Bienvenue sur la planète Cameroun…

Article : Bienvenue sur la planète Cameroun…
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29 septembre 2014

Bienvenue sur la planète Cameroun…

La planète Cameroun me fait beaucoup rire hein, mais c’est le chez moi.

Je vais commencer par quoi et laisser quoi ? Dire que c’est le Cameroun dans tout son ensemble qui me fait rire ? Ou alors pleurer ? Dire que je le déteste tout autant que je l’adore ? Que, tous ici, nous rêvons parfois d’y partir dans le seul but de pouvoir s’offrir le luxe de « revenir » ?

 

Bon beh je vais quand même le dire, la planète Cameroun c’est le chez moi. C’est le chez nous. Ce qui se passe dans notre triangle national-ci est in-racontable. C’est à peine si c’est vivable. Voilà, j’ai trouvé, c’est « survivable ».

 

Quand j’étais petit, j’entendais les gens dire que le Cameroun c’est le Cameroun. Et jusqu’aujourd’hui, je me demande toujours pourquoi est-ce que cette lapalissade n’est vraie que pour mon cher pays. Hein ? Pourquoi est-ce que les gens ne disent jamais que le Gabon c’est le Gabon ? Ou les Seychelles les Seychelles ? Ou la France la France ? Ou la Papouasie Nouvelle-Guinée la Papouasie Nouvelle-Guinée ? Je m’interroge.

 

En plus c’est clair que nous ici nous nous comprenons sans mot dire, dans cette jungle urbaine, parce que notre vie c’est notre vie, notre parler c’est notre parler ; nos coutumes ce sont nos coutumes, etc… Je n’invente rien, n’importe quelle tautologie dans mon pays devient une formule philosophique très universelle […]

 

D’abord, pour te raconter le chez moi et les « Camerounautes », je vais préciser deux choses : de un, le langage qui est utilisé ici est le meilleur ingrédient pour essayer de capter nos atypiques modes de vie. Chez nous le français il est élastique, chez nous quand tu multiplies un adjectif ou un adverbe dans une phrase, tu lui donnes plus-plus de force ; chez nous on mélange all the languages dans un mismo paragrafo. Chez nous quand tu utilises un verbe, en réalité c’est que tu vas accomplir l’action contraire. « Je ne te dis pas ».

Laisse tomber, chez moi c’est… très-très-très compliqué.

 

De deux (je ne m’égare pas ; tu me connais même ?), le Cameroun est un pays très difficile à comprendre. Les Camerounais alors c’est grave. C’est pourquoi moi je ne passe pas par derrière, je pense que si quelqu’un doit changer cette planète extraordinaire, ça doit d’abord être les Camerounautes eux-mêmes…

 

En tous cas moi je dis hein, chez moi il y a la pauvreté, la famine, le banditisme, la sous-scolarité, le chômage, la corruption, la saleté, l’incivisme… Ouf ! Ça c’est ce que les Blancs ils connaissent. Même les petits Asiatiques, on leur dit en classe que l’Afrique noire c’est le bordel, c’est le foutoir. D’accord.

Mais chez moi c’est aussi la vie, le vivre, la joie de vivre, la joie, le bonheur, l’espérance, la simplicité, la complicité, l’aspiration à l’émergence en 2035 (on sera là ?).

 

Chez moi il y a un président de la république qui est presque comme un dieu. Pardon, c’est Dieu qui est presque comme notre président de la rue publique. Chez moi il y a les Lions Indomptables qui ne savaient même plus miauler, avant que Njié Clinton n’arrive. Chez moi il y a des mouvements révolutionnaires tacites, des sociétés civiles non civiques, parce que les Camerounais aiment trop leur vie pour la risquer sous les coups ou sous les balles. Pourquoi je tremble même pour dire ça : LES CAMEROUNAIS SONT DES LÂCHES !

 

Chez moi il y a parfois la misère et la pauvreté, pendant que d’autres détournent l’argent du contribuable pour s’enrichir et devenir multimilliardaires en euros et en dollars. Tu me parles de quoi ?

 

J’ai vu les gens souffrir ici, j’ai vu des femmes qui cherchent le mariage avec la torche, j’ai vu des pères qui bastonnent leurs fils, et des fils qui étranglent leur propre père… J’ai vu les vendeuses de nourriture souffrir, et souffrir encore. Ce n’est pas une vie la vie qu’elles vivent. Ce n’est pas une vie la vie que les prostituées vivent. Ce n’est pas une vie la vie que les débrouillards vivent, des gens qui sont docteurs en biochimie alimentaire mais qui croupissent sous l’effet du chômage incessant.

 

Ce n’est pas une vie que celle de nos pauvres bendskineurs, ces types qui conduisent des motos taxis et à qui on donne cent francs seulement pour une (très) longue distance. Tu ignores quoi ? Ce n’est pas une vie la vie des call-boxeuses, ces filles qui s’asseyent sous le soleil du matin jusqu’au soir, avec leurs téléphones-là qui sont volumineux comme les parpaings de quatorze, et avec lesquels on passe nos coups de fil(ature). Ce n’est pas une vie, ce n’est pas une vie.

 

Les intellectuels on les emprisonne, les journalistes on les embrigade, les écrivains on les embastille et on les étouffe. Les adversaires politiques on les admoneste. Si je te parle de tout ce qui se passe dans le petit pays-ci hein (pas le chanteur de Makèpè), hum, tu vas sauf que t’étonner. Tu vas te demander comment est-ce que nous faisons pour faire semblant de nous en sortir, pour poster nos photos de bonheur sur Facebook ou sur Twitter, avec tous les sous-problèmes que nous avons ici. Nous sommes 22 millions de personnes, mais on a plus de 22 milliards de problèmes…

 

Et puis si tu veux tu me crois, si tu veux tu ne me crois pas. Je t’ai déjà dit que chez nous ici c’est très compliqué. Mais tu vas voir, si tu t’abonnes sur mon blog (https://achouka.mondoblog.org), tu vas voir comment je vais te « dé-compliquer » tout ça…

 

Ecclésiaste DEUDJUI

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