ainsi que la route bitumée soient immédiatement aménagées à l’intérieur de ton petit village de Bomono…


Les Camerounais adorent l’incivisme

Si on était des citoyens qui adoraient véritablement leur pays, on devait d’abord commencer par pratiquer le civisme. Parce que ce qui me choque à l’intérieur de notre République, c’est d’abord la désobéissance civile !
Les Camerounais prétendent aimer leur pays tous les jours, mais ils le salissent tout le temps en réalité. Il faut voir comment ils déversent les ordures le long de nos ruelles, devant l’insouciance de nos autorités municipales ainsi que de nos forces de maintien de l’ordre. Nous violons les feux de la circulation au vu et au su de tout le monde, et nous urinons même sur la voie publique devant les caméras policières de vidéosurveillance…
Les Camerounais vivent sur leur propre territoire comme s’ils y étaient de passage, et en réalité ils se fichent pas mal de savoir ce qu’il en adviendra après leur départ dans l’au-delà. Les réflexions sur les toilettes publiques ou sur l’aménagement de l’urbanisme n’intéressent personne, mais nous proclamons pourtant que nous adorons notre petite Afrique en miniature. Les enseignements sur la morale et sur l’éducation civique ont foutu le camp depuis belle lurette, laissant place à la disparition progressive de notre mémoire collective. On a plutôt l’impression d’être une populace d’individus disparates qui se sont retrouvés sur la même aire géographique, et qui n’avons que les langues française et anglaise comme instrument d’appartenance nationale. D’ailleurs la réforme foncière est là pour nous rappeler que chaque Camerounais n’est pas chez lui n’importe où à l’intérieur de notre Triangle…


défilé du 20 mai 2023 au Cameroun
Les Camerounais affichent un patriotisme exacerbé lors du défilé du 20 mai. Source: french.news.cn /CC-BY

Les Camerounais ne s’aiment pas entre eux

À vrai dire, nous ne nous aimons que lorsqu’il s’agit de partager une bière ensemble ! Je suis sérieux hein, c’est la stricte réalité. Les Camerounais n’ont pas un problème de vivre-ensemble, ils ont surtout un problème de manger-ensemble.
Les Camerounais ne s’aiment pas trop entre eux, parce que s’ils s’aimaient entre eux ils allaient partager les ressources naturelles disponibles de façon quasi-systématique. Mais au contraire on a une poignée d’individus qui s’accaparent pour eux seuls la grosse manne financière de richesses de notre tendre République, et qui condescendamment nous narguent en mondovision… Tsuip !
Si les Camerounais s’aimaient entre eux, ils ne verraient pas les autres communautés uniquement comme des opportunités ou des rivalités. Certaines ethnies ne qualifieraient pas les autres ethnies avec des expressions dévalorisantes, et l’acquisition des titres fonciers se ferait naturellement et sans aucune intention de déstabilisation. Les discours de haine s’amenuiseraient à travers les réseaux sociaux, et le conflit fratricide du Nord-Ouest-Sud-Ouest trouverait immédiatement quelques esquisses de pacification.
Si les Camerounais pouvaient s’aimer un jour, ils mettraient d’abord en avant l’intérêt général en toutes circonstances. On penserait d’abord au développement économique et social de la ville où on se trouve, avant de penser à sa propre personne ou encore à son propre village. Les gens comprendraient alors que l’unité nationale est un bien grand concept, et qu’elle ne se résume pas seulement à de simples slogans électoraux. Elle se définirait comme la capacité de notre population à se projeter sur un avenir commun et un destin unique, lesquels nous aurions voulu indéfiniment inséparables et indissociables…


Le patriotisme est un argument politique

Mais finalement, que nous reste-t-il, sinon un patriotisme de façade ? Hein ? Au lieu de se comporter en véritables patriotes, on oblige les citoyens à se tenir droit devant les emblèmes nationaux, et on leur présente un hymne national déconnecté de nos réalités d’indépendance, tout en leur demandant de s’y prosterner en toute obséquiosité.
Non, le patriotisme ne se décrète pas ! Si nous aimions vraiment notre pays, ce sentiment naîtrait tout seul. On pourrait peut-être le susciter à travers des enseignements historiques et l’érection de panthéons, mais on ne devrait jamais le revendiquer à travers des monuments dispendieux devant les bâtiments de la Primature. Il faut arrêter de penser que le patriotisme se résume à réécouter les chansons de bikutsi ou bien de makossa. Non ! Il faut arrêter de supposer que si on aime notre Nation, cela signifierait qu’on se retirera le droit de pouvoir le critiquer ouvertement. Et pire, il ne faut pas s’imaginer que tous les opposants de notre gouvernement —et de notre chef de l’Etat— sont systématiquement des antipatriotes…
Parce que dans la bouilloire du lavage cervical opéré par nos fins prévaricateurs, il y a toujours cette musique subliminale en fond sonore. Ils ont presque réussi à monopoliser l’amour de la patrie camerounaise, et ils le distribuent exclusivement à leurs ouailles et leurs alliés. D’ailleurs le patriotisme est devenu un outil politique très utilisé par les institutions au pouvoir, afin de nous accoutumer à la résilience dans un contexte de vie chère manifestement insupportable. Et pour nous amadouer ils multiplient les slogans de vivre-ensemble comme si c’était suffisant pour matérialiser cette pseudo-représentation de l’unité nationale…


Tous les Camerounais adorent notre pays, mais personne ne l’aime !

Donc au lendemain de la célébration de la fête du 20 mai, je me suis posé plusieurs interrogations sur le concept de la réunification. Et j’ai conclu que les Camerounais adorent leur pays hein, mais que personne ne l’affectionne en réalité…

Les Camerounais adorent leur pays ! Ils sont orgueilleux de proclamer leur camerounité à qui veut bien les écouter, et pourtant tous veulent immédiatement partir de ce territoire à la moindre petite opportunité.
Les Camerounais adorent leur pays ! Ils veulent une Nation nouvelle, équitable et respectable, mais c’est la seule population au monde qui réclame le changement sans pour autant commencer par changer elle-même.
Les Camerounais adorent littéralement leur « continent », mais malheureusement cet amour-là se limite exclusivement à nos Lions indomptables.

Parce que les Camerounais privilégient chacun son village, prioritairement et avant tout ! Les Camerounais sont des inciviques qui ne se préoccupent pas de l’avenir du Cameroun après leur disparition. Les Camerounais ne s’aiment pas vraiment entre eux, malgré les biaiseuses apparences. Et même si Paul Biya a réussi à instrumentaliser le nationalisme pour consolider sa dictature, nous savons pertinemment que l’unité nationale n’existe plus.
Parce que tout le monde ici parle du Cameroun alors que personne ne l’aime en réalité…


Ecclésiaste DEUDJUI, j’aime mon pays le Cameroun
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