23 janvier 2023

Ils ont tué Martinez Zogo !

Je suis encore sous le choc de la disparition de Martinez Zogo. Et avec cet assassinat, le Cameroun vient de basculer définitivement dans la guerre de l’après Paul Biya…


Qui était Martinez Zogo ?

Martinez Zogo était un animateur radio. Personnellement, je ne l’ai jamais rencontré. Mais j’ai suivi ses échos depuis les années 2004-2005 à Yaoundé, lorsque j’étais encore étudiant du côté de l’institut Siantou au quartier Mvog-Mbi.

Martinez Zogo était réputé pour son « franc-parler », sa grande gueule, ses enquêtes irrévérencieuses et ses déclarations provocatrices. De son vrai nom Arsène Salomon Mbani Zogo, il était âgé de 51 ans (il est né le 29 septembre 1972). Il a travaillé dans les radios Siantou, Magic FM et enfin Amplitude FM où il occupait dernièrement le poste de chef de chaîne. Son émission quotidienne « Embouteillages » était devenue une référence dans la ville de Yaoundé, où il mélangeait à la fois animation musicale, journalisme d’investigation et interpellation des personnalités publiques et des autorités administratives…


Que s’est-il passé exactement ?

Tout ceci s’est passé comme dans un film d’action. Le mardi 17 janvier dernier, Martinez Zogo sort de son émission et il prend la route de son domicile. Aux environs de 19 h 30, il est kidnappé par des hommes en noir qui le sortent de son véhicule et qui le capturent à l’entrée de la gendarmerie de Nkolkondi. Quelques instants plus tard, l’opinion publique est informée de sa disparition…

Après plusieurs jours d’interrogations, le public camerounais qui demande des éclaircissements sur cet enlèvement est finalement servi par un communiqué soporifique du ministère de la communication. Et ce dimanche 22 janvier au petit matin, l’horreur ! Le corps du célèbre journaliste est retrouvé dans une bourgade située à 15 km de Yaoundé, à Ebogo par Soa. Il s’agit bien de Martinez Zogo qui est identifié par son épouse, et dont la dépouille mutilée est en état de décomposition avancée. Les premiers résultats de l’autopsie font état de sodomie, d’électrocution et de plusieurs autres formes de torture […] Le cadavre a été transporté à la morgue de l’hôpital central de Yaoundé, et c’est tout le peuple camerounais qui est plongé dans un état de consternation générale.


Martinez Zogo (à droite) sur un plateau télé
Martinez Zogo était réputé pour sa virulence lorsqu’il était dans les médias. Source: mediatudecmr.com /CC-BY

Que lui reprochait-on ?

À Martinez Zogo, beaucoup de choses ! Disons que sa disparition va apaiser plusieurs pontes de notre régime répressif, ceux-là mêmes qui aiguisent leurs armes pour la succession du président actuel M. Paul Biya.

Martinez Zogo était un investigateur irrévérencieux. Il s’attaquait surtout aux personnalités publiques et à leur entourage, en « dévoilant » certains de leurs dossiers noirs. Ces dernières semaines, il avait mis l’accent sur les scandales des lignes 65 et 94, des lignes qui auraient permis d’enrichir illicitement certaines personnalités du monde des affaires, ainsi que certains ministres qu’il citait nommément et régulièrement.
Martinez Zogo avait été plusieurs fois suspendu d’antenne par le CNC, le Conseil national de la communication. Il a été interpellé à plusieurs reprises par des personnalités citées dans son émission. Il a même fait la prison en janvier 2020, après avoir été poursuivi pour diffamation criminelle. C’était un journaliste courageux et téméraire, qui soutenait les institutions républicaines mais qui dénonçait ouvertement ceux qui s’adonnent à la prévarication de notre fortune publique…


Et la liberté de la presse alors ?

Et le plus grave dans tout ça, c’est la liberté de la presse ! Quel message renvoie-t-on ainsi à nos jeunes journalistes qui sortent tout droit des écoles de formation ? Hein ? Quel signal renvoie-t-on de notre environnement soi-disant démocratique, où un journaliste bien connu peut être enlevé en pleine ville, puis kidnappé, puis torturé, puis assassiné ? Que se passe-t-il avec ce sombre crépuscule de la fin du long règne de monsieur Paul Biya ?

Avec l’assassinat macabre de Martinez Zogo, c’est toute la démocratie qui est en deuil ! C’est la liberté d’expression qui est complètement battue en brèche, et c’est l’ensemble de la profession journalistique qui est menacée de sclérose.

En plein 21ème siècle, dans quelle République vit-on ? N’y avait-il pas moyen de l’interpeller judiciairement comme on l’a fait par le passé, pour qu’il réponde de ses déclarations devant un procureur assermenté ? Ce crime abject — qui jusqu’à présent reste encore impuni — est une atteinte à la sécurité individuelle des citoyens, c’est un attentat à la liberté d’aller et venir et c’est un empoisonnement des droits de l’homme. Le Cameroun est retourné en plein Moyen-Âge avec ce règlement de comptes satanique, et la guerre de succession se révèle de plus en plus effrayante et apocalyptique…


Ils ont osé tuer Martinez Zogo !

Donc je suis encore dans l’émoi après la disparition de Martinez Zogo. Car à cause de cet assassinat, le Cameroun va définitivement basculer dans une guerre de clans après le départ du président Paul Biya…

Ils ont tué Martinez Zogo ! Ils ont laissé ses enfants orphelins, et ils ont également tenté de tuer son épouse en sabotant son véhicule et en essayant de lui tendre elle aussi un guet-apens.

Ils ont tué Martinez ! Ils ont éteint une voix, certes, mais ils ont suscité de la rancœur, de la colère et de l’indignation dans le cœur de ceux qui vont continuer à pratiquer ce journalisme de dénonciation.

Ils ont voulu assassiner la liberté de la presse, mais croyez-moi, Martinez Zogo restera et demeurera un martyr pour des gens comme mon ami Pierre La Paix Ndamè

Parce que son nom commence déjà à raisonner dans toutes les conversations. Son combat commence déjà à devenir une cause nationale. Son courage commence aussi à se disséminer auprès de ses nombreux confrères, et son enlèvement a été condamné par la totalité des Camerounais.

D’ailleurs nous connaissons parfaitement les gens qui ont commandité l’assassinat de Martinez Zogo…


Ecclésiaste DEUDJUI, repose en paix, Martinez !
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Commentaires

Callixte Ndayiragije
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Que son âme repose en paix.