Celui qui aura l’eau, l’électricité, la carte d’identité et le gaz domestique…

Alors que nous sommes en plein 21^ème siècle, il y a encore des Républiques où certaines denrées élémentaires sont mystérieusement considérées comme une bénédiction. Parce que celui qui aura l’eau, l’électricité, la carte d’identité et le gaz domestique en même temps, celui-là sera identifié comme un sacré veinard ici au Cameroun…

Celui qui aura l’eau potable…

L’eau potable est devenue une denrée extrêmement périssable. Et je ne vous parle même pas de l’eau courante hein ! Parce que la compagnie nationale des eaux du Cameroun (Camwater) ne compte même pas 5 % d’abonnés, et pourtant nous avons une population de 27 millions d’habitants !
Nous sommes dans un pays où les gens ne font même plus confiance à cette société parapublique, d’ailleurs la nomination d’un nouveau DG n’a pas suffi à faire modifier ce sentiment d’indifférence. Les Camerounais n’ont pas d’eau courante dans leurs domiciles, ou si oui ils les ont fait aménager eux-mêmes à travers des systèmes de forages individualisés. Les Camerounais n’ont pas d’eau potable dans leurs robinets, et parfois elle coule de là avec une couleur noirâtre, jaunâtre, brunâtre, alors qu’on nous avait enseigné qu’une eau potable devait perpétuellement demeurer incolore. Et je ne vous parle même pas des bornes fontaines qui devaient servir à alimenter en eau potable les populations des zones reculées, des centres de santé ou des écoles, parce qu’il n’en existe pas suffisamment ! Les gens préfèrent plutôt filtrer leur eau avec des bonbonnes qu’ils achètent à des prix exorbitants, ou alors ils se réfugient tout simplement derrière les grosses bouteilles d’eau minérale.

Celui qui aura l’électricité…

On est dans un pays où lorsque l’électricité revient après une longue interruption, c’est tout le quartier qui crie « Ouraaah ! »
C’est absolument incroyable ! Parce que dans une République normale, les coupures d’électricité ne devraient même plus exister du tout, ou alors dans des situations et des périodes extrêmement rares. Mais curieusement nous ne jouissons jamais de l’électricité de façon permanente, alors que nous sommes dans un pays rempli de cours d’eaux ; nous sommes dans un pays où on nous ratiocine à longueur de journées que nous avons les meilleurs barrages de l’Afrique centrale, mais à quoi nous servent donc tous ces baragouinages ?
Les délestages qu’on avait planifiés au départ pour rationner la distribution d’électricité dans les foyers camerounais, se sont transformés en « détestages ». On nous coupe la lumière n’importe comment et à n’importe quelle heure. Les interruptions volontaires d’électricité se succèdent aux pannes électriques, et malheureusement nous perdons souvent nos appareils à cause des variations de tension qui sont inéluctables.
Pour un seul secteur qui concerne uniquement l’électricité, l’Etat a déjà mis en branle jusqu’à trois sociétés : EDC (Electricity development corporation) qui est chargé d’accroître la production de l’énergie électrique, ENEO qui est chargé de la distribution et du recouvrement des quittances, puis la SONATREL (Société nationale de transport de l’électricité) qui est chargée du transport et du rationnement de l’énergie électrique entre les différentes centrales du pays.
Trois sociétés qui brassent des milliards de francs CFA chacune, et pourtant nous n’avons toujours pas d’électricité à l’intérieur de nos domiciles.

Celui qui obtiendra sa carte d’identité…

Que ceux qui sont détenteurs de leur carte nationale d’identité lèvent la main ! Parce que j’en suis certain, ils ne seront pas bien nombreux qui seront capables de nous présenter ce document…
Car dans un pays de 27 millions d’âmes (je suppose hein, nous n’avons même pas de cartes d’identité pour imaginer le chiffre exact), obtenir son sésame d’appartenance à la Nation camerounaise, est devenu un luxe. Les gens s’alignent devant les commissariats et les tribunaux pour subir les humiliations et les procédures, mais leur pièce d’identité ne sortira généralement jamais. On soupçonne même une mafia à l’intérieur de ces commissariats précisément, puisque le chiffre d’affaires de ces pièces d’identité est estimé à des dizaines et des dizaines de milliards de francs CFA !
On soupçonne aussi le régime biyaïste de tirer profit de cette incurie ; car moins les citoyens camerounais disposeront de leur CNI, et moins ils pourront aller voter à la régulière. Moins on aura de gens qui pourront avoir accès aux services financiers et administratifs comme mon meilleur ami Pierre La Paix Ndamè, et moins ils auront envie de s’engager sur les listes électorales. Sans parler de ces policiers et gendarmes qui vous font descendre du bus lorsque vous ne possédez que votre récépissé renouvelable, et qui vous extorquent ensuite quelques billets de banque. Et vous pensez ces mange-mil auraient réellement envie que tous les Camerounais disposent de cette pièce d’identité qui est pourtant indispensable ?

Celui qui achètera une bouteille de gaz…

Même le gaz est devenu rare oooh ! C’est incroyable !
À cause de la guerre en Ukraine —c’est ce qu’ils disent—, obtenir une bouteille de gaz relève aujourd’hui de la gageure. Les revendeurs jouent à la surenchère, c’est-à-dire qu’ils raréfient volontairement le produit pour le rendre exponentiellement plus cher encore. Résultat : une bouteille de 12,5 kg qui coûte habituellement 6 500 FCFA, vous pouvez l’acheter désormais à presque 25 000 FCFA au marché noir… Et estimez-vous heureux !
Les ménages camerounais ont commencé à revenir au feu de bois et au réchaud à pétrole, tandis que les vendeurs de brochettes et de poulet rôti nous servent désormais des fritures dont la cuisson laisse à désirer […] Car dans un pays riche comme le Cameroun, avec un sous-sol aussi fourni en hydrocarbures, il est inadmissible que le gaz domestique commence à se faire considérer comme une denrée haut de gamme !

Tous ceux qui auront l’eau, l’électricité, la carte d’identité et le gaz domestique…

Donc pendant que nous sommes au 21^ème siècle, il y a encore des Républiques où certaines denrées élémentaires sont incroyablement considérées comme une bénédiction. Parce que celui qui disposera de l’eau potable, de l’électricité, de sa carte nationale d’identité ou encore du gaz domestique en même temps, celui-là sera indiscutablement identifié comme un sacré héros ici au Cameroun…

Celui qui aura l’eau potable ! Parce qu’il s’agit là d’un problème de santé globale, puisque des milliers de Camerounais meurent chaque année à cause du choléra ; ce qui est la conséquence inévitable de l’insalubrité de nos eaux coulantes.
Celui qui aura l’électricité ! Parce que nous payons des factures exorbitantes à la fin de tous les mois, et pourtant nous avons une électricité chancelante qui nous empêche de nous soigner, de nous divertir et de mener à bien nos activités professionnelles.
Celui qui obtiendra sa carte d’identité en moins de cinq ans, celui-là sera considéré au Cameroun comme un véritable privilégié…

Parce que l’eau, l’électricité, la carte d’identité ainsi que le gaz domestique, sont devenus en ce moment de véritables matières rares. Et pourtant les Camerounais en ont grandement besoin, puisqu’il s’agit là de denrées élémentaires qui normalement sont indispensables. Mais allez donc savoir pourquoi les gens qui nous dirigent ne font pas de ces problèmes essentiels une incontestable priorité…

Ecclésiaste DEUDJUI, j’ai ma carte d’identité
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