16 janvier 2023

J’ai assisté à un deuil chez les Bassa’a

J’ai un ami qui a perdu sa grand-mère la semaine surpassée. Et donc ce week-end, je me suis rendu dans son village pour l’accompagner durant son deuil. C’était d’ailleurs la première fois que j’assistais à un enterrement organisé là-bas chez les Bassa’a…


La levée de corps

La levée de corps était prévue vendredi à 8h30, mais c’est vers 10h15 que nous sommes arrivés dans la ville d’Edéa ! Et naturellement, la cérémonie venait juste de commencer. Il y avait quelques femmes en noir qui écoutaient religieusement les incantations du curé devant la dépouille, et il y avait des hommes en noir qui se plaignaient de l’insupportable chaleur du soleil.
Aux environs de 10h45, les gros bras ont chargé le cercueil sur l’un des cars qui devaient se rendre au village. Moi j’ai commencé à avoir un peu faim, mais mon ami qui venait de perdre sa grand-mère était concentré dans des pourparlers avec les différents membres de sa famille. Nous avons ensuite pris la route vers 11h45 après avoir surchargé des casiers de bière dans la malle arrière de notre véhicule. J’ai quand même eu le temps de revisiter rapidement le lycée bilingue d’Edéa, un endroit où j’avais méticuleusement obtenu mon BEPC en 1997. J’ai aussi récupéré le numéro de téléphone d’une jolie fille que j’ai rencontrée à la sortie de la morgue, mais cette fois-ci la discussion n’avait absolument rien à voir avec mon itinéraire scolaire…


Le voyage pour le village

Il faut préciser que la destination finale était Ma’abé, un petit village situé à trois kilomètres de Ngambè-centre. Et même si tout le monde pense que Ngambè c’est le village maternel de Samuel Eto’o Fils, en réalité ce n’est pas exactement cela la vérité. Son origine réelle se trouve tout de même dans les environs, tout comme celui de Joseph-Antoine Bell dont j’ai pu apercevoir le domaine familial là-bas vers Som Mbenguè.
Bref, il était question de se rendre d’abord à Pouma à travers l’axe-lourd Douala-Yaoundé, ce qui nous a pris environ 45 minutes. Ensuite il fallait laisser Yaoundé et prendre un embranchement vers le village qui je vous ai cité tout à l’heure, à savoir Ma’abé chez les Babimbis. Mais auparavant nous avons traversé de petites bourgades comme Nkonga, Poutcka, Som Mem ou encore Som Mbenguè, mais j’ai surtout été traumatisé par la minuscule localité de Ngambè : c’était un endroit morne, terne, comme si le temps s’y était arrêté. J’avais l’impression que les gens de là-bas vivaient dans un film au ralenti, tellement tout été silencieux et inamovible. Et puisque nous avions abandonné le goudron qui s’arrête quelque part là-bas après deux heures de route de Pouma, nous avons fini les quarante-cinq dernières minutes du voyage dans une étonnante et aveuglante poussière.
Je n’oublie pas de dire que notre voiture est tombée en panne à deux reprises, et que certaines collines étaient si abruptes — et si raides — que j’ai même pensé à un moment que nous nous étions plutôt rendus dans la région de l’Ouest-Cameroun…


dejeunes garçons portent un cercueil dans un deuil chez les Bassa'a
La dernière étape du deuil c’est l’enterrement. Crédit photo : Ecclésiaste Deudjui /CC-BY

