30 avril 2018

Coming-out

J’ai un ami qui vit à Yaoundé et comme il n’est pas encore marié, sa mère lui demande souvent : « Je dis hein, tu es un homosexuel ? »

Et il lui répond toujours non, évidemment. Comme toutes ces personnes qui ne veulent jamais dévoiler leur véritable sexualité ici au Cameroun…

 

main dans la main
Il est impossible pour les homosexuels de s’afficher en public. Crédit photo: Katrin Ganster /afrik.com

 

Moi j’ai fait mon coming-out

Je ne suis pas un homosexuel hein, mais j’ai déjà fait mon coming-out. Puisque depuis que j’ai côtoyé ces Camerounais qui sont marginalisés et systématiquement stigmatisés, j’ai décidé de ne plus négliger leur cause. J’ai décidé de chercher à les comprendre. J’ai décidé de lutter contre l’homophobie parce que l’homophobie est vraiment très présente et très prégnante ici au Cameroun…

Bref, j’ai déjà fait mon coming-out. Il y a même des gens qui ont décidé de ne plus jamais me parler parce que je serais devenu un « acolyte » des homosexuels. Il y a des gens qui m’ont bloqué sur leur page Facebook. Il y a aussi quelques amis qui se méfient de moi, parce que je mange avec les homosexuels, je danse avec les homosexuels et je pars souvent en boîte de nuit avec les lesbiennes qui sont de vraies ambianceuses ici à Douala…

 

Les hétérosexuels ont fait leur coming-out

Tout le monde sait bien que les Camerounais adorent les femmes, et que les femmes camerounaises adorent le plantain mûr. Mais cela ne dérange personne ! Puisque tant que tu es restes un hétérosexuel comme Pierre La Paix Ndamè, tu peux même monter sur un tabouret et tu cries au carrefour que « Je suis un homme marié mais je dors avec plein de maîtresses dans les auberges ! »

Vous voyez alors l’injustice ? Pourquoi la sexualité désordonnée des uns peut-elle être publique, et la sexualité ou l’asexualité des autres devraient forcément vous paraître condamnables ? Hein ? Et c’est pour cela que certains homosexuels sont même souvent prêts à mentir en public, à dire qu’ils sont des hétérosexuels, parce que cela passe facilement. Tu peux même dire que tu es un polygame et cela ne dérangera personne. Tu peux même sortir avec la sœur les sœurs de ton épouse. Tu peux même devenir un parent et un conjoint irresponsable. Tu peux même pratiquer l’inceste. Mais tant que tu restes un homme qui aime les femmes ou alors une femme qui adore sucer les cannes à sucre, tu peux tranquillement continuer à faire ton coming-out en public !

 

Maître Alice Nkom
Maîre Alice Nkom est une avocate au service des homosexuels au Cameroun. Source: Wikimedia commons /CC0

 

Les homophobes ont fait leur coming-out

Les homophobes, ce sont ces gens-là qui détestent les homosexuels pour rien-rien comme ça ! Et ils ont même poussé le bouchon loin, puisque je vous ai raconté que j’ai des amis virtuels qui m’avaient bloqué sur Facebook parce que je serais devenu un « acolyte » des homosexuels mâles et aussi des lesbiennes… Tsuip !

Les homophobes ont déjà fait leur coming-out. Puisqu’ils peuvent s’exprimer librement sur les réseaux sociaux, et que cela ne choquera personne. Ils peuvent en appeler à la haine et à la violence en public. Ils peuvent insulter les gays de « pédés » et les intersexuels de « tarlouzes ». Ils peuvent demander à un policier de faire incarcérer un efféminé ou bien un garçon manqué, et ils ont aussi le droit de violer les jolies lesbiennes (collectivement) pour soi-disant « corriger » leur sexualité qui serait biologiquement déficiente…

 

Les homosexuels ne peuvent pas faire leur coming-out

Si dans un pays comme le Cameroun où vous avez le droit de montrer vous vanter que vous flirtez avec mille copines à la fois, et que dans le même temps il y a vos amis homophobes qui vous ostracisent déjà, alors vous imaginez bien la suite ?

Eh bien la suite c’est que les homosexuels n’ont plus le droit à la parole ! Ils n’ont même pas de droit public à l’amour. Ils sont exposés à des maladies vénériennes, à vivre en cachette et à batifoler en secret. Ils n’ont même pas le droit de dire en public qu’ils possèdent une autre orientation sexuelle que la nôtre, sinon on va les lyncher en direct. Ils sont obligés de faire comme tout le monde, c’est-à-dire de se marier avec une personne du sexe opposé et de lui faire pondre des enfants. Ils vivent ainsi dans la supercherie et dans le mensonge, et ils mènent parfois une deuxième voire une quatrième vie en secret. Car la société camerounaise est encore très fermée pour eux, et la loi n’est pas vraiment de leur côté. Et parmi toutes les idoles et les icônes qu’il y a ici dans notre pays, il n’y a pas encore eu une seule vedette qui s’est placée devant les caméras pour nous révéler qu’elle était biologiquement et génétiquement une homosexuelle !

 

deux gays sous la bannière homosexuelle
L’homophobie est un véritable fléau ici au Cameroun. Source: stophomophobie.com /CC-BY

 

Coming-in

Donc quand tu n’es pas encore marié avec une femme ici au Cameroun, tes parents peuvent souvent te demander : « Mais je dis hein, tu ne serais pas un homosexuel par hasard ? »

Et tu leur répondras toujours non, évidemment. Comme tous ces homosexuels qui n’ont pas le droit de déclarer leur véritable sexualité ici au Cameroun…

 

Coming-out ! Selon les chiffres officiels, il y a au moins 10 % de la population camerounaise qui aurait une orientation sexuelle qui est différente de l’hétérosexualité.

Coming-out ! À force de pousser les homosexuels à se cacher et à se taire, vous ne les protégez pas contre les maladies. Vous les éloignez progressivement du bonheur. Vous ne les considérez pas comme des Camerounais.

Et c’est pour cela que j’ai envie de vous faire mon propre coming-out, même s’il faudrait pour cela que je vous révèle que moi aussi je suis un homosexuel !

 

Parce que ce qui fait que l’homophobie se propage ici dans notre pays-ci, c’est parce que les gens voient encore l’homosexualité comme si c’était une étrangeté. C’est parce que les gens qui sont homosexuels ne le déclarent jamais publiquement. C’est parce qu’ils sont pourtant nombreux dans notre Cameroun qui sont de vrais gays et aussi de vraies lesbiennes, mais qu’ils préfèrent mener une double vie en catimini.

Alors qu’on peut faire changer les choses si on décidait tout simplement de venir faire notre coming-out…

 

Ecclésiaste DEUDJUI, moi j’ai fait mon coming-out

WhatsApp: (+237) 696.469.637

Tous mes articles sur https://achouka.mondoblog.org

Partagez

Commentaires

Manon
Répondre

Article important... bravo.