Non, le cinéma camerounais n’est pas mort !
On dit comme ça hein, les Camerounais-là bavardent beaucoup. Ils disent qu’il n’y a pas de salle de cinéma dans ce pays, mais ils sont toujours en train d’acheter les billets pour aller voir les films camerounais à Douala Bercy…
L’autre jour c’était Le Blanc d’Eyenga 2 qui devait y passer. Ce qui est sûr, c’est que c’est un film de Noir ! Le réalisateur est en même temps réalisateur, acteur, promoteur, cadreur, metteur en scène. Le réalisateur a promis qu’il va produire (il est aussi producteur) des films au prix d’une bière, mais on a payé plus de 10 bières sans pour autant avoir une seule image…
Et là moi je dis stop ! stop ! stop ! Les Camerounais n’ont pas besoin d’aller perdre leur temps (ni leur argent) dans les salles de cinéma (qui n’existent pas), parce que NOUS AVONS DEJÀ LE VRAI CINÉMA TOUS LES JOURS AUTOUR DE NOUS. Je m’explique.
LE DÉCOR
Si tu as déjà habité à Doualawood ou à Yaoundéwood, tu dois savoir que nos décors ici sont très changeants. Tu peux sortir le matin avec un parapluie, et puis tu l’oublies dans un bar parce que la tornade a laissé la place à un soleil ardent. Tout ça dans la même journée. Et c’est très pratique pour réaliser n’importe quel type de scène.
LES COSTUMES
Ce sont les habillements que tu veux voir ? On trouve tous types de costumes dans nos ruelles. Les filles qui s’habillent sexy, qui mettent des dos-nus, des matelots et des minijupes. Des pseudo-intellectuels, qui portent des lunettes pour se montrer plus intelligents. Et puis, question coiffure, la palme d’or revient à nos magistrats qui sont noirs comme le charbon, mais qui portent des perruques blanches comme la neige…
LES ACTEURS
Le vrai cinéma camerounais, il est partout autour de nous. Les acteurs sont les vendeuses de nourriture, les bendskineurs, les call-boxeuses. Tous ces gens-là sont doués comme pas possible, lorsqu’il s’agit de jouer leur rôle. Tu entres dans un taxi et une femme t’insulte pour rien comme ça ! Tu te promènes dans un marché et un commerçant essaye de t’entourlouper. Tu te rends dans une entreprise, ou un service public, et on te fait clairement savoir que tu n’es pas le bienvenu !
LE SCÉNARIO
Nos scénarios (les gens aiment dire scénarii pour se rendre plus intéressants) sont imprévisibles. Tu pouvais savoir, toi, qu’on peut se chamailler avec son propre professeur ? Tu pouvais imaginer qu’on puisse tromper sa femme avec sa propre sœur ? Et puis celle-ci avec une autre cousine ?
Quand tu vis au Cameroun, chaque seconde est inattendue. Tu peux subitement devenir ministre sans t’y attendre, tout comme tu peux te retrouver prolétaire ou non grata en moins de 48 heures. Regarde Samuel Eto’o, regarde Marafa Hamidou, regarde nos anciens ministres. Regarde un ancien opposant farouche qui est devenu porte-parole du gouvernement qu’il combattait…
LES BRUITAGES
Les fonds sonores de toutes nos scènes, ce sont les bavardages. Le matin, à midi, le soir, la nuit, c’est le kongossa. Que tu dormes ou que tu te réveilles, tu vas entendre les gens chuchoter autour de toi. Les acteurs camerounais sont toujours en train de malparler d’autres acteurs. Et puis quand ils se retrouvent, ils sont incohérents. Les dialogues dégénèrent rapidement en esclandres. « Tu me connais même ? » « Tu es né quand ? » « on t’a dit que c’est ta sale maman qui m’a accouché ? »…
NON, LE CINÉMA CAMEROUNAIS N’EST PAS MORT !
Moi je pense que nous n’avons pas besoin de salles de cinéma dans ce pays ! Et je pense que nous avons même le meilleur cinéma du monde, parce que ce que nous vivons ici est exceptionnel !
Le Cameroun est une salle de cinéma géante, où les spectateurs sont eux-mêmes des acteurs. Où le scénario n’est jamais connu à l’avance. Où tu peux voir les actions en 4D. Où il y a des catastrophes permanentes, des accidents de circulation, des homicides « un » volontaire…
Le Cameroun est un film qui tourne presque au ralenti, et qui n’a pas d’acteur principal. Tout le monde rêve paradoxalement d’être le méchant. On veut prendre la place des autres, on veut être les califes à la place des califes qui sont déjà là.
Et ça fait déjà plus de cinquante ans que ça perdure…
The End.
Retrouvez tous mes articles sur https://achouka.mondoblog.org