4 novembre 2019

La tragédie de Bafoussam

Dans la nuit de lundi à mardi derniers, la ville de Bafoussam a subi une catastrophe naturelle effroyable. Et cet événement est devenu une tragédie pour le Cameroun…
Un homme transportant un enfant décédé à Ngouaché
La photo la plus célèbre de ce drame, un homme transportant le cadavre d’un enfant décédé lors de la tragédie de Bafoussam. Source: koaci.com /CC0

Que s’est-il passé au juste ?

Dans la nuit de lundi à mardi derniers, dans le quartier Ngouaché qui est situé dans l’arrondissement de Bafoussam 3ème, il y a eu un terrible éboulement !

La scène a commencé le lundi soir aux environs de 22h30, heure à laquelle un glissement de terrain a dévasté plusieurs habitations qui étaient pourtant bien occupées. La chute n’a duré que quelques secondes ! Mais ensuite il y a eu des cris de détresse perdus au milieu de l’obscurité, ainsi que des pleurs incessants et puis subitement un silence assourdissant, ce qui laissait présager du terrible bilan à venir : une quinzaine de maisons effondrées, 43 personnes ensevelies (donc mortes), sept ou huit personnes disparues (donc mortes mais dont les corps n’ont pas pu être retrouvés) et une onzaine de personnes accidentées puis immédiatement hospitalisées…

Quelle a été notre réaction ?

La mienne, de la stupéfaction et du chagrin, bien sûr. Tout comme celle de mon ami Pierre La Paix Ndamè.

Mais pour notre Gouvernement qui est le véritable garant de notre sécurité et de notre santé, il y a eu la lettre du chef de l’État à l’intention du Gouverneur de la région de l’Ouest, et dans laquelle Paul Biya lui adressait ses sincères condoléances.

Ensuite il y a eu un ramdam de quelques membres de ce même gouvernement qui se sont rendus sur place, à Ngouaché, dont notamment le ministre de l’administration territoriale (un certain Atanga Nji qui parle comme un militaire) et celle de l’urbanisme et de l’habitat (Mme Célestine Ketcha Courtès, une femme de poigne également). Il y a eu un premier déblocage de 25 millions de francs CFA pour assister médicalement les victimes, puis un autre déblocage de 100 millions FCFA pour accompagner les familles endeuillées, et enfin une autre enveloppe de 100 millions FCFA encore pour le recasement des survivants qui ont miraculeusement pu échapper à cette catastrophe.

La recherche des corps à Ngouaché
Les populations et les secours à la recherche d’éventuels survivants. Source: actucameroun.com /Image reprise sous autorisation

Quelle est la cause de cet accident ?

Justement. Les théories vont bon train, et certains commencent d’abord par accuser les pluies diluviennes de ces derniers jours dans la ville de  Bafoussam. D’accord. Puis il y a ceux qui accusent les populations de Ngouaché de s’être installées dans des zones aussi marécageuses, et sur des terrains aussi glissants. Surtout que cet éboulement a été amplifié par le fait que ces habitations étaient perchées sur le sommet d’une colline assez culminante, ce qui a donc aggravé cette hécatombe. D’accord.

Mais notre gouvernement, je reviens à lui, est-ce qu’il l’avait prévue ? Hein ? Est-ce qu’il l’avait anticipée ? Est-ce qu’il avait vérifié le permis de bâtir de ces misérables occupants avant de leur permettre de s’y établir ? Hein ? Est-ce que la politique de l’habitat au Cameroun est une politique réfléchie et structurée ? Est-ce que les logements sociaux seront enfin une réalité dans notre Cameroun ? Est-ce que notre président de la République va enfin trouver chercher une solution à ces exodes ruraux massifs, et qui deviennent massifs justement parce qu’il n’y a aucune politique d’urbanisation de nos villages et de nos campagnes ? Hein ? Est-ce que les gens qui nous dirigent vont cesser de pratiquer la « tolérance administrative » quand ça les arrange, et arrêter de nous apporter leurs enveloppes d’argent lorsqu’il y a des catastrophes que normalement ils auraient dû éviter ?

Quelles leçons devons-nous en tirer ?

Les leçons sont multiples : anticiper, prévoir, reconstruire, recaser, conseiller, administrer. Les leçons sont pourtant nombreuses. Les leçons nous exigent que nous ne construisions plus sur des fondations aussi fragiles, et que nous nous munissions d’un permis de bâtir en bonne forme avant de commencer n’importe quel échafaudage.

Les leçons de cette tragédie, ce sont les méfaits de la pauvreté et de la promiscuité. Les leçons c’est qu’il faudrait que les habitations à loyers modérés (HLM), normalement construites pour les pauvres, ne soient plus octroyées à des personnes qui sont nanties ou qui sont riches. Les leçons c’est que nous ne devons plus attendre les inondations avant de réagir. Les éboulements avant de s’émouvoir. Les glissements de terrain (ou de CAN 2019) avant de faire semblant de s’en offusquer, même si curieusement nous n’avons même pas décrété au moins une journée de deuil national !

Stanley Enow à Ngouaché
L’artiste-musicien Stanley Enow (les mains sur la tête) s’est rendu sur les lieux de la catastrophe. Source_ critiqsite.com Crédit: Motherland /Photo reprise sous autorisation

La tragédie du Cameroun

Donc dans la nuit du lundi 28 au mardi 29 octobre 2019, la ville de Bafoussam a donc connu une catastrophe (sur)naturelle indescriptible ! Et cet accident est devenu un véritable psychodrame pour le Cameroun… La tragédie de Bafoussam.

Parmi les quarante-trois victimes officiellement recensées, il n’y a eu que trente-sept cadavres formellement identifiés.

La tragédie de Ngouaché ! Parmi ces personnes décédées, il y avait des adolescents et des adolescentes qui n’avaient rien demandé. Il y avait cinq femmes enceintes et l’une d’elles était même programmée pour accoucher le mercredi 30 octobre.

La tragédie de Bafoussam est une tragédie à la camerounaise, à vrai dire, puisque nous avions déjà connu le Lac Nyos en 1986, Nsam-Efoulan en 1998, Mbanga-Mpongo en 2007  et dernièrement le déraillement de train à Eséka en 2016…

Mais comme d’habitude nous continuerons de regarder ces catastrophes-là sans rien dire, et la vie au Cameroun continuera tranquillement son bout de chemin. Nous ne tirerons aucune leçon de cette tragédie et n’en prendrons aucune précaution non plus, puisque c’est ce laxisme et ce dilettantisme que nous subissons depuis le 6 novembre de l’année 1982. Et quand nous entendrons bientôt parler d’une énième catastrophe ici au Cameroun, à Yaoundé ou bien à Douala, nous ferons encore semblant de nous en émouvoir comme nous savons si bien le faire.

Puisque les tragédies dans notre pays sont déjà presque devenues de simples faits divers.

Ecclésiaste DEUDJUI, je suis Bafoussam

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