27 février 2017

Voyage au cœur des voyages camerounais

Depuis que j’ai commencé à voyager en avion, certains de mes camarades me demandent souvent : « Je demande hein, ça se passe comment là-bas en l’air ? »

Et donc, parfois ça m’énerve. Je leur ai déjà dit mille fois que moi je préfère les voyages que nous effectuons ici au Cameroun…

 

des passagers qui montent dans un petit car
De petits véhicules qui font de (très) longues distances

 

NOS VOYAGES SONT DES LIEUX DE RENCONTRE AMOUREUSE

Tu sais combien de filles j’ai déjà baratiné pendant mes voyages en bus ? Hein ? Parce que quand je vais à Yaoundé par exemple, je prends toujours la peine de m’asseoir à côté de la plus jolie fille du véhicule…

Franchement hein, ceci n’est pas une blague ! Les voyages camerounais sont des speed dating. C’est pour cela que quand le bus roule à pleine vitesse (j’ai bien dit speed), tu vas voir des passagers qui s’échangent leurs numéros de téléphone. Et qui se rapprochent petit à petit alors qu’ils sont déjà assis côte à côte !

Même moi qui vous parle, j’ai déjà caressé les cuisses d’une fille pendant tout un voyage de nuit, de Douala à Foumban, avant de me rendre compte à l’arrivée que la fille en question était un homme…

 

NOS VOYAGES SONT DES FESTIVALS DE CINÉMA

Qui vous a dit que les salles de cinéma étaient fermées au Cameroun ? Hein ? Vous rêvez avec les yeux ouverts ? Qui vous a menti en disant que c’est seulement Bolloré qui sait comment on utilise un magnétoscope ?

Parce que dans nos voyages camerounais, on retrouve bel et bien nos bonnes vieilles salles de cinéma ! Puisque quand moi j’entre dans un gros porteur pour me rendre à Sangmélima, il y a parfois un petit téléviseur qui est allumé derrière la tête de notre chauffeur ! Et c’est sur ça qu’il nous projette les vieux films de Jackie Chan ou bien de Jean-Miché Kankan. Parfois ce chauffeur décide de nous (re)montrer les anciens feuilletons de Pierre La Paix Ndamè. On a le choix ? Ou alors il peut même se fâcher et il nous balance les vieux makossa et les vieux Zaïko Langa-Langa des années 1980 (c’est pour ça que nos voyages sont aussi des machines à remonter le temps).

 

La promiscuité dans certains voyages camerounais. Crédit: Ecclésaiste Deudjui

 

NOS VOYAGES SONT DES CONFÉRENCES MÉDICALES

Ce qui me plaît dans nos voyages et qu’on ne va jamais retrouver dans un avion où les gens sont toujours sérieux et silencieux comme s’ils se rendaient à un enterrement, ce sont nos conférences médicales. Je parle de ces types qui montent dans votre bus avec un sac qui est rempli de médicaments mais qui ne s’asseyent pas, et qui commencent à vous adresser la parole comme si vous vous connaissiez déjà auparavant.

Au début personne ne l’écoute, mais ensuite il va vous parler du cancer, de l’impuissance sexuelle et de la typhoïde. Il va parler de certaines maladies que vous ne connaissiez même pas avant de monter dans ce cargo. Il va vous offrir quelques biscuits gratuitement, puis il va vous convaincre de débourser « seulement » deux mille francs CFA pour soigner votre mal d’estomac ou bien votre pancréas. Et après son long séminaire, il va distribuer ses cartes de visite et il va descendre du bus alors que vous n’êtes même pas encore arrivés à destination…

 

NOS VOYAGES SONT DES RENDEZ-VOUS GASTRONOMIQUES

Dans l’avion il y a même quoi ? Hein ? À part les demi-verres de jus d’orange qu’on te donne avec les petites gamelles de riz qui ne peuvent même pas bien te rassasier… Hein ? Alors que si tu as ton argent en poche, tu peux manger tout ce que tu veux à Kékem, à Boumnyebel, à Makénéné, à Bélabo ou encore à Ngaoundéré…

Sérieux hein, souvent je pars à Bafoussam rien que pour acheter le pain-kumba qu’on vend là-bas vers Mbanga ! Puisque dans presque tous nos péages, il y a des enfants qui sont dehors en train de vendre les noix de coco, les gésiers du bœuf, les arachides grillées avec les bâtons de manioc qui sont volumineux jusqu’ààààààà…

Parfois c’est le chauffeur qui vous demande de descendre de son véhicule et d’aller vous ravitailler rapidement (lui-même ça le laisse ?). Souvent il est même le dernier à remonter dans son propre bus, parce qu’on l’a cherché sans le trouver alors que le bon monsieur était dans un bar en train de boire sa bière et de consommer les gigantesques morceaux de viande de brousse…

 

un vendeur devant un car
Un commerçant dans une agence de voyage

 

VOYAGE AU CENTRE DES MULTIPLES VOYAGES CAMEROUNAIS

Donc depuis que j’ai commencé à voyager avec les avions low-cost, certains de mes camarades me demandent toujours« Je demande hein, ça se passe même comment là-bas en l’air ? »

Alors que je leur ai déjà dit mille fois que moi je préfère les voyages que nous on effectue ici au Cameroun…

 

Nos voyages sont des lieux de rencontres culturelles : c’est pour cela que tu vas causer avec des Boulou’ou, des Bamilékés, des Nordistes et aussi des Anglophones qui ne vont jamais te parler de séparatisme.

Nos voyages sont des Grands Prix de Formule 1 : c’est pour ça que votre chauffeur va doubler une voiture, se faire doubler à son tour, et celui qui vous a doublé va aussi se faire dépasser loin là-bas devant…

Nos voyages sont de vrais centres d’éducation civique, puisque c’est le seul endroit où les Camerounais se mettent en rang pour payer un ticket sans discuter.

 

Et nos voyages sont aussi des bourses monétaires. Ce sont aussi des maternités. Ce sont aussi des instituts de sondage. Ce sont aussi les ferments de notre unité nationale, puisque tu peux te mélanger et rigoler avec des inconnus individus que tu n’avais jamais rencontré dans ta vie auparavant…

Hein ? Donc au lieu de me demander comment ça se passe là-bas en l’air, venez plutôt me demander comment ça se passe ici au Cameroun.

 

Ecclésiaste DEUDJUI, je préfère les voyages camerounais

WhatsApp: (+237) 696.469.637

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Commentaires

Mireille Flore Chandeup
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hahahahahaha, Ecclésiaste.

Benjamin Yobouet
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Même moi-même-ci qui vous parle, j’avais caressé les cuisses d’une fille pendant tout un voyage nocturne de Douala jusqu’à Foumban, avant de me rendre compte à l’arrivée que la fille en question était un homme… hahaha

Stefan Goldenzweig
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Etonnant qu'il n'ait pas heurté un tronc d'arbre au passage :)

Alexandre Ondoa Mele
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Merci pour ce rendu comique sur les difficultés que nous rencontrons lors de nos voyages mais aussi de la chaleur humaine qui reste inchangeable dans notre milieu camerounais. Tu retranscris bien les réalités du "Mboa".

Ecclésiaste Deudjui
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Ça fait partie de nos réalités camerounaises, avec ses malheurs et ses chaleurs

Félicien Joseph Kueche
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çaaaaa grand t'as trop de l'inspiration. Je te donne les mains, Ya pas plus que toi ici dehors.

Ecclésiaste Deudjui
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Ahahahaha merci pour le passage frère