23 septembre 2024

J’ai assisté à un enterrement à Folentcha

Je reviens de l’Ouest-Cameroun où j’ai assisté aux obsèques et aux funérailles de la mère de ma grande sœur. Bref, j’étais à l’enterrement de ma belle-mère à Folentcha…


La mère de ma grande sœur

C’est vrai que c’est un peu compliqué à entendre, mais c’était bel et bien la mère de ma grande sœur. C’est-à-dire que c’était la première femme officielle de mon père, avant qu’elle ne quitte ce dernier et qu’il se remarie avec ma mère, et que ma mère le quitte aussi et qu’il se remarie ensuite avec une autre femme…
Passons ! Mama Esther, puisqu’il s’agit d’elle, était la mère de ma grande sœur Marlyse. Mais de mon grande frère James Curtis aussi, malheureusement décédé depuis 2019. Elle était aussi la mère de Tcheuko qui vit en Hexagone, et de mon autre sœur d’un autre père (si, si) qui s’appelle Anna et qui vit au Canada, et que paradoxalement je n’avais plus vue avant ce deuil depuis bientôt vingt ans…
Ma famille est très compliquée à comprendre. Mais disons que Mama Esther était ma belle-mère tout simplement, ou alors la coépouse de ma propre mère. Je ne l’avais pas régulièrement fréquentée puisque moi je suis né après son divorce. Mais on se rencontrait par intermittence, lors d’un enterrement ou alors lors d’un événement festif au village, et elle me considérait chaleureusement comme son propre fils d’un autre mari…
Elle avait soixante-dix ans (1954-2024), elle est morte d’une courte maladie et elle était surnommée la « dame de fer ». D’ailleurs c’est à cause de son deuil que je me suis rendu à Folentcha pour la toute première fois de ma vie…


Le tombeau de Mama Tchaffi Esther repose à Folentcha. Crédit: Ecclésiaste Deudjui /CC-BY

J’étais à l’Ouest-Cameroun

Et donc, j’étais à Folentcha. Je suis parti jeudi soir, et je suis revenu ce dimanche dans l’après-midi.
Avant le décès de ma belle-mère, je n’y étais jamais allé. Je savais simplement que c’était par Bafang, puisque c’est un arrondissement qui contient beaucoup de petits villages tels que Badounka, Fendjemenkouèt, Baboaté, Bapoundja, Folentcha, etc.
J’ai d’abord constaté que la route qui mène de Bafang jusqu’au village de ma belle-mère, Folentcha, est presqu’entièrement goudronnée. Le village est complètement électrifié, le réseau téléphonique et internétique n’est pas systématiquement absent, et j’ai aussi constaté qu’il y avait là-bas de l’eau coulante.
Nous avons été miraculeusement chanceux durant ces obsèques, puisqu’il n’y a pas vraiment eu de pluie diluvienne. Le climat était tempéré, la route un peu boueuse mais suffisamment sèche pour permettre aux véhicules de transporter les caissons et les casiers de bière. J’ai même passé toutes mes nuits à dormir sur le canapé avec ma petite culotte, ce qui signifie que le froid et la température n’étaient pas aussi glaciaux qu’à l’accoutumée.
J’ai globalement apprécié ce long séjour, je me suis promis de revenir à l’Ouest-Cameroun puisque c’est tout de même ma région d’origine, et j’ai continuellement rendu hommage à ma belle-mère avant son dernier voyage pour l’éternité…


J’ai pris beaucoup de photos durant les obsèques de Mama Tchaffi Esther à Folentcha. Crédit: Ecclésiaste Deudjui /CC-BY

L’enterrement de ma belle-mère

Les obsèques étaient géniales ! Il y avait plusieurs maisons du deuil, dont celle de Marlyse, ma grande sœur. Mais il y avait aussi les maisons de Mélanie (la petite sœur de la défunte) et celle d’Anna, un peu plus bas. On vadrouillait donc entre ces différentes maisonnées, et dans chacune d’elles on nous offrait des bouteilles de bière, de vins, de liqueurs et que sais-je encore ! On mangeait aussi beaucoup. Moi par exemple, j’ai dû mélanger un plat de riz, avec des frites de plantain, avec du porc, avec du macabo râpé mélangé à de la sauce blanche, sans oublier avec quelques portions de nkondrè
On mangeait toutes les vingt minutes. La levée de corps s’est déroulée à la morgue de Banka, et le type qui avait « gagné le marché » nous offrait un spectacle des plus improbables : il dansait avec sa tenue blanche de capitaine de paquebot, il exhibait la photo de la défunte pour qu’on lui glisse quelques farotages, et il était très-très spectaculaire. Ses porteurs de cercueil étaient tous en veste-cravate, et ils gesticulaient avec le cadavre de ma belle-mère comme si c’était une cérémonie de makossa-love.
Arrivé à la maison, même cinéma ! Sans oublier les fanfarons de la fanfare qui nous tympanisaient les oreilles, et qui nous grappillaient quelques billets de banque. Les femmes s’affairaient dans les différentes cuisines des différentes maisonnées, les villageois s’attroupaient sur n’importe quelle tablette et ils mangeaient n’importe quelle nourriture, et la bière coulait à flot.
Mon beau-frère (le mari de ma grande sœur) a même fait venir tout un orchestre depuis Yaoundé, et nous avons dansé sur le rythme des Bamendas durant toute la nuit de samedi à dimanche ! Je n’ai pas vraiment assisté à la messe de requiem du vendredi soir, puisque le prêtre nous racontait des histoires que je ne trouvais pas vraiment intéressantes. Mais après la messe du samedi matin, nous sommes allés en face de la maison familiale, pour y enterrer Mama Esther. La foule était nombreuse pour assister à cette inhumation, et j’ai bien vu comment ils étaient nombreux à couler de chaudes larmes. Les petits-enfants de ma belle-mère étaient dans une émotion indescriptible, et particulièrement mon neveu Christian Allan Deutou, le futur meilleur blogueur d’Afrique.
On a donc enfermé la mère de ma grande-sœur dans ce tombeau construit en sa mémoire, et c’était la toute dernière fois que nous l’apercevions à jamais.
Oui, la dame de fer était effectivement une mortelle…


Ma grande soeur Marlyse (debout à droite, en couleur) avec les membres de sa réunion de Makénéné. Crédit: Ecclésiaste Deudjui /CC-BY

Les funérailles…

Normalement je devais rentrer sur Douala le samedi soir, puisque l’enterrement venait de se terminer. Mais j’ai un beau-frère (le mari de ma nièce qui vit à Obala) qui m’a demandé de rester avec lui. J’ai eu beau lui expliquer que j’étais très fatigué, que je n’avais pas réellement dormi depuis mon arrivée à l’Ouest-Cameroun, et surtout que je n’avais même pas pris une seule douche, rien n’y a fait ! Monsieur Hubert m’a tout simplement demandé de rester à Folentcha pour assister aux funérailles…
Et donc, j’ai dormi encore là-bas une nuit de plus.
Vers 10 heures le dimanche, on nous appelé au centre-ville de Folentcha (disons plutôt le centre-village) pour assister au début des funérailles. J’ai vu comment le chef de Folentcha est venu s’installer sur un fauteuil, et j’ai vu des dizaines de notables de ce village et des villages voisins, qui ont pris leur siège aux alentours de la grande cour. Puis des types que je n’avais jamais vus dans ma famille se sont installés au milieu de la cour avec des tam-tams, et ils ont commencé à chanter en langue Bafang. Les habitants ont commencé à s’agglutiner autour d’eux, puis à reprendre toutes leurs chansons en langue Bafang en chœur. Les membres de la grande famille de Mama Esther se mettaient en rang, à la queue-leu-leu, et ils tournaient autour de la concession. Quelques bras épars soulevaient les photos de Mama Esther au-dessus de la mêlée, et nous chantonnions en pleurnichant. Les funérailles chez les Bamilékés c’est une commémoration générale, et c’est pour rappeler aux morts que nous ne les oublierons jamais. C’est un prolongement de la festivité des obsèques, une remémoration de toutes les personnes que nous avons perdues au sein de notre communauté, durant les cinq cent dernières années.
Tout ceci pour dire que même lorsque nous pleurions pour Mama Esther durant ces funérailles, nous pleurions en même temps pour le défunt papa de mon meilleur ami Pierre La Paix Ndamè


La dernière fille de la défunte, Anna (au centre de l’image), lors de la séance des funérailles. Crédit: Ecclésiaste Deudjui /CC-BY

J’ai assisté à l’enterrement de Mama Esther à Folentcha

Donc je reviens de Bafang où j’ai assisté aux obsèques et aux funérailles de la grand-mère de mon neveu. Bref, j’étais à l’enterrement de ma belle-mère à Folentcha…

J’ai assisté à un enterrement à Bafang ! Je me suis retrouvé au cœur de mes origines que je commençais pourtant à renier, et grâce à ce deuil j’ai décidé de renouer avec la véritable source de mes racines.
J’ai assisté à un enterrement chez les Bamilékés ! Les obsèques chez nous c’est le partage, ce sont les retrouvailles, c’est l’amour pour la tradition et le véritable sens de la famille, bref c’est le vrai sens de la vie.
J’ai assisté à un enterrement dans le village de Folentcha, et c’était la meilleure façon pour moi de soutenir ma grande sœur.

Parce que quoi qu’on dise, Marlyse vient de perdre sa seule mère. Nous avions déjà perdu notre père en août 2021, et Dieu seul sait si dorénavant elle sera définitivement une orpheline. J’ai bénéficié de la chaleur de mes beaux-frères qui sont des êtres humains exceptionnels, et nous avons profité de ces funérailles pour renforcer encore nos liens de solidarité familiale. Et grâce à Mama Esther, je crois que je suis en train de redécouvrir qui je suis réellement au fond de moi…


Ecclésiaste DEUDJUI, adieu Mama Tchaffi Esther
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