27 juin 2022

Stories

Si vous regardez les statuts des Camerounais sur les réseaux sociaux, vous comprendrez beaucoup de choses sur notre mentalité et sur notre façon d’être. Parce que les stories que nous publions généralement c’est toute une histoire…

Il y a les stories des jolies filles

Les filles en statut ne sont pas forcément belles hein, mais c’est ce qu’elles veulent nous faire accroire. Puisque ce sont des photos instantanées qu’elles ont sélectionnées elles-mêmes, et qu’elles se donnent le temps de retoucher méticuleusement avant toute publication sur les réseaux sociaux.
Les pin-up des statuts sont nombreuses : il y a les narcissiques qui aiment se regarder dans le miroir et qui sont persuadées qu’elles sont les plus jolies créatures de l’univers ; il y a les exhibitionnistes qui aiment se dénuder devant des inconnus ; il y a les petites filles de terminale et de l’université qui veulent ingénument suivre la tendance ; il y a les influenceuses camerounaises qui s’ennuient à Dubaï, et qui veulent surtout mesurer leur capacité de séduction et d’excitation ; il y a la majorité des prostituées qui se sont déjà adaptées à l’ère du numérique, et qui multiplient les statuts ꟷon dit qu’elles « saturent »ꟷ en espérant tomber sur un gros poisson ou un homme fortuné comme mon meilleur ami Pierre La Paix Ndamè

Il y a ceux qui jouent la grande vie

La grande vie, c’est la plus grande majorité. Tu as acheté une nouvelle voiture, tu la postes sur Instagram. Tu t’es offert une nouvelle chaussure, tu la publies sur Snapchat. Tu as été invité dans un grand restaurant et ce n’est même pas toi qui payes les factures, pourtant tu photographies ta nourriture afin de la partager avec tout ton répertoire sur WhatsApp…
La grande vie, c’est du grand n’importe quoi. Parce que certains petits Camerounais se mettent en portrait dans les grandes villas des autres, alors que eux-mêmes ils habitent encore dans des maisonnettes en carabottes ! Certains Camerounais filment encore les cuvettes de bières avec les grandes bouteilles de whisky, pour pouvoir démontrer comment leur misérable vie est un enchevêtrement de soirées festives. Et j’ai aussi vu des Camerounaises qui ressuscitent de vieilles photos d’archives, mais lorsque tu regardes leur story tu es obligé de demander que « Mais ma chérie, c’est toi qui est jolie actuellement comme ça ? »
C’est quand même malheureux ! Parce que beaucoup de mes compatriotes se fabriquent une image de marque à travers leurs resplendissants statuts, et pourtant leur vie réelle est un véritable capharnaüm. Moi je leur conseille de se présenter naturellement comme ils vivent exactement dans la réalité.

les différents réseaux sociaux
Les Camerounais publient des stories sur tous les réseaux sociaux. Source: lafropolitain.mondoblog.org /CC-BY

Il y a les stories philosophiques

C’est sur les statuts des gens que je prends dorénavant mes cours de philosophie. Que ce soient les femmes déçues qui essaient de ne pas se décourager pour le Grand Amour et pour le mariage ; que ce soient les personnes ratées qui se consolent sur leur situation de pauvreté matérielle actuelle ; ou encore ces personnes méchantes et malhonnêtes, qui essaient hypocritement et maladroitement de se redonner une bonne conscience.
Les Camerounais sont très philosophiques sur leurs statuts. Y compris nos adolescentes que nous prenons souvent pour des personnes innocentes et naïves, mais qui diffusent parfois des réflexions tellement profondes via leur photo de profil. Et il y a aussi ces individus qui alimentent leur fil d’actualité avec une litanie de citations précieuses, mais aussi de nombreux « penseurs » qui accumulent les leçons de vie tout le long de leur fenêtre sur Facebook. Il y a des internautes qui se sont métamorphosés en chantres de la prière religieuse et des versets bibliques ; ainsi que de nouveaux coachs qui nous prodiguent leurs interminables conseils à longueur de journée. Et moi je suis persuadé que si les Camerounais étaient réellement aussi philosophes dans la vraie vie, peut-être bien que nous serions dans une société plus moralisée que celle que je côtoie actuellement.

Enfin, il y a les melting-pots

Il s’agit des gens qui mélangent tout sur leur story. C’est-à-dire des gens qui n’ont pas de « ligne éditoriale » sur leurs statuts. Des gens qui publient à la fois des blagues, des captures d’écran, des photos personnelles compromettantes qui ne les mettent pourtant pas en valeur, mais aussi de ces administrateurs qui publient des vidéos pornographiques sur leurs réels, tout en exposant leur insignifiante vie privée…
Les statuts des Camerounais constituent dans leur globalité, un véritable melting-pot. C’est un pot-pourri qui est fait à la fois de la prétention d’être respectable et de la prétention d’être divertissant. C’est un espace ouvert où ils peuvent s’exhiber en public, tout en se cachant derrière le clavier de leur téléphone ou de leur ordinateur. C’est un univers de non-interdits et de tabous démystifiés, puisque chacun peut insulter, calomnier, diffamer, divulguer, parodier, plagier, viser, menacer. D’ailleurs certaines gens multiplient les statuts à longueur de journée parce qu’ils n’ont rien d’autre à faire, ou alors parce qu’ils ont du mal à se concentrer sur leurs vraies priorités. Ou encore, parce que nous sommes déjà plongés dans une digitalisation irréversible de notre propre personnalité.

Les histoires

Donc si vous regardez bien les statuts des Camerounais sur les réseaux sociaux, vous comprendrez beaucoup-beaucoup de choses sur notre mentalité et sur notre façon de vivre. Parce que les instantanés que nous publions hein, généralement c’est toute une histoire…

Stories ! Certaines Camerounaises publient des statuts pour faire du mal à leurs ex, et certains  Camerounais publient les photos de leur mariage pour faire du mal à leurs anciennes copines.
Stories ! C’est sur les statuts des Camerounais que je découvre désormais les naissances, les anniversaires, les décès, les voyages, les articles à vendre, les breaking news ou encore les offres d’emploi.
Les stories des Camerounais c’est toute une discipline, mais malheureusement elles ne durent que pendant 24 heures…

Et pourtant mes compatriotes en raffolent, parce que les stories apparaissent en priorité dans ton fil d’actualité. Les jeunes d’ici les utilisent lorsqu’ils veulent faire passer un avertissement ou un règlement de comptes. Les jolies Camerounaises les apprécient parce que ça les met en valeur, d’autant plus qu’elles savent déjà parfaitement manipuler les filtres. Même si derrière ces éphémérides, il se cache souvent un très gros problème de personnalité et de solitude.
Parce que si vous analysez correctement les statuts que nous publions à longueur de journées, vous comprendrez beaucoup-beaucoup de choses sur notre psychopathologie et sur notre santé mentale…


Ecclésiaste DEUDJUI, moi je ne fais pas de statuts
WhatsApp: (+237) 696.469.637
Tous mes articles sur https://achouka.mondoblog.org

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