9 juillet 2018

J’ai assisté à un mariage collectif à Bafoussam

J’étais à Bafoussam en décembre 2016 pour accompagner un ami (pas Pierre La Paix hein) dans sa nouvelle vie de chef de famille. Qu’est-ce qui l’avait même piqué pour qu’il décide de se marier oooh ? Puisque le gars habitait-lui tranquillement avec sa copine depuis presque sept ans là-bas à Yaoundé, mais un beau jour il m’a téléphoné pour me prévenir qu’il se marierait bientôt dans la ville de Bafoussam.

Et que son mariage serait un mariage collectif…

 

couples de mariés pendant un mariage collectif
Les couples de mariés étaient assis aux premiers rangs. Crédit photo: Ecclésiaste Deudjui /CC-BY

 

C’est quoi le mariage collectif ?

Pour les gens qui habitent dans les pays où le mariage c’est quelque chose de sérieux et de formalisé, il faut quand même que je donne un peu quelques explications. Parce que quand je parle de mariage « collectif », certaines Espagnoles peuvent confondre avec « collector ». Certains Suédois peuvent penser que l’homme et la femme ont décidé de jouer collectif durant ce mariage, surtout en ce qui concerne le partage de leurs biens collectifs.

Non, non et non ! Un mariage collectif ça veut dire que tu viens pour te marier avec ta fiancée, et tu constates que le maire va célébrer au moins trente-neuf autres mariages au même moment !

 

Pourquoi le mariage collectif ?

Tout ceci découle de la pauvreté en général (comme la plupart des problèmes des Camerounais). Parce que quand les gens vivaient avec leur petite amie tranquillement dans une même maison, on a constaté que certains Camerounais refusaient de se marier légalement parce qu’ils protestaient que ça coûtait trop cher ! On a même appelé ce concubinage le « Viens on reste ! »

Sauf que quand une femme « venait rester » chez un homme, elle ne jouissait d’aucune garantie sécurité conjugale. Toi, l’homme, tu pouvais la mettre dehors à n’importe quel moment, tu pouvais lui pondre des enfants qui n’auraient pas de statut légitime, tu pouvais la maltraiter comme tu voulais puisque même après ta mort il y avait sa belle-famille ta famille qui allait continuer à rester la martyriser par derrière…

Au vu donc de tout cela, le Gouvernement a décidé (c’était sûrement une idée de Paul Biya comme d’habitude) que pour protéger nos pauvres Camerounaises, il fallait réellement faciliter l’acquisition de l’acte de mariage pour les couples qui n’ont pas assez de moyens pour se marier régulièrement.

 

couples de mariés en rang
Dans un mariage collectif, les couples se mettent en rang avant d’entrer dans la salle. Crédit photo: Ecclésiaste Deudjui /CC-BY

 

Comment ça se passe ?

Je vais même vous dire que ça se déroule comment ? Parce que si je prends le cas de mon ami par exemple, il avait été enregistré sur une longue liste de dix-sept mariages !

Et puisque comme vous êtes trente-quatre personnes à vouloir vous épouser le même jour à la même heure et dans la même salle (et avec les mêmes invités hein, soit dit en passant), il faut donc arriver très-très tôt à la mairie mais en sachant que tu vas en repartir très-très tard ! Il faudra aussi tenir tes deux témoins à côté de toi sinon l’adjoint au maire va vous traverser en disant « Couple suivant ! » alors que ça fait plus de trois heures de temps que toi tu patientais derrière le couple précédent hein.

Et puis moi il y avait aussi un truc qui me fatiguait, c’était la multiplicité des familles. Mince alors ! Même si quelqu’un te racontait qu’il était de la famille de n’importe quelle mariée parmi les dix-sept couples, toi tu allais vérifier ça comment ? Hein ? Tu allais même d’abord savoir qu’il s’agit de quel mariage précisément ?

 

La cérémonie officielle

Heureusement que ce n’est plus comme avant où tous les maris enfilaient la bague de leur dulcinée au même moment comme dans une ancienne chorégraphie de Michael Jackson, sinon j’allais demander à mon ami de partir recommencer son mariage à zéro dans une autre mairie !

Mais j’étais quand même mal à l’aise par moments, puisque le Délégué du Gouvernement qui célébrait ces mariages avait l’air de vouloir vite bâcler la cérémonie. Il ne laissait même pas les mariés s’embrasser correctement, dis-donc ! Pendant que eux ils jouaient sur l’amour, lui il jouait seulement sur le temps. Il ne te laissait même pas te photographier correctement avec ta nouvelle épouse et avec votre livret de famille. Il ne prenait même pas ces tourtereaux en aparté. Il regroupait tous les conseils qu’il devait prodiguer à deux personnes à trente-quatre personnes au même moment. Il s’est même trompé de prénoms par moments à plusieurs reprises, mais personne ne lui en a voulu, parce que personne ne savait à quel couple il était en train de remettre ses parchemins pour commencer…

 

familles des mariés
Les familles des différents couples étaient nombreuses. Crédit photo: Ecclésiaste Deudjui /CC-BY

 

J’ai assisté à un mariage collectif ici au Cameroun

Donc sérieusement hein, je ne sais pas ce qui avait piqué mon ami-là pour qu’il aille se faire bousculer là-bas à Bafoussam. Hein ? Pourtant ça faisait sept ans que le bon monsieur vivait-lui tranquillement à Yaoundé avec la mère de ses enfants sans jamais avoir de problèmes…

 

J’ai aussi assisté à un mariage collectif à Logbaba. C’était « seulement » quatre mariages hein, mais le mari du couple N°2 est allé baratiner la mariée du couple N°4.

J’ai assisté à un autre mariage collectif à Edéa. Et comme c’était en public, il y a un type qui est venu avec la machette pour vérifier si sa petite amie n’était pas dans les vingt-cinq mariages qu’on était en train de célébrer ce samedi-là.

J’ai déjà assisté à plusieurs mariages collectifs ici au Cameroun, et j’ai constaté que c’est presque toujours la même histoire.

 

C’est toujours l’histoire d’une femme qui habite avec un homme depuis des années et des années, et qui rêve que ce monsieur lui mette enfin la bague au doigt un jour. C’est toujours l’histoire d’un homme qui n’est pas réellement prêt à se marier légalement, légitimement, officiellement. C’est toujours l’histoire d’un couple qui ne sait pas exactement où il en est avec son avenir, et qui décide de se marier parce que notre société n’a jamais rien prévu pour la sécurité des femmes qui ont encore un statut de célibataires… Tsuip !

Et en fait hein, je crois que j’ai plutôt assisté à une thérapie collective en 2016 à Bafoussam.

 

Ecclésiaste DEUDJUI, le vrai mariage c’est deux places

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