Radioscopie du tribalisme à la camerounaise

Article : Radioscopie du tribalisme à la camerounaise
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3 août 2015

Radioscopie du tribalisme à la camerounaise

Je discutais avec un étudiant de Ngoa-Ekellé l’autre jour. Je crois qu’il doit faire sociologie. Il m’expliquait comment le Cameroun est un pays qui ne connaît même pas la xénophobie (ah bon ?). Je n’ai pas eu besoin d’un laser pour lui prouver que nous sommes un vrai peuple de tribalistes.

J’ai juste eu besoin de quelques rayons X.

 

Au Cameroun, on vérifie d'abord l'ethnie avant de s'engager pour le mariage
Au Cameroun, on vérifie d’abord l’ethnie avant de s’engager pour le mariage

 

ON DIT QUE LES DOUALAS SONT DE GROS FAINÉANTS

Ce n’est pas le tribalisme ça ? Hein ? Vous qui jugez les Doualas alors que vous ne les connaissez même pas !

Ce n’est pas tribaliste, de dire que ce sont de vrais gros fainéants ? Hein ? De raconter partout que leurs filles connaissent seulement vendre le pain-haricot le matin, et les beignets-haricot le soir ? Hein ?

Si vous voulez mon avis, je trouve cela très tribaliste ! On dit que les gars Douala connaissent seulement attendre 16 h pour aller jouer à la santé. On dit que du matin jusqu’au soir, ils sont là devant les kiosques du Parifoot. On dit que la seule voiture qu’ils utilisent pour quitter la maison parentale, c’est un long corbillard noir ! On dit que dès qu’ils ont moindre deuil, ils profitent pour barrer les routes qui passent devant leur maison au quartier. On dit que ce sont eux qui se brossent les dents le matin en plein carrefour. On dit même que parfois tu les vois avec de gros costumes et de grosses chaussures, alors qu’ils ne savent même pas ce qu’ils vont manger à la maison le soir…

 

ON RACONTE QUE LES BAMILÉKÉS SONT CHICHES JUSQU’À CE N’EST PLUS BON

Est-ce que ça c’est même un secret ? Mais ce qui m’étonne, c’est que les Bamilékés du Cameroun assument leur chicheté-là avec indifférence (c’est comme ça qu’on écrit « chicheté » ?).

En tous cas, tribalisme ou pas tribalisme, on raconte beaucoup de choses sur les gens de l’Ouest. Que si tu pars dans n’importe quel village du Cameroun, tu vas trouver la boutique d’un Bamiléké dans le village-là. Qu’ils aiment faire la tontine jusqu’ààààààà… Et qu’ils n’épousent jamais les femmes qui viennent d’un autre village.

Les Bamilékés ? Pardon cessez de dire qu’ils ne subissent pas le tribalisme ! Sinon, pourquoi vous dites qu’un gars N’graphi sera jamais président de la République du Cameroun ? Hein ? Vous croyez que nos oreilles sont bouchées quand vous racontez ça partout, partout ?

Vous dites que les Mbouda aiment trop manger l’avocat ; et alors ? Vous dites que les Dschang aiment trop manger la viande du porc ; et alors ? Vous dites que les Bagangté aiment trop se vanter dans le vide ; et ça fait quoi ? Vous dites que les Bandjounais sont sales, que les filles Bafoussam ne savent même pas faire l’amour, et que les Bafang passent leur temps à célébrer les crânes des ancêtres au lieu d’aller prier dans les églises occidentales…

Ce n’est pas ça le tribalisme ?

 

ON DIT MÊME QUE LES EWONDOS AIMENT TROP LA SEXUALITÉ

Bon là, je ne suis pas trop certain que je peux contredire […]

Franchement, qui peut me citer une seule femme Ewondo qui n’aime pas faire les galipettes ? Personne ? Même si c’est une fille Sangmélima, même si c’est une fille Boulou’ou, même si c’est une fille Etonn’, Béti, Monatélé… Qui peut me citer une seule femme de là-bas qui n’aime pas trop faire les galipettes ?

Moi j’appelle ça le tribalisme ! Déjà, on les appelle les Nkwa’as. On dit que les Etonn’ ont 5 minutes de folie par jour. On dit que les Ewondos vendent le terrain avec la fronde. On dit que dès qu’ils ont touché leur salaire, le lendemain c’est déjà tout fini jusqu’à ils empruntent les allumettes à la voisine. On dit que leurs filles adorent la bastonnade jusqu’ààààààà (vous avez déjà vu qui qui adore la bastonnade ?).