La veillée mortuaire

Chez les Bassa’a, les deuils ne sont pas vraiment compliqués hein, puisque c’est comme partout au Cameroun !
Il y avait des villageois qui ne connaissaient même pas la défunte, mais ils étaient déjà installés sous la grande bâche. Il y avait des femmes qui vendaient la viande de brousse et d’autres gens qui vendaient des boissons alcoolisées non glacées (la bière là-bas coûte 800 FCFA !). Il y avait des gens qui avaient effectué le déplacement depuis Edéa, et d’autres personnes qui étaient venues de Yaoundé, de Pouma ou encore de Douala.
Vers 22 heures, on nous a distribué à manger. Il y avait l’okok des Bassa’a, le mbongo tchobi et le riz avec la sauce tomate au menu. Nous avons ensuite sifflé quelques bières évidemment. Et puis on a assisté à la messe du vicaire en langue bassa’a, devant le cercueil qui était préalablement installé à l’autel. On a été émerveillés par un groupe de jeunes danseurs d’assiko qui provenaient tous d’une même fratrie, et qui portaient également de lourds casiers remplis à l’aide de leurs mâchoires.
Vers 5h30, après une courte sieste, j’ai assisté à la cérémonie du yegha’mbott (« chercher la fondatrice ») qui est un rite traditionnel. C’est-à-dire que tous les enfants, fils et filles ainsi que tous les petits-enfants de l’illustre disparue, se sont mis à danser avec une couronne de rosiers sur la tête. Certains montaient sur la toiture de la maison, et ils balançaient des régimes de banane et des morceaux de viande sur leurs cousins et frères qui étaient restés danser au sol. On m’a expliqué que toute cette transe était une sorte de communion spirituelle, et que les enfants de la défunte étaient en train de rechercher la personne disparue. D’ailleurs cette large descendance était la preuve que la grand-mère de mon ami avait eu une vie bien remplie, puisqu’elle avait pris le soin de concevoir une très très nombreuse progéniture…


L’enterrement

Samedi matin, après une longue nuit sans vraiment dormir, les petits danseurs d’assiko sont revenus pour réveiller tout le monde. On a distribué du café chaud avec un peu de pain-viande, et quelques bonnes volontés ont rétabli le rangement après le passage très volcanique des chorégraphes du yegha’mbott.
Le prêtre est revenu avec un gros collège, et vers 11h30 il a recommencé ses prédications en langue locale. Plusieurs chorales ont effectué des chants liturgiques à tour de rôle, et il y avait un monsieur en veste beige qui était spécialement chargé de récupérer tous les farotages. On a ensuite donné la parole à certaines personnalités pour recueillir les témoignages, puis les hommes de Dieu ont béni le cercueil et ils ont demandé de procéder immédiatement à l’enterrement.
De jeunes gaillards ont alors mis ce cercueil dans la tombe, puis ils ont cassé son vitrail et déversé tout un sac de sel sur la robe du cadavre. Les membres de la famille pleurnichaient à chaudes larmes, et l’ecclésiastique continuait ses lamentations bibliques en langue bassa’a. Ils ont retiré le corps de son cercueil pour l’enfouir dans un sous-tiroir en terre creusé à cet effet, dans le but de protéger leur macchabée des éventuels profanateurs mystiques de tombeaux. On a enfin refermé toute la tombe comme il se doit, et tout le monde est retourné manger avec une nouvelle bouteille de bière sous sa main droite…


J’ai assisté à des obsèques chez les Bassa’a…

Donc j’ai un ami qui avait perdu sa grand-mère la semaine surpassée, à l’âge de 83 ans. Et ainsi ce week-end, je l’ai accompagné au village durant son deuil. C’était d’ailleurs la première fois de ma vie que j’assistais à un enterrement là-bas chez les Bassa’a…

J’ai assisté à un deuil près de Ngambè ! C’était dans un endroit perdu du monde, d’ailleurs le réseau téléphonique et la connexion internet n’existent même pas dans ce patelin qui jouit pourtant de l’électricité.
J’ai assisté à un deuil en passant par Pouma ! À l’aller nous y avons mangé de la viande de biche, et au retour nous avons fait escale pour y déguster de la bonne chair de pangolin.
J’ai assisté à un deuil organisé là-bas en pays bassa’a ; et comme j’ai dit tout à l’heure, ce n’était pas vraiment différent des deuils de Dibombari avec mon ami Pierre La Paix Ndamè

Car tout a commencé par la levée de corps comme d’habitude, ensuite le départ vers le village natal de la défunte, enfin nous avons passé une nuit interminable pour assister à l’inévitable veillée mortuaire. Et hormis quelques rites spécifiques ou l’utilisation de la langue vernaculaire locale, c’était presque pareil que les obsèques chez les peuples bamilékés.
Puisqu’il était surtout question d’honorer et de rendre hommage à la mémoire de la personne disparue…


Ecclésiaste DEUDJUI, mes condoléances, Jack !
WhatsApp: (+237) 696.469.637
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