22 août 2022

Il était une fois Ndikiniméki…

Ceux qui n’ont pas vécu à Ndikiniméki entre 1997 et 1999 ne comprendront pas de quoi je parle. Mais pour tous les autres, cela ressemblera à une histoire extraordinaire…

Il était une fois le lycée de Ndiki

Je suis arrivé au lycée de Ndikiniméki en septembre 1997, en classe de Seconde C. Mes notes à Edéa m’avaient pourtant orienté vers la série littéraire, mais c’est mon père qui m’avait orienté —de force— vers cette option scientifique.
Ceux qui ont fréquenté au lycée de Ndikiniméki en 1997, se rappelleront de ma note de 19,5/20 en mathématiques ! Toute la ville en avait parlé. Et même mon enseignant de regrettée mémoire, monsieur Hélès, m’en avait publiquement félicité. À tel point que j’étais quasiment devenu un ambassadeur de tout l’établissement…
On avait aussi des éducateurs comme monsieur Epok qui nous enseignait merveilleusement les cours d’Histoire. Il y avait mon répétiteur personnel qui était en même temps notre professeur de Physique-Chimie, et qui s’appelait monsieur Ava (paix à son âme !). Il y avait également ce brillantissime distributeur de philosophie qui s’appelait monsieur Amara, et qui a inimitablement marqué toute notre génération.
Au lycée de Ndikiniméki, à cette époque, le proviseur s’appelait M. Missékou (il est malheureusement décédé vers 2008). Le surveillant général se nommait M. Mvondo Apollinaire, mais lui il était surtout réputé pour sa sévérité et pour sa rudesse. C’est d’ailleurs lui qui venait nous éparpiller à la fin de chaque récréation avec une chicotte à la main, puisque nous nous rassemblions toujours autour de la tribune du stade. Et c’est sur cette tribune-là que les lycéens draguaient les filles, tapaient les commentaires, « faisaient façon », mangeaient les beignets-haricot-bouillie qui n’étaient pas encore toxiques comme aujourd’hui, dribblaient les cours, faisaient semblant de réviser leurs leçons alors qu’ils jouaient aux cartes, etc.

Il était une fois le beau football

Je ne suis pas en train de dire que le football d’aujourd’hui n’est plus vraiment agréable comme auparavant. Mais dans notre ville de Ndikiniméki, nous avions des monstres : Beyokol Assaga Yves Noé, Bamm-mi Tonye Bertrand, Edouard Ngadiang alias Massa Moyo, Moutari, Maho, Onfiang Olivier alias Petit Milla, Alan Shearer (je n’ai plus jamais revu un buteur comme lui dans ma vie), Miloumi Mathieu Sinclair alias Vent-violent, Papa Plus, Nkomen Dunga, etc.
La plupart de ces joueurs étaient à la fois des vedettes de l’équipe-première du lycée, et en même temps des vedettes de l’équipe locale qui s’appelle Vipère du Mbam-et-Inoubou. Nous avons d’ailleurs remporté le tournoi FENASSCO en 1999 dans la ville d’Ombessa, faisant de cette Dream team le champion indiscutable de tout le grand département du Mbam.
Je n’étais pas encore un grand joueur à cette époque. Mais je m’entraînais régulièrement avec cette équipe fantastique, malgré mon frêle gabarit. J’ai même eu le courage d’affronter les deux Bretelles lors d’une séance collective de footing, tout de même 5,5 km de course à haute intensité ! Ces aînés m’encourageaient énormément, puisque j’évoluais au poste de milieu récupérateur et que je voulais ressembler à l’Argentin Juan Sébastian Veron. Je n’étais pas un titulaire dans l’équipe du lycée, mais j’étais le capitaine de ma salle de classe et de mon quartier. J’adorais par exemple les « défis » que nous allions faire à Soamè, à Ndengata, à Bonyombang au stade malien ou encore à Ndekalen, mais les derbys qui me fascinaient c’était lorsque nous allions batailler contre la meilleure équipe de Ndiki-Village…

Ecclésiaste Deudjui et Emtcheu Icare à Ndikiniméki
Je suis retourné à Ndikiniméki quelques années après mon départ. Crédit: Ecclésiaste Deudjui /CC-BY

Il était une fois mes histoires d’amour

Personnellement, j’ai aimé beaucoup de filles durant mon passage à Ndikiniméki. Enfin, admiré. Puisque dès ma première semaine au lycée, j’étais tombé sous le charme d’une brunette qui portait toujours des foulards, et s’appelait Isabelle Etoundi (elle fréquentait dans la même classe que mon petit-frère). Puis j’ai commencé à fricoter avec une certaine Albertine puisque j’étais fan du footballeur Demetrio Albertini, mais aussi parce que nous appartenions tous les deux au club espagnol du lycée. Une petite idylle qui n’a duré que quelques semaines, puisque moi j’habitais au centre-ville tandis qu’elle résidait là-bas loin de l’autre côté de la ville…
Et enfin, il y a eu Donatella. Je préfère dissimuler son vrai prénom parce qu’elle est devenue aujourd’hui une femme complètement mariée. Mais ses frères comprendront de qui je parle, car ils savent à quel point je l’idolâtrais. Puisque je lançais des cailloux tous les soirs sur leur toiture là-bas au quartier Bonyombang (nous n’utilisions pas encore les téléphones portables), et que généralement elle sortait en robe de nuit pour me voir. Son ancienne meilleure amie qui s’appelle Rachelle Ongmemb comprend parfaitement de qui je parle, puisque c’est elle qui me l’avait arrachée des mains pour aller la refourguer dans les bras d’une autre personne…
Tsuip ! Je ne suis plus rancunier, car ça fait partie de ma vie. Ma petite amie venait me voir à la maison et pourtant je ne lui racontais rien d’intéressant. Ma dulcinée batifolait ouvertement avec le journaliste Pierre Laverdure Ombang qui est devenu aujourd’hui un politicien, et pourtant je n’arrivais même pas à leur en vouloir.
Je pense que j’ai aimé Donatella un peu trop tôt ou alors trop tard, c’est selon. Mais j’étais surtout un adolescent qui venait de découvrir la puberté, et j’étais complètement incapable de la satisfaire alors que tous les garçons de Ndikiniméki rêvaient de récupérer à ma place…

C’était une autre époque

C’était il y a plus de vingt ans aujourd’hui ! C’était une autre époque. Il y a des noms que si je prononce aujourd’hui au centre-ville de Ndikiniméki, les gens vont me regarder comme si j’étais déjà en train de devenir un extraterrestre…
Il y a des gens comme le sous-préfet Ateba qui était décédé en plein exercice en 1998 (c’était le père de mon camarade de classe). Il y a un type comme Papa Camdoum qui cultivait le cacao et qui était un milliardaire, mais qui marchait toujours avec les arachides et les avocats dans la poche de sa veste. Il y avait mon camarade de classe Grégoire Batog qui venait en classe avec sa grosse voiture, et qui flirtait avec la charmantissime Babeth Kembelol. Il y avait le feu Mayebi qui était le gérant d’un restaurant-café au carrefour, et qui aimait tellement ridiculiser ses clients lorsqu’il tenait à les faire dépenser (« Le laid se croit beau »). Il y avait le borgne Coloss qui dirigeait un grand vidéo-club en face de notre maison en étage. Il y avait mon propre père qui recevait des menaces de mort à chaque fois qu’il y avait des coupures d’électricité, puisqu’il était le chef de centre Sonel. Il y avait des gars incontournables comme Omam le chauffeur, Heu Ndjou Ben Le vigneron, Kamlo Poanka alias Ndeko, Menad Batouanen, Boayessalen, Boayenimbeck alias John Barnes, Hyppolite Awono (RIP) ou encore Bambara le Centrafricain qui est devenu actuellement un pasteur. Enfin, il y avait les commerçants qui possédaient les plus gigantesques boutiques de la ville, à l’instar de Palisson, de mon ami Ibrahim Souley et de son compère musulman le richissime Halassa…
À cette époque, le snack le plus couru de la ville s’appelait New-Look. Tous les jeunes s’y retrouvaient le samedi et c’est là-bas qu’on regardait danser George Bakal et son ami Pedros Motemapembé Marabout. Au lycée, il y avait aussi une salle de fêtes où j’interprétais occasionnellement Michael Jackson, tandis que mon ami Didier Bakelak imitait magistralement Petit-Pays. On avait des jeux-vidéos (Street fighter) à côté du salon de coiffure de Salenko, et c’est là-bas que nous perdions parfois tout notre temps. J’avais mon meilleur ami Nino avec qui on rentrait souvent des entraînements en transpirant ; mais au lieu de se laver on préférait plutôt bavarder et faire des jongles au carrefour, alors que la nuit était déjà tombée depuis bien longtemps sur notre tête.

Il était une fois la vie à Ndikiniméki…

Donc ceux qui n’ont pas vécu à Ndikiniméki (comme mon ami Pierre La Paix Ndamè) entre 1997 et 1999, ne pourront jamais comprendre de quoi il est question. Mais pour tous les autres hein, ceci ressemblera à une histoire extraordinaire…

Il était une fois mes meilleurs amis ! C’est à Ndikiniméki que j’ai rencontré des amis éternels comme Fabrice Nouanga, Mani Pascal, Martial Iboulous, Nguémaleu Yannick ou encore Florian Ngimbis pour ne citer que ces quelques-uns.
Il était une fois mes meilleures amours ! J’avais flirté avec la « Miss du lycée » pendant plusieurs semaines, mais celle qui m’a ébloui restera indiscutablement la merveilleuse Donatella Capucine.
Il était une fois la vie à Ndikiniméki tout simplement, parce que j’y ai passé deux années seulement et pourtant cette ville a indéniablement marqué toute mon existence.

Puisque j’avais à peine quinze ans à l’époque, lorsque je venais d’obtenir mes 19,5/20 en mathématiques. Puis j’ai connu des enseignants extraordinaires. Puis je suis tombé religieusement amoureux de quelques merveilleuses Camerounaises. Puis j’ai rencontré des personnages pittoresques qui resteront à tout jamais gravés dans ma mémoire, même si aujourd’hui certains parmi eux ont déjà malheureusement disparu.
Car Ndikiniméki restera comme l’une des plus belles pages de toute mon histoire…


Ecclésiaste DEUDJUI, j’ai vécu à Ndikiniméki
WhatsApp: (+237) 696.469.637
Tous mes articles sur https://achouka.mondoblog.org

Partagez

Commentaires

Pierre Loti PITTY BAHETEN
Répondre

Bonjour, c'est un très bon récit. Cependant, il y'a des informations qui se pas très exactes. Exemple, la date du décès du feu Proviseur MISSEKOU. Merci et bonne journée.

Ecclésiaste Deudjui
Répondre

Merci pour les rectifs