On dit que quand tu rencontres une fille Yaoundè le matin, le soir c’est sa grand-mère qui vous accueille dans sa chambre : « Allez vous coucher sur mon lit, moi je vais allez dormir chez tonton Atangana ».

Mékanéva’aa.

 

N’EST-CE PAS ON RACONTE QUE CE SONT LES ANGLOPHONES QUI ONT APPORTÉ LA BORDELLERIE ICI ?

Les Banyanguès plus précisément. Ou c’est vrai oooh, ou ce n’est pas vrai oooh ! En tous cas je suis persuadé qu’il n’y a jamais de fumée sans feu.

Nos prostituées anglophones d’ici, elles se transmettent la bordellerie de génération en génération. Et quand elles « travaillent » leur argent, ça part rester dans les microfinances de Kumba ou bien de Buea. C’est avec ça qu’elles envoient leurs enfants à l’école, et qu’elles s’occupent un peu de leur famille au village.

Je sais, j’exagère. Mais les préjugés disent que quand on vend le poisson braisé à Kumba, il y a pour 500 et pour 600. Et que si tu veux pour 1 000 francs CFA, la vendeuse va te demander d’aller l’attendre à l’auberge…

 

ON PENSE PARFOIS QUE TOUS LES NORDISTES SONT EUX DES MUSULMANS

Vrai, vrai hein, il y a des gens ici qui pensent que tous les Nordistes sont eux des musulmans. Je vous jure ! Il y a des gens ici qui pensent que là-bas, il fait chaud du matin jusqu’au soir. Alors que le froid qu’il y a à Ngaoundéré, on dirait que c’est un froid qui sort tout droit du congélateur.

Franchement, le tribalisme commence d’abord avec les Nordistes ! On ne les distingue pas, on les met tous dans le même panier : les Foufouldés, les Wadjos, les M’bororos (c’est comme si on mélangeait un Yambassa avec un gars de Bertoua). On dit que les Toupouris sont tous pourris. On sait que là-bas il y a Boko Haram et les coupeurs de route, mais ça ne nous émeut pas normalement comme il le faudrait. On sait que là-bas il y a l’analphabétisation infantile, mais ça nous regarde même avec quoi ? On sait que là-bas il y a le choléra, et que parfois on assassine les albinos dès leur naissance, mais est-ce que ça nous concerne ? Vous avez déjà entendu un Sudiste dire qu’il va aller passer ses vacances là-bas au Nord ?

 

On dit que les Etonn' ont 5 minutes de folie par jour
On dit que les Etonn’ ont 5 minutes de folie par jour

 

RADIOSCOPIE COMPLÈTE DU TRIBALISME À LA SAUCE CAMEROUNAISE

Donc mon petit étudiant de Ngoa-Ekellé-là, qu’il arrête ses discours que nos « intellect-tueurs » sont en train de lui fourrer dans le crâne. Car ce que les gens-là lui disent, ça ne s’appelle pas de la sociologie !

 

Nous sommes tribalistes, parce que nous pensons que toutes les jolies filles de Kribi sont des mamy wata.

Nous sommes tribalistes, parce que quand je suis allé à Ebolowa l’autre jour, mes amis m’ont dit de ne pas manger la tête du poisson qu’une fille va me donner (on dit qu’elles ont le charme).

Nous sommes tribalistes, parce que si tu rencontres une femme et que tu commences à lui donner tout ton argent comme un imbécile, tout le monde va dire que tu viens de Bamenda.

Nous sommes tribalistes, parce que quand tu vas dire à ton père que tu es tombé amoureux d’une jolie fille Bafia, il va te dire : « Ééh mon fils ! Pardon quitte vite derrière les problèmes ! »

 

Et c’est la même chose avec les Bassa’a, c’est la même chose avec les pygmées, c’est la même chose avec les gens qui sont originaires des peuples Bamouns. C’est la même chose avec l’équilibre régional. C’est la même chose qui se passe dans toutes nos entreprises. Ce ne sont pas les compétences qui nous intéressent, mais exclusivement les origines ethniques.

Des choses que les Camerounais passent le temps à renier, alors que nous savons pertinemment que nous sommes essentiellement des tribalistes !

 

Ecclésiaste DEUDJUI

WhatsApp: (+237) 696.469.637

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Commentaires

Elsa Kane Njiale
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Bonne analyse de nos petits travers de camerounais et comme toujours l'humour est au rendez-vous. Voilà pourquoi j'ai pris ma carte d'abonnement que j'attends toujours (lol).
Amicalement